LA DANSE AU XVIIème SIECLE


Les Français s'intéressèrent à la danse dès la Renaissance. Les Traités rédigés par Michel Toulouze et Thoinot Arbeau témoignent de cet engouement. Sous l'impulsion de Catherine de Médicis, le ballet devint un moyen de propagande royale pendant le règne de Charles IX.

Au XVIIème siècle, la danse était un art pratiqué par toutes les couches de la société française:

- Tout d'abord, par le peuple. Les diverses régions françaises contribuèrent à enrichir le répertoire chorégraphique et musical du pays : la Bretagne, le Poitou, l'Auvergne, la Provence...
Au cours d'un séjour en Armorique, Madame De Sévigné écrivit à sa fille, Madame de Grignan:

"Après souper, tout dansa : il y eut des sonnoux, on dansa tous les passepieds, tous les menuets, toutes les courantes de village, tous les jeux des gars du pays. Enfin, minuit sonna : nous voilà en carême."

- Dans ses mémoires, Louis XIV évoque sa politique en la matière :

« Les peuples d'un autre côté, se plaisent au spectacle, où au fond on a toujours pour but de leur plaire ; et tous nos sujets, en général, sont ravis de voir que nous aimons ce qu'ils aiment ou à quoi ils réussissent le mieux. Par là nous tenons leur esprit et leur coeur, quelquefois plus fortement peut-être, que par les récompenses et les bienfaits. »

Le Roi se devait donc de danser, à l'image de ses sujets. Il ne se contenta pas de le faire, comme son père, au cours de simples bals. Il le fit sur scène, lors de représentations théâtrales évènementielles. Les Noces de Pelée et de Thétis 1654 dans lequel Louis XIV dansait fut donné dans la salle du Petit-Bourbon devant plus de 30.000 parisiens! Louis XIV pratiqua cette discipline avec rigueur, afin de rivaliser avec les meilleurs danseurs du royaume.

- De même, l'"Honnête homme" était censé savoir exercer cet art. La danse était enseignée aux gentilshommes au même titre que le combat à l'épée et l'équitation. C'est pourquoi le Bourgeois Gentilhomme s'octroie le luxe d'avoir un maître à danser à son service. L'Abbé de Pure recommandait son enseignement dans les établissements tenus par les Jésuites. Dans un soucis pédagogique, François de Lauze publia un ouvrage intitulé "Apologie de la Danse et de la Parfaite Méthode de l'enseigner tant aux Cavaliers qu'aux Dames".


Le maître à danser.

Dans les ballets de Cour de la première moitié du XVIIème siècle, les chorégraphies étaient des oeuvres collectives, comme la musique. Les danseurs sont tout d'abord des nobles, hommes (le marquis de Villeroy, le marquis de Rassan, le duc de Saint-Aignan et le Roi bien sûr) ou femmes (Madame, Henriette d'Angleterre, Mesdemoiselles Mancini, de Sévigné, de la Vallière, de Mortemart, la future Madame de Montespan et même subrepticement la Reine !). A ces aristocrates, se mêlent des professionnels hommes (Beauchamps, Vertpré, Mollier, D'Olivet, Raynal, La Pierre) et femmes (Vertpré, Girault, La Faveur) bien avant le Triomphe de l'Amour.

Peu à peu, la technique s'affermit. Les danseurs gagnèrent en virtuosité et se spécialisèrent dans l'exécution de danses spécifiques. L'art se professionnalisa peu à peu.

Afin de sauvegarder les techniques transmises par la tradition orale, Louis XIV fonda l'Académie Royale de la Danse par lettres patentes en date du 30 mars 1661. Ce fut l'un de ses premiers actes de gouvernement. Composée des treize plus grands maîtres à danser du royaume : François Galland sieur du Desert, Jean Renauld, Thomas le Vacher, Hilaire d'Olivet, Jean & Guillaume Reynal, Guillaume Queru, Nicolas de l'Orge, Jean-François Piquet, Jean Grigny, Florent Galland Desert, Guillaume Renauld, l'Académie fut placée sous la protection du duc de Saint-Aignan.

Naturalisé en 1662, Lully sut très bien assimiler la culture française. Ses premières danses furent composées naturellement pour les ballets de Cour. Elles furent en outre utilisées comme intermèdes dans des opéras italiens (Xerxès, Ercole Amante) et dans les comédies-ballets de Molière. Appelé à définir une conception française de l'opéra, Lully choisit de différer du modèle italien et d'y introduire la spécificité musicale de la France: la danse.



LE PAUTRE - Homme en habit de ballet jouant des castagnettes.





