THESEE Tragédie en musique ornée d'entrées de ballet, de machines et de changements de théâtre, représentée devant S. M., à Saint-Germain en Laye, le onzième jour de janvier 1675 [paroles de Quinault, musique de Lulli] PROLOGUE La scene du prologue est dans les jardins de Versailles. Le theatre represente les jardins et la façade du palais de Versailles. Choeur d' amours, de graces, de plaisirs, et de jeux. Les jeux et les amours ne regnent pas toûjours. Un Plaisir le maistre de ces lieux n' aime que la victoire, il en fait ses plus chers desirs : il neglige icy les plaisirs, et tous ses soins sont pour la gloire. Le Choeur les jeux et les amours ne regnent pas toûjours. Un Plaisir c' estoit dans ces jardins, au bord de ces fontaines, que l' aimable mere d' amour esperoit d' establir sa bien-heureuse cour : mais ses esperances sont vaines. Le Choeur les jeux et les amours Un Des Jeux ne nous escartons pas de ces charmantes plaines, allons nous retirer dans les bois d' alentour. Trois De La Troupe Des Jeux ah ! Quelles peines de quitter un si beau sejour ! Trois De La Troupe Des Plaisirs le maistre de ces lieux n' aime que la victoire, il en fait ses plus chers desirs : il neglige icy les plaisirs, et tous ses soins sont pour la gloire. Le Choeur les jeux et les amours ne regnent pas toûjours. Les amours, les graces, les plaisirs et les jeux se retirent. Venus revenez, amours, revenez ; pourquoy quitter ces lieux où l' on est sans allarmes ? La beauté perd ses plus doux charmes, si-tost que vous l' abandonnez : revenez, amours, revenez. Beaux lieux, où les plaisirs suivoient par tout mes pas, que sont devenus vos appas ? Qu' un si charmant sejour est triste et solitaire ! Helas ! Helas ! Les amours n' y sont pas, sans les amours, rien ne peut plaire. Revenez, amours, revenez ; quel chagrin si pressant vous a tous emmenez ? Est-il quelque danger dont Mars ne vous délivre ? Il chasse les fureurs de ces lieux fortunez, à la seule victoire il permet de le suivre. Revenez, amours, revenez. On entend des trompettes et des tambours dont le bruit se mesle au son de plusieurs instruments champestres. Cependant Mars paroist sur son char avec Bellone. Mars, sur son char. Que rien ne trouble icy Venus et les amours. Que sous d' aymables loix, dans ces douces retraites, on passe en repos d' heureux jours ; que les haut-bois, que les musettes l' emportent sur les trompettes, et sur les tambours. Que rien ne trouble icy Venus et les amours. On n' entend plus le bruit des trompettes et des tambours : et plusieurs instrumens champestres joüent dans le temps que Mars descend. Mars partez, allez, volez, redoutable Bellonne. Laissez en paix icy les amours et les jeux ; que Ceres, que Bachus, s' avancent avec eux ; esloignez ce qui les estonne. Portez aux ennemis de cét empire heureux tout ce que la guerre a d' affreux : Venus le veut, Mars vous l' ordonne. Partez, allez, volez, redoutable Bellone. Bellone obeït, et s' envole. Venus inexorable Mars, pourquoy deschaînez-vous contre un heros vainqueur tant d' ennemis jaloux ? Faut-il que l' univers avec fureur conspire contre ce glorieux empire dont le sejour nous est si doux ? Sans une aimable paix peut-on jamais attendre de beaux jours ny d' heureux moments ? La plainte la plus tendre, les plus doux soupirs des amants, sont le seul bruit qu' on doit entendre en des lieux si charmants. Mars que dans ce beau sejour rien ne vous épouvante, un nouveau Mars rendra la France triomphante. Le destin de la guerre en ses mains est remis. Et si j' augmente le nombre de ses ennemis, c' est pour rendre sa gloire encor plus éclatante. Le dieu de la valeur doit toûjours l' animer. Venus Venus répand sur luy tout ce qui peut charmer. Mars malheur, malheur à qui voudra contraindre un si grand heros à s' armer. Venus tout doit l' aimer. Mars tout doit le