Dansé le 21 janvier 1681 à St-Germain-en-Laye.
Quinze ans après le Ballet des Muses, Louis XIV exprima le désir de renouer avec la tradition du ballet de Cour.
Le récent mariage du Dauphin avec Marie-Anne-Victoire de Bavière fut le prétexte pour ressuciter le genre.
Le spectacle réunit sur scène plusieurs enfants de Louis XIV : le Dauphin, le comte de Vermandois, la Princesse de Conti et Melle de Nantes (âgée de huit ans).
Le vieux Benserade fut rappelé pour rédiger les paroles des personnages. Mais la majorité des vers fut l'oeuvre de Quinault. Le Triomphe de l'Amour est souvent perçu comme l'ébauche de l'opéra-ballet qui connaîtra beaucoup de succès au XVIIIème siècle. Les parties vocales représentent en effet une partie non négligeable du ballet. Le ballet fut repris sur la scène du Palais-Royal à partir du 10 mai 1681. Les machines conçues par Jean Berain firent sensation, presque autant que les nombreuses danseuses recrutées par l'Opéra pour tenir les rôles initialement joués par les dames de la Cour. ![]() Le Triomphe de l'Amour : Nymphe L'entreprise éveilla les curiosités : "Enfin, Madame, le ballet intitulé Le Triomphe de l'Amour a été dansé. La musique de M. de Lully a été trouvée très-belle, aussi bien que les habits. La galanterie y a paru à l'envy avec la magnificence, le tout varié d'une manière si agréable, qu'on est demeuré d'accord que le génie de M. Berain ne peut s'épuiser quand il s'est meslé de quelque chose. Je crois vous avoir déjà mandé que le sujet du ballet et les vers que l'on y chante étoient de M. Quinaud. Vous connoissez sa manière. Tous ses ouvrages, surtout quand l'amour y entre, ont un caractère qui luy est particulier. Si M. de Benserade, qui faisoit ceux qui regardent tous les personnages, et que vous trouverez dans l'imprimé du ballet, sont de sa façon. Il faut entendre la cour pour cela, et il la sçait mieux qu'homme du monde, ayant fait depuis plus de trente ans tous les vers de cette nature qui sont dans les ballets imprimés. Ce travail demande un esprit d'autant plus vif, qu'il faut faire des portraits délicats et en racourci des personnes dont on parle, par rapport aux personnages qu'elles représentent. Monseigneur le Dauphin ne dansa point le premier jour du ballet, mais on fut agréablement surpris quand on le dansa la seconde fois. Ce prince eust paru à peine avec ceux de son entrée, qu'il fut reconnu de tout le monde. Il s'éleva aussitost un bruit d'applaudissement et de joye, qui occupa quelquetemps toute l'assemblée. Vous jugez bien avec quel plaisir on le vit danser, puisque c'étoit une preuve de l'entier rétablissement de sa santé. Il a résolu de se donner le divertissement de son entrée une fois chaque semaine. Madame la Dauphine, qui s'étoit fait admirer dans toutes les siennes par sa justesse à la danse, s'attira de nouvelles acclamations le second jour qu'elle parut. Aussi fit-elle une chose assez extraordinaire. Madame la princesse de Conty, étant malade, et n'ayant pu danser ses entrées, le Roy dit, deux heures avant le ballet, qu'il falloit que madame la Dauphine en dansast quelqu'une. Son dessein n'étoit pas que ce fust dès ce jour-mesme. Cependant cette princesse apprit sur l'heure une grande entrée toute remplie de figures, et dans laquelle il y a plus de douze reprises. Ainsi toute la cour fut fort étonnée de luy avoir vu faire, en moins de deux heures, ce qu'une personne moins intelligente n'auroit pas appris en quinze jours. Je ne sçaurois finir cet article sans vous parler de l'entrée où Mademoiselle de Nantes danse seule. Elle s'en acquitte avec tant de légèreté et de justesse qu'elle enchante tout le monde. Aussi n'a-t-on jamais vu personne qui eust l'oreille plus fine, ny plus d'agrément pour toute sorte de danses. Quelqu'un ayant dit au Roy, dans une répétition générale où Sa Majesté se trouva, que parmy le nombre d'instrumens on n'entendroit pas assez les castagnettes, que cette princesse bat admirablement bien, le Roy répondit que ceux qui devoient se mesler avec elle à la fin de l'entrée, les battoient aussi. M. de duc de Saint-Aignan prit la parole, et dit : "On ne les entendra pas : le battement des mains de toute l'assemblée empeschera d'ouïr celuy-là." Il seroit fort difficile de bien louer mademoiselle de Nantes, quoiqu'elle soit dans un âge où les autres ne sont encore qu'enfans : et c'est avec beaucoup de justice que M. de Benserade a dit d'elle : "Que de naissantes fleurs!"
Le Mercure Galant
![]() L'Amour ayant dérobé le foudre de Jupiter s'envole pour subjuguer l'univers Eustache Le Sueur, v. 1645 Vénus commence cette agréable fête ; elle fait entendre que la paix est le temps destiné pour faire éclater la gloire de son fils ; elle appelle les Grâces, les Plaisirs, les Dryades, et les Naïades, pour prendre part avec elle, aux réjouissances du triomphe de l' Amour, et elle invite tout le monde à rendre hommage à ce dieu vainqueur des hommes et des dieux.