Les danses utilisées dans les oeuvres de Lully :


BRANLES

Danses des XVIème et XVIIème siècles composées sur des rythmes variés: 4/4 pour le branle simple, 6/4 pour le bransle bouble, 6/8 pour le bransle gay. On dénombre 19 branles différents, chacun correspondant à une province française: Champagne, Poitou, Bourgogne... Ce type de danse, souvent exécuté sur des chansons plus ou moins populaires, permettaient de mimer des personnages.
Ex: Manuscrit de Cassel (1665)


BOURREE

Danse très répandue en Auvergne. La bourrée fut introduite à la Cour en 1565 par Marguerite de Valois. L'air écrit en 2/3 ou en 3/4, est composé de 8 mesures partagées en deux parties égales.
Ex: Bourrée du Mariage Forcé (1664)


CANARIES

Danse proche de la gigue, mais néanmoins plus lente. Répandue en Europe au XVIIème siècle, elle aurait pour pays d'origine les Iles Canaries.
Ex: "Le Bourgeois Gentilhomme", "Armide"(IV,2), "Ballet de Flore".


CHACONNE

Danse venue d'Espagne, très en vogue aux XVIIème et XVIIIème siècles. Elle se dansait à la ville comme au théâtre, sur un air en général à 3 temps (parfois 2), se composant de phrases de huit mesures répétées sur une basse obstinée.
Ex: "Cadmus & Hermione", "Phaëton"(II,5), "Amadis", "Roland", "Acis & Galatée" (II,5), Chaconne des Scaramouches, Trivelins et Scaramouches dans "Le Bourgeois Gentilhomme", "L'Amour Médecin".


COURANTE

Ancienne danse dont l'origine est italienne. Elle fut introduite n France au XVIème siècle, en étant à deux temps. Au XVIIème siècle, elle se transforma en danse à 3 temps. Les français aimaient beaucoup cette danse faite de sauts, Louis XIV le premier.
Ex: "Les Fâcheux".


GAILLARDE

Ancienne danse originaire d'Italie. Elle fut très en vogue en France aux XVIème et XVIIème siècles. Sa chorégraphie aux mouvements vifs et sauts multiples (ruades, caprioles, grues...) semble relativement libre. L'air est composé sur un rythme ternaire et constitué de la reprise de quatre à huit mesures.
Ex: "Thésée"(IV,7)


GAVOTTE

Cette danse, très appréciée aux XVIIème et XVIIIème siècles, est issue des branles. La danse s'exécute sur un rythme binaire avec de petits sauts : trois pas et un pas assemblé. La musique est souvent gaie, grâcieuse et parfois plus tendre.
Ex: "L'Amour Malade", "Le Bourgeois Gentilhomme", "Atys"(IV,5)


GIGUE

Cette danse est originaire d'Irlande. Le danseur exécute seul des pas rapides : des piquets, des ciseaux, le berceau, le trot de cheval, les ailes de pigeon. La musique est écrite à deux temps, à un rythme très vif. Lorsque la gigue fut introduite dans la musique de chambre du XVIIème siècle, sa forme évolua. Haendel et Bach en composèrent plusieurs en mesure ternaire.
Ex: "Roland"(Prologue), "Le Temple de la Paix".


LOURE

Cette danse, assez lente, était exécutée au son de l'instrument du même nom (=genre de musette connue depuis le Moyen-Age). La mesure est à trois temps dont le premier est accentué. La Loure était surtout en vogue dans le Midi de la France.
Ex: Loure des Pécheurs dans "Alceste"(I,7).


MENUET

Cette danse à trois temps est originaire du Poitou. Importé à Paris, le menuet fut mis en musique par Lully à partir de 1653. Ce fut la danse la plus utilisée dans l'oeuvre de Lully: on en dénombre pas moins de 36 dans les ballets, et 47 dans les tragédies. Ce qui fit dire à Victor Hugo : "Le Notre fit le quinconce et Lulli le menuet." Le menuet remplaça peu à peu la courante et deviendra très en vogue au XVIIIème siècle. Sa chorégraphie est composée de petits pas menus et serrés, d'où son nom. Les danseurs, comme pour le quadrille, sont quatre. Les dames changent régulièrement de cavalier. La forme musicale composée de motifs de 4 ou 8 mesures reste très variée.
Ex: Menuet du "Bourgeois Gentilhomme", "Atys" (Prologue; IV,5), Armide (Prologue)


PASSACAILLE

Il s'agit d'une sorte de chaconne, néanmoins plus lente et plus grave. Toujours à trois temps, elle se développe sur une même basse obstinée. La danse, solennelle et majestueuse, est exécutée par une personne seule.
Ex: "Persée"(V,8), "Armide"(V,1), "Acis & Galatée"(V,9).


PASSEPIED

Danse très répandue en Bretagne au XVIIème siècle. Vive, grâcieuse et enlevée, cette danse tient son nom du fait que les pieds des danseurs se croisent et s'entrecroisent en glissant. La musique est composée en 3/4 ou 3/8, sur un rythme très vif.
Ex: L'entrée des Bretons et Bretonnes dans "Le Temple de la Paix".