craindre. Venus et Mars. Tout doit le craindre, tout doit l' aimer. Mars et Venus. Qu' il passe, au gré de ses desirs, de la gloire aux plaisirs, des plaisirs à la gloire. Venez, aimables dieux, venez tous dans sa cour. Meslez aux chants de victoire les douces chansons d' amour. Bacchus et Ceres suivis de moissonneurs, de silvains et de bacchantes, rameinent les amours, les graces, les plaisirs, et les jeux. Le Choeur meslons aux chants de victoire les douces chansons d' amour. Bacchus, et Cerés. Que tout le reste de la terre porte envie au bonheur de ces lieux pleins d' attraits. Le Choeur que tout le reste de la terre porte envie au bonheur de ces lieux pleins d' attraits. Mars, et Venus. Au milieu de la guerre goustons les plaisirs de la paix. Le Choeur au milieu de la guerre goustons les plaisirs de la paix. La troupe des moissonneurs commence une dançe agreable, et environne Cerés dans le temps qu' elle chante. Cerés trop heureux qui moissonne dans les champs des amours ! Amants que rien ne vous estonne, l' esperance est un grand secours : quand on vient à cueïllir les fruits que l' amour donne, on est riche à jamais, et content pour toûjours, trop heureux qui moissonne dans les champs des amours. Bacchus chante au milieu des silvains et des bacchantes qui dançent. Bacchus. Pour les plus fortunez, pour les plus malheureux, dans l' empire amoureux, le dieu du vin est necessaire : s' il prend part aux plaisirs c' est pour les redoubler ; il charme les chagrins des coeurs qu' on desespere : Bacchus a dequoy consoler de tous les maux qu' amour peut faire. La troupe qui suit Cerés, et la troupe des suivans de Bacchus se réünissent, et expriment ensemble leur joye par une dançe, que les autres dieux accompagnent de leurs chants ; et tous enfin se retirent pour faire place, et pour prendre part au magnifique divertissement qui va paroistre. Mars, et Venus. Qu' il passe au gré de ses desirs de la gloire aux plaisirs, des plaisirs à la gloire ; venez, aimables dieux, venez tous, dans sa cour : meslez aux chants de victoire les douces chansons d' amour. Le Choeur meslons aux chants de victoire les douces chansons d' amour. Bacchus, et Cerés, que tout le reste de la terre porte envie au bonheur de ces lieux pleins d' attraits. Le Choeur. Que tout le reste de la terre porte envie au bonheur de ces lieux pleins d' attraits. Mars, et Venus. Au milieu de la guerre, goustons les plaisirs de la paix. Le Choeur au milieu de la guerre, goustons les plaisirs de la paix. ACTE 1 SCENE 1 La scene est à Athenes. Le theatre represente le temple de Minerve. Combattans que l' on entend et que l' on ne voit point. Avançons, avançons ; que rien ne nous estonne ; frappons, perçons, frappons ; qu' on n' épargne personne ; il faut perir, il faut perir ; il faut vaincre, ou mourir. ACTE 1 SCENE 2 Aeglé, combattans que l' on entend et que l' on ne voit point. Aeglé quel que soit mon destin, il faut icy l' attendre, Minerve, c' est à vous que je viens recourir. Divinité qui devez prendre le soin de nous deffendre, hastez-vous de nous secourir. Combattans. Il faut vaincre, ou mourir. Aeglé ô ciel ! ô juste ciel ! Vous est-il doux d' entendre ces cris pleins de fureur que je ne puis souffrir ? Dieux ! Aimez vous à voir tant de sang se repandre ? Combattans. Il faut perir, il faut perir, il faut vaincre ou mourir. ACTE 1 SCENE 3 Cleone, Aeglé, combattans que l' on entend et que l' on ne voit point. Aeglé est-ce aux atheniens, est-ce au party contraire, que l' avantage est demeuré ? Dy moy pour qui le sort s' est enfin declaré. Ton silence me desespere. Cleone pardonnez à la peur qui me force à me taire. Mes yeux troublez d' effroy n' ont rien consideré : Thesée est le dieu tutelaire qui me donne en ce temple un refuge assûré : je ne sçais rien de plus, et j' ay creu beaucoup faire de gagner en