Cadmus & Hermione
Cadmus & Hermione

Alceste
Alceste

Thésée
Thésée

Atys
Atys

Isis
Isis

Psyché
Psyché

Bellérophon
Bellérophon

Proserpine
Proserpine

Persée
Persée

Phaëton
Phaëton

Amadis
Amadis

Roland
Roland

Armide
Armide

Achille & Polixène
Achille & Polixène



LES TRAGEDIES EN MUSIQUE

Avec le précieux concours de Bertrand Porot.


Lully signa quatorze tragédies en musique, dont la dernière fut achevée par son secrétaire et élève Pascal Colasse. Ce qui fait d'abord l'originalité de ses opéras, c'est que ce sont des tragédies mises en musique où le modèle littéraire joue un grand rôle.

La tragédie en musique débute par un prologue, encadré par une ouverture " à la française ". Celle-ci est constituée de deux ou trois volets, lent-vif ou lent-vif-lent. Elle se distingue de l'ouverture " à l'italienne " qui obéit au schéma vif-lent-vif. Le prologue est hérité à la fois du ballet de cour et de l'opéra italien. Il est le lieu privilégié de l'encomium : une de ses fonctions est de célébrer le souverain. Il se comporte également comme un vestibule dont l'architecture sonore et la thématique annoncent le drame. Le prologue de Thésée expose ainsi l'enjeu de la tragédie, fondé sur un double conflit : celui de la guerre et de la paix et celui de l'amour et de la jalousie. Dans Armide, deux allégories, la Gloire et la Sagesse, annoncent l'objet même du drame : la lutte entre la vertu chrétienne et les plaisirs profanes. Enfin des effets de symétrie viennent encore renforcer le lien entre le prologue et l'opéra lui-même : dans Thésée, le palais reconstruit par Minerve, à l'acte cinq, fait écho au palais de Versailles du prologue.

La tragédie proprement dite comporte cinq actes, à l'exemple de la tragédie classique. Elle en suit les principales étapes dramaturgiques (exposition, nœud et dénouement). Cependant sa construction est différente : elle comporte dans chaque acte des divertissements, lieux privilégiés des airs, des chœurs et surtout de la danse, particulièrement appréciée en France.

Le corps même du drame est fondé sur le récitatif, que ce soit pour exprimer les passions dont sont agités les héros ou encore pour faire avancer l'action. Le récitatif, selon les termes de Jean-Jacques Rousseau, est une " déclamation en musique, dans laquelle le musicien doit imiter, autant qu'il est possible, les inflexions de la voix du déclamateur " (Dictionnaire de musique, 1768). On distingue deux grands types de récitatif : le récitatif simple -avec la basse continue seule- et le récitatif accompagné par l'orchestre. Au sein de ce tissu musical extrêmement souple, s'enchâssent des " petits airs " mesurés et aux contours plus mélodiques. Des monologues réservés aux personnages principaux, se constituent en sommets musicaux et expressifs : ils dépeignent les passions violentes, comme l'amour, le désespoir, la colère, la jalousie, etc...

Les chœurs ont beaucoup d'importance dans l'opéra lullyste, qu'ils soient directement liés à l'action ou simplement décoratifs, comme dans bien des divertissements. Ils incarnent divers personnages : les Démons des Enfers (Alceste), des Fantômes (Persée), des Furies (Isis, Armide). On trouve également les peuples concernés par le drame : Phrygiens dans Atys, Égyptiens dans Isis, Éthiopiens dans Persée. Ce personnel intervient souvent pour commenter l'action avec un certain " bon sens populaire ". Ainsi le spectateur, appelé à s'identifier, se trouve-t-il directement pris à témoin. Il participe même au spectacle en reprenant, avec les chanteurs, certains petits airs spécialement prévus à cet effet. Lorsqu'il s'agit de scènes tragiques, il laisse libre cours à son émotion : Mme de La Fayette n'a-t-elle pas pleuré pendant la pompe funèbre d'Alceste ?