PAVANE

Danse de Cour par excellence, la pavane doit être noble et majestueuse. Elle fut utilisée dès le XVIème siècle. Son rythme est binaire (2/2 ou 2/4). Elle est exécutée en couple. Les danseurs "font la roue" l'un devant l'autre, à la manière des paons (d'où le nom de "pavane"). L'instrumentation habituelle est composée de violes, de tambourins et de hautbois.
Ex: "Pavane des Saisons" (1685)


RIGAUDON

Cette danse fut très répandue en Provence aux XVIIème et XVIIIème siècles. Le rigaudon se danse à deux, sur un vif rythme binaire. La chorégraphie est particulière puisque le danseur exécute ses pas tout en restant sur place.
Ex: "Acis & Galatée" (Prologue)


SARABANDE

La Sarabande est d'origine espagnole. Grave ou légère, elle est plus lente que le menuet. Les danseurs l'exécutent en couple. La musique est écrite à trois temps dans un mouvement large.
Ex: Premier Air des Espagnols dans "Le Ballet des Nations".


Charles-Louis Pierre de Beauchamps (v. 1634 - v. 1705)


Compositeur des ballets de Cour dès 1655, il composa la musique de la première comédie-ballet de Molière « Les Fâcheux ». Beauchamps se vit confier la direction de l'Académie Royale de Danse en 1662. En 1666, le Surintendant du Corps de Ballet obtint du Parlement l'autorisation de porter le titre de "Docteur de l'Académie de l'Art de la Danse". Il sut fixer les cinq positions de base. Après avoir composé les chorégraphies des Comédies-Ballets de Molière et Lully, Beauchamps devint chorégraphe de l'Académie Royale de Musique en 1671 avec Perrin, puis Lully. Il se retira en 1687 à la mort du compositeur.


« Beauchamps disait qu'il avait appris à composer les figures de ses ballets par des pigeons qu'il avait dans un grenier. Il allait lui-même leur porter du grain et le leur jetait. Ces pigeons couraient à ce grain, et les différentes formes, les groupes variés que composaient ces pigeons, lui donnaient les idées de ses danses. On dit de Beauchamps que ce n'était pas un danseur de très bon air, mais qu'il était plein de vigueur et de feu ; personne n'a mieux dansé en tourbillon, et personne n'a su mieux que lui faire danser. »


Histoire de l'Opéra - Les frères Parfait.




Louis-Guillaume Pécourt (1651-1729)


Danseur et chorégraphe français, il débuta à l'Opéra dans Cadmus & Hermione en 1673. Son emploi s'étendit aux fonctions de maître à danser des Pages de la Chambre du Roi, de compositeur des ballets de Cour et de maître de ballet de l'Opéra. Pécourt dansait merveilleusement les sarabandes et chaconnes. Il montra ses talents dans Thésée, Atys, Isis, Bellérophon, Persée, Amadis, entre autres.

"Il se distingua de façon, dans la danse, qu'en peu d'années il devint le premier de la profession. Pécourt était beau et bien fait, dansant avec toute la noblesse possible... Il joignait à son talent beaucoup d'esprit et de lecture."

Lecerf de la Viéville


En 1698, l'allemand Muffat écrivait dans ses "Premières Observations sur la manière de jouer les airs de Ballets à la Française" que ce style s'acquittait "en même temps de deux fonctions admirablement liées ensemble: de savoir plaire à l'oreille, et de marquer tout à la fois si bien les mouvements de la danse, qu'on connaît d'abord de quelle espèce chaque air est, et qu'on se sent comme inspiré, même malgré soi, l'envie de danser."





Chorégraphies


Si la chorégraphie de certaines entrées restait libre en raison de leur caractère burlesque ou dramatique, celle des autres danses exigea rapidement une certaine mise en forme.
Les entrées se faisaient par escouades (groupe informel) ou quadrilles (danse par un ou deux couples). Leur nombre variait de 3 à 12 dans les ballets ou opéras, jusqu'à atteindre le nombre de 20 dans le "Triomphe de l'Amour".

Pour ses opéras, Lully choisit de collaborer avec les membres de l'Académie Royale de Danse: Beauchamps, Dolivet, Raynal, Des Brosses ou les deux frères Galland du Désert.
Le compositeur semble avoir eu une part active dans l'élaboration des chorégraphies, puisque Lecerf écrit que "Lulli se mêloit de la danse presque autant que du reste".

Il imagina aussi une gestuelle particulière, proche du mime : des "ballets presque sans pas de danse, mais composés de gestes de démonstrations en un mot d'un jeu muet."



Chorégraphie pour la passacaille de Persée.

Les maîtres à danser de l'Académie Royale mirent au point un système d'écriture des chorégraphies. La publication de ces chorégraphies, en 1700, permit de diffuser partout en Europe, ce qui devait être le fondement de la danse classique moderne.

Au XVIIIème siècle, la tragédie lyrique sera peu à peu détrônée par les opéras-ballets, dans lesquels la danse allait remplir un rôle croissant.

Sommaire