tremblant cét azile sacré. Aeglé au milieu des clameurs, au travers du carnage, Thesée a jusqu' icy conduit mes pas errants : son genereux courage a fait ses premiers soins de m' ouvrir un passage entre deux effroyables rangs de morts et de mourants. N' as-tu point admiré l' ardeur noble et guerriere dont il court au peril et s' expose au trespas ? Ah qu' un jeune heros dans l' horreur des combats couvert de sang, et de poussiere, aux yeux d' une princesse fiere a de charmans appas ! Cleone Thesée est aimable, il vous aime ; tout cede à sa valeur extresme ; vous pouvez sans rougir souffrir à vostre tour que jusqu' à vostre coeur il porte sa victoire. Il n' est rien de si beau que les noeuds de l' amour quand ils sont formez par la gloire. Aeglé, et Cleone. Il n' est rien de si beau que les noeuds de l' amour quand ils sont formez par la gloire. Combattans il faut perir, il faut perir, il faut vaincre, ou mourir. ACTE 1 SCENE 4 Arcas, Aeglé, Cleone Aeglé le ciel ne veut-il point mettre fin à nos Esclaircy nous, Arcas, quel est le sort d' Athenes ? Arcas le combat dure encor, il est sanglant, affreux, et le succez en est douteux. Le roy m' a commandé de prendre le soin de l' avertir s' il falloit vous deffendre, et ce n' est que pour vous qu' il est touché d' effroy... Aeglé Thesée est-il avec le roy ? Arcas des plus fiers ennemis il écarte la foule, on reconnoit sa trace aux flots du sang qui coule : une gresle de traits ne l' a point retenu. Aeglé ô dieux ! ... elle dit ce qui suit à Cleone. Mon secret est connu ; je crains devant Arcas d' en faire trop entendre, Cleone, s' il se peut, obtien qu' il aille aprendre ce que Thesée est devenu. ACTE 1 SCENE 5 Cleone, Arcas, combattans que l' on entend et que l' on ne voit point. Cleone laissons aller la princesse, prier en paix la déesse. Arcas, je veux voir en ce jour jusqu' où va pour moy ton amour. Arcas peux-tu douter de ma tendresse ? Cleone j' en doute encor, je le confesse. Tu m' as fait des serments cent fois que tu suivrois toûjours mes loix, et qu' il te seroit doux de mourir pour me plaire ; mais la pluspart des amants sont sujets à faire bien des faux serments. Arcas tu n' as qu' à commander, tu seras satisfaite. Cleone cherche Thesée, et suy ses pas jusqu' à sa victoire parfaite, ou jusqu' à son trépas. Arcas d' où vient qu' en sa faveur ton ame s' inquiéte ? Cleone si tu veux que je t' aime, Arcas, fay ce que je souhaite, et ne replique pas. Arcas pour un autre que moy Cleone s' interesse ? Pretens-tu que je sois un amant qui me presse de me charger d' un soin à mon amour fatal ? C' est un plaisir charmant de servir sa maistresse, mais c' est un chagrin sans égal de servir son rival. L' ordre du roy m' engage à prendre soin de vous : Cleone l' ennemy jusqu' icy n' ose porter sa rage. Tout le monde est aux mains, veux-tu seul fuïr les coups ? Arcas ce grand empressement me donne de l' ombrage. Cleone la valeur à mes yeux a des charmes bien doux, et le moindre soupçon m' outrage : je ne veux point avoir d' epoux qui soit jaloux, ny d' amant qui soit sans courage. Arcas faut-il qu' un estranger ait pour toy tant d' appas ? Cleone je te l' ay déja dit, et je te le repete, si tu veux que je t' aime, Arcas fay ce que je souhaite, et ne replique pas. Arcas hé bien, je suivray ton envie, j' en veux faire toûjours ma loy ; la peur de te déplaire est mon plus grand effroy : je crains peu d' exposer ma vie, je ne puis hazarder rien qui ne soit à toy. Combattans avançons, avançons ; que rien ne nous estonne ; frappons, perçons, frappons, qu' on n' épargne personne ; il faut perir, il faut perir, il faut vaincre, ou mourir. ACTE 1 SCENE 6 La grande prestresse de Minerve, Aeglé, Cleone, combattans que l' on entend et que l' on ne voit point. La Grande Prestresse prions, prions la déesse de nous dégager du danger qui nous