Les Grâces, les Dryades, les Naïades et les Plaisirs, viennent accompagner Vénus. Les divinités qui paraissaient les plus opposées à l'Amour, et qui ont été contraintes à céder à sa puissance, sont obligées d'avouer leur défaite, et de servir d'ornements au triomphe de ce dieu victorieux. Mars armé, et accompagné d'une troupe de guerriers, paraît furieux, et témoigne ne pouvoir aimer que les combats, le sang, et le carnage. Il est environné d'une troupe d'Amours qui écartent les guerriers. Ces petits Amours désarment ce terrible Dieu de la guerre, et jouent avec les armes qu' ils lui ôtent : ils l'enchainent avec des liens de fleurs et dansent en réjouissance de leur victoire. Les dieux de la mer et les Néréïdes, viennent se réjouir du bonheur de Neptune, et témoignent leur joie par leurs danses. Borée couvert de glaçons et de frimats, et accompagné de vents froids et glacés, témoigne qu'il croit être en sûreté contre les feux de l'Amour ; il fait cacher les vents qui le suivent, et se tire à l'écart pour considérer Orithye, fille du roi d' Athènes, qui vient se divertir en dansant avec une troupe de filles athéniennes. Borée s'approche d'Orithye, et tout froid qu'il est, se sent enflammer d'amour pour elle. Cette princesse s'épouvante à la vue de Borée, elle veut l'éviter ; les athéniennes se rangent autour d'Orithye pour la défendre ; les vents qui suivent Borée écartent les athéniennes, et donnent moyen à Borée d'enlever Orithye. Diane en habit de chasse chante, et fait connaître qu'elle méprise la puissance de l'Amour. Les nymphes de Diane dansent, et témoignent la joie qu'elles ont d'être exemptes des peines de l'Amour, et de jouir des douceurs de la liberté. Endymion s'approche de Diane et de ses nymphes ; cette déesse si sévère veut fuir avec ses Nymphes, mais elle ne peut s'empêcher de regarder Endymion, et se retire toute confuse de se sentir touchée d'Amour pour lui. La nuit vient obscurcir la terre, et inviter toute la nature à jouir des douceurs du repos. Plusieurs instruments forment une douce harmonie, qui se mêle et qui s'accorde avec la voix de la nuit. Le mystère vient trouver la nuit et la sollicite de favoriser les secrètes amours. Diane vaincue par l'Amour, et honteuse de sa défaite, vient prier la nuit de lui donner du secours. Diane se retire. Les peuples de Carie étonnés que la déesse qui les éclaire durant la nuit, n'est plus dans le ciel, comme elle avait accoutumé d'y paraître, s'efforcent de la rappeller par des cris, et par des sons de plusieurs instruments d'airain. Bacchus après avoir assujetti à son empire la plus grande partie du monde, et lorsqu'il revient de la conquête des Indes, dont il a soumis les peuples à ses lois, est contraint de céder au pouvoir de l'Amour, et ne peut s'empêcher d'aimer Ariane au premier instant qu'il la voit. Les Indiens et les Indiennes qui ont suivi Bacchus admirent la puissance de l'Amour. Mercure chante les louanges de l'Amour, et sollicite tout le monde de se soumettre volontairement à l'empire d'un si puissant vainqueur. Apollon suivi d'une troupe de bergers héroïques, s'empresse de paraître entre les captifs qui doivent accompagner l'Amour triomphant. Le Zéphire conduit Flore ; et les nymphes de Flore sont conduites par des Zéphirs ; ils viennent semer de fleurs le chemin du dieu triomphant, et prennent part aux plaisirs de cette fête. Une des Nymphes de Flore chante au milieu des danses des Zéphirs, de Flore, et de ses Nymphes. L'amour paraît, ce dieu triomphant est porté par des dieux et des héros qu'il a soumis à ses lois. Il est élevé et assis sur une manière de trophée où sont attachées les armes dont les plus grands dieux se servent. On y voit le foudre de Jupiter, le trident de Neptune, le bouclier et l'épée de Mars, l'arc de Diane, les flèches d'Apollon, le thyrse de Bacchus, la massue d'Hercule, et le caducée de Mercure. Ce petit dieu s'applaudit de la grandeur de sa puissance, et jouit de la gloire de triompher de tout le monde. La jeunesse suit l'amour, elle est accompagnée des jeux ; une partie des Zéphirs et des Nymphes de Flore, danse avec la jeunesse et les jeux. Le ciel s'ouvre, il est illuminé d'une clarté brillante et extraordinaire, qui se répand sur le lieu qui sert de scène à ce magnifique spectacle. Jupiter est sur son trône, il est accompagné des plus considérables divinités de l'univers, qui se sont assemblées dans le ciel pour y célébrer cette grande fête. Jupiter reconnaît l'Amour pour le plus puissant de tous les dieux : les divinités du ciel, de la terre, des eaux, et des enfers, unissent leur voix avec la voix des hommes ; ces deux choeurs réunis repètent les paroles de Jupiter, et dans le temps qu' ils chantent les louanges du dieu triomphant ; Apollon, et les bergers héroïques, Pan, et les Faunes, les Zéphirs, les Nymphes de Flore, et les Jeux, dansent ensemble. C'est par ces choeurs de musique et par cette danse générale que se termine la fête du triomphe de l'Amour. |