La danse constitue une autre spécificité de l'opéra français et se déploie dans les divertissements. On retrouve de nombreuses danses déjà présentes dans le ballet de cour ou la comédie-ballet : chaconne, passacaille, rondeau, loure, menuet, gavotte.

À l'image des premiers florentins, inventeurs de l'opéra, Lully opte pour la simplicité dans le style, afin de se concentrer sur le déroulement de l'action. Vincenzo Galilei déclarait : " Il faut renoncer au contrepoint et revenir à la simplicité du mot ". Lorsque Lully tenta d'enrichir son harmonie dans Isis, le public fut dérouté par cette musique qu'ils jugeaient " trop sçavante ". Selon Lecerf de La Viéville (Comparaison de la musique italienne et de la musique française, 1705), le compositeur se serait inspiré de la déclamation des acteurs du théâtre de Racine, en particulier de la célèbre Champmeslé. Il est vrai que son récitatif épouse au plus près la structure poétique et la prosodie tout en donnant un schéma déclamatoire assez précis. De même, comme chez Rossi et Cavalli, bien des effets musicaux mettent en valeur le sens des mots. Les " hélas " dans Thésée expriment toute l'affliction de Vénus (Prologue), les " tomber " dans Phaëton chutent comme le char du Soleil (Acte I, Scène 8), etc... Des clichés déclamatoires se mettent ainsi en place et sont repris par les générations suivantes : vocalises sur les mots " gloire " ou " chaînes ", courbes ascendantes pour évoquer le ciel et descendantes pour les Enfers.

On dégage, en général, deux périodes dans l'œuvre lyrique de Lully. La première manière est caractérisée par une présence majoritaire de récitatifs simples, avec basse continue seule. Dans la seconde manière, l'orchestre joue un rôle de plus en plus important en soutenant certains récitatifs et certains airs. L'évolution fut progressive et s'amorça dès Bellérophon en 1679.

- Cadmus & Hermione 1673 (LWV 49)
- Alceste ou le Triomphe d'Alcide 1674 (LW 50)
- Thésée 1675 (LWV 51)
- Atys 1676 (LWV 53)
- Isis 1677 (LWV 54)
- Psyché 1678 (LWV 56)
- Bellérophon 1679 (LWV 57)
- Proserpine 1680 (LWV 58)
- Persée 1682 (LWV 60)
- Phaëton 1683 (LWV 61)
- Amadis 1684 (LWV 63)
- Roland 1685 (LWV 65)
- Armide 1686 (LWV 71)
- Achille & Polixène 1687 (LWV 74)


Bibliographie : pour aller plus loin

ANTHONY, James R., La musique en France à l'époque baroque, traduit de l'américain par Béatrice Verne, Harmoniques, Paris, Flammarion, 1981.

COUVREUR, Manuel, Jean-Baptiste Lully : Musique et dramaturgie au service du prince, Bruxelles, M. Vokar, 1992.

Dictionnaire de la musique en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, direction BENOIT, Marcelle, Paris, Fayard, 1992.

FAJON, Robert, L'Opéra à Paris du Roi-Soleil à Louis Le Bien-Aimé, Genève, Paris, Slatkine, 1984.

LA GORCE, Jérôme de, Jean-Baptiste Lully, Paris, Fayard, 2002. - L'Opéra à Paris au temps de Louis XIV, histoire d'un théâtre, Desjonquères, 1992.

LEGRAND, Raphaëlle, " Persée de Lully et Quinault : orientations pour l'analyse dramaturgique d'une tragédie en musique. " Analyse musicale n° 27, Paris, avril 1992, pp. 9-14.

POROT, Bertrand, " Les enjeux de la célébration royale dans Armide de Lully et Quinault (1686) ", Analyse musicale n° 50, Février 2004.

ROSOW, Loïs, " French Baroque Recitative as an expression of tragic declamation ", Early Music, XI, 1983, pp. 468-479.