presse prions, prions la déesse. La Prestresse, Aeglé, Cleone prions, prions, la déesse. Combattans mourez, mourez, perfides coeurs, tombez sous les coups des vainqueurs. La Grande Prestresse dieux ! Quelle barbarie ! Aeglé entendrons-nous toûjours ces horribles clameurs ? La Prestresse, Aeglé, Cleone dieux ! Quelle barbarie ! Combattans mourez, mourez, perfides coeurs, tombez sous les coups des vainqueurs. Un Combattant sauve un malheureux qui te prie. Ah je meurs ! Ah je meurs ! La Grande Prestresse, Aeglé, Cleone dieux ! Quelle barbarie ! Un Combattant ah je meurs ! Ah je meurs ! Sauve un malheureux qui te prie. Combattans mourez, mourez, perfides coeurs, tombez sous les coups des vainqueurs. La Grande Prestresse ô Minerve ! Arrestez la cruelle furie qui desole nostre patrie : ecartez loin de nous la guerre et ses horreurs ; ciel ! Espargnez le sang, contentez-vous de pleurs, La Grande Prestresse, Aeglé, Cleone ciel ! Espargnez le sang, contentez-vous de pleurs. Combattans liberté, liberté. Victoire, victoire, victoire. Courons, courons tous à la gloire. Combattons avec fermeté. Deffendons nostre liberté. Liberté, liberté. Emportons la victoire. Victoire, victoire, victoire. Liberté, liberté. Victoire, victoire, victoire. ACTE 1 SCENE 7 Aegée roy d' Athènes, La Grande Prestresse, Aeglé, Cleone, Suivans du roy d' Athenes. Le Roy les mutins sont vaincus, leurs chefs sont immolez, leur vaine esperance est destruite. Tous les peuples voisins qu' ils avoient appellez sont dans nos fers, ou sont en fuite. La Grande Prestresse rendons graces aux dieux. Tous Ensemble rendons graces aux dieux. La Grande Prestresse puisque le juste ciel à nos voeux est propice, allons, empressons-nous d' offrir un sacrifice à la divinité qui protege ces lieux. Rendons graces aux dieux. Tous Ensemble rendons graces aux dieux. ACTE 1 SCENE 8 Le Roy, Aeglé Le Roy cessez, charmante, Aeglé, de répandre des larmes, commençons aprés tant d' allarmes à joüir d' un destin plus doux : puisque je voy mon thrône affermy par les armes, j' y veux joindre de nouveaux charmes en le partageant avec vous. Aeglé avec moy ! Vous ! Seigneur ! Le Roy que vostre trouble cesse. C' est peut-estre, un peu tard vouloir plaire à vos yeux, je ne suis plus au temps de l' aimable jeunesse, mais je suis, roy, belle princesse, et roy victorieux. Faites grace à mon âge en faveur de ma gloire, voyez le prix du rang qui vous est destiné : la vieillesse sied bien sur un front couronné, quand on y voit briller l' éclat de la victoire. Parlez charmante Aeglé, parlez à vostre tour. Aeglé depuis que j' ay perdu mon pere vos soins ont prevenu mes voeux dans vostre cour. Je doy vous respecter, seigneur, je vous revere... Le Roy vous parlez de respect quand je parle d' amour. Aeglé mais vostre foy, seigneur, à Medée est promise ? Le Roy je sçay que lors qu' on la méprise on s' expose aux fureurs de ses ressentiments. Toute la nature est soûmise à ses affreux commandements, l' enfer la favorise, elle confond les elements, le ciel mesme est troublé par ses enchantements. Mais j' ay fait élever en secret dans troezene un fils qui peut m' oster de peine : je veux qu' en espousant Medée au lieu de moy, il dégage ma foy. Aeglé mais si malgré vos soins, Medée ambitieuse, ne s' attache qu' au rang que vous me presentez ? Le Roy que vous estes ingenieuse à trouver des difficultez ! Que Medée en fureur, s' arme, menace, tonne, il faut que ma main vous couronne quand il m' en cousteroit et l' empire, et le jour. Un grand coeur qui se sent animé par l' amour ne doit jamais trouver de peril qui l' estonne. J' atteste Minerve à vos yeux, j' atteste le maistre des cieux, et sa foudroyante justice... Aeglé tout est prest pour le sacrifice chacun s' avance dans ces lieux, rendons graces aux dieux. ACTE 1 SCENE 9 Le roy, Aeglé, suivans du roy, Cleone, la grande prestresse de Minerve. Quatre prestresses. Six hommes chantants desguisez en prestresses. Six flustes desguisées en femmes. Quatre trompettes. Deux timballiers. La Grande Prestresse cet empire puissant que vostre soin conserve vient reconnoistre icy vostre divin secours, favorable Minerve ! Protegez-nous toûjours. Le Choeur Des Prestresses favorable Minerve ! Protegez-nous toûjours. La Grande Prestresse le peril estoit redoutable : mais vous nous inspirez un courage indomptable qui de nostre malheur a détourné le cours, ô pallas favorable ! Protegez-nous toûjours. Le Choeur Des Prestresses ô pallas favorable ! Protegez-nous toûjours. La Grande Prestresse il faut profiter du bonheur de nos armes. C' est trop escouter le bruit des allarmes, le cours de nos larmes se doit arrester, songeons à gouster un sort plein de charmes ; il faut profiter du bonheur de nos armes. Le Choeur Des Prestresses chantez tous en paix, chantez la victoire, et que la memoire en vive à jamais : chantez les attrais dont brille la gloire ; chantez tous en paix, chantez la victoire. La Grande Prestresse le calme est bien doux apres un grand orage. La gloire est pour nous, la honte et la rage seront le partage des voisins jaloux : tout cedde à nos coups, tout cedde au courage : le calme est bien doux Le Choeur Des Prestresses chantons tour à tour dans ces lieux aimables, des dieux favorables y font leur sejour : les seuls traits d' amour y sont redoutables : chantons tour à tour dans ces lieux aimables. ACTE 1 SCENE 10 Le roy, Aeglé, Cleone, suivans du roy, la grande prestresse, choeur des prestresses, sacrificateurs combattans qui apportent les estendars et les despoüilles des ennemis vaincus. Dix-huit assistants au sacrifice chantants. Sacrificateurs combatants dançants. Six prestresses dançantes. La Grande Prestresse ô Minerve sçavante ! ô guerriere Pallas ! Que par vostre faveur puissante une felicité charmante nous offre chaque jour mille nouveaux appas, ô Minerve sçavante ! ô guerriere Pallas ! Les Choeurs animez nos coeurs, et nos bras, rendez la victoire constante, conduisez nos soldats, par tout, devant leurs pas, jettez le trouble et l' épouvante ; ô guerriere Pallas ! La Grande Prestresse souffrez qu' un jeu sacré dans ces lieux vous presente une image innocente de guerre et de combas. Les Choeurs ô guerriere Pallas ! On forme un combat à la maniere des anciens. Les Choeurs que la guerre sanglante passe en d' autres estats, ô Minerve sçavante ! ô guerriere Pallas ! Que la foudre grondante détourne ses éclats : ô Minerve sçavante ! ô guerriere Pallas ! La Grande Prestresse puissions-nous voir toûjours Athenes triomphante, puisse son roy vainqueur des plus grands potentats la rendre heureuse et florissante. Les Choeurs ô Minerve sçavante ! ô guerriere Pallas ! ACTE 2 SCENE 1 Le theatre change et represente le palais d' Aegée roy d' Athenes. Medée, Dorine Medée doux repos, innocente paix, heureux, heureux un coeur qui ne vous pert jamais ! L' impitoyable amour m' a toûjours poursuivie ; n' estoit-ce point assez des maux qu' il m' avoit faits ! Pourquoy ce dieu cruel avec de nouveaux traits vient-il encor troubler le reste de ma vie ? Doux repos, innocente paix, heureux, heureux un coeur qui ne vous pert jamais ! Dorine recommencez d' aimer, reprenez l' esperance ; Thesée est un heros charmant, méprisez en l' aimant l' ingrat jason qui vous offence. Il faut par le changement punir l' inconstance, c' est une douce vengeance de faire un nouvel amant. Medée la gloire de Thesée à mes yeux paroist belle, on l' a veu triompher dés qu' il a combattu ; le destin de Medée est d' estre criminelle, mais son coeur estoit fait pour aimer la vertu. Dorine le dépit veut que l' on s' engage sous de nouvelles loix, quand on s' abuse au premier choix ; on n' est pas volage pour ne changer qu' une fois. Medée un tendre engagement va plus loin qu' on ne pense ; on ne voit pas, lors qu' il commence, tout ce qu' il doit couster un jour : mon coeur auroit encor sa premiere innocence s' il n' avoit jamais eu d' amour. Mon frere et mes deux fils ont esté les victimes de mon implacable fureur ; j' ay remply l' univers d' horreur, mais le cruel amour a fait seul tous mes crimes. Dorine esperez de former de plus aimables noeuds. Une cruelle experience vous aprend que l' amour est un mal dangereux ; mais l' ennuyeuse indifference ne rend pas un coeur plus heureux. Aimez, aimez Thesée, aimez sa gloire extréme. Medée mais qui me répondra qu' il m' aime ? Dorine peut-il trouver un sort plus beau ? Medée peut-estre que mon coeur cherche un malheur nouveau. Mon depit, tu le sçais, dédaigne de se plaindre : il est difficile à calmer, s' il venoit à se rallumer, il faudroit du sang pour l' éteindre. Dorine que ne peut point Medée avec l' art de charmer ? Que puis-je ? Helas ! Parlons sans feindre. Les enfers quand je veux sont contrains à s' armer, mais on ne force point un coeur à s' enflamer ; mes charmes les plus forts ne sçauroient l' y contraindre, ah je n' en ay que trop pour forcer à me craindre, et trop peu pour me faire aimer. ACTE 2 SCENE 2 Le roy, Medée, Dorine, suivans du roy. Le Roy je voy le succez favorable des soins que vous m' avez promis, Medée et son art redoutable ont gardé ce palais contre mes ennemis. J' ay differé long-temps de tenir ma promesse, je devrois estre vostre epoux. Medée l' hymen n' a rien qui presse ny pour moy, ny pour vous. Le Roy vous pouvez sans chagrin souffrir que je differe. Avec un epoux plein d' appas l' hymen a de la peine à plaire ; quelle peur ne doit-il pas faire quand l' epoux ne plaist pas ? Desormais sans peril je puis faire paraistre un fils que dans ma cour je n' osois reconnaistre. Il peut venir dans peu de temps. Medée laissons-là vostre fils seigneur, je vous entends la jeune Aeglé vous paroist belle, chaque jour, je m' en aperçoy ; si vous m' abandonnez pour elle, Thesée est seul digne de moy. Le Roy, et Medée. Ne nous piquons point de constance ; consentons à nous dégager. Goustons d' intelligence la douceur de changer. Medée quand on suit une amour nouvelle, c' est une trahison cruelle de laisser dans l' engagement un coeur tendre et fidelle ; mais rien n' est si charmant qu' une inconstance mutuelle. Le Roy, et Medée. Heureux deux amants inconstants, quand ils le sont en mesme temps. ACTE 2 SCENE 3 Arcas, le roy, Medée, Dorine, suivans du roy. Arcas seigneur, songez à vous. Le Roy quel malheur nous menace ? Arcas Thesée est si puissant qu' il peut vous allarmer, ses glorieux exploits charment la populace, au lieu d' un heritier qui manque à vostre race, pour vostre successeur on le veut proclamer. Le Roy il faut arrester cet audace. ACTE 2 SCENE 4 Dorine, Arcas Dorine demeure, escoute un mot, Arcas. Arcas mon devoir prés du roy m' appelle, il faut que je suive ses pas. Dorine autrefois tu m' estois fidelle, tu jurois de m' aimer d' une ardeur éternelle. Arcas nous sommes dans un temps de trouble et de combats. Dorine Cleone a des appas, on te voit souvent avec elle, n' est-ce point une amour nouvelle qui fait ton embarras ? Tu rougis ? Tu ne réponds pas ? Arcas mon devoir prés du roy m' appelle, il faut que je suive ses pas. ACTE 2 SCENE 5 Dorine seule. C' est donc la tout le prix d' une amour trop sincere. N' aimons jamais, ou n' aimons guere : il est dangereux d' aimer tant, ce n' est pas le plus seur pour plaire. Bien souvent on croit faire un amant heureux et content, et l' on ne fait qu' un inconstant. ACTE 2 SCENE 6 Dorine. Peuples qu' on entend crier. Peuples regnez, heros indomptable ; regnez rendez nous heureux. Dorine le peuple vient icy. Sa faveur est semblable au transport des coeurs amoureux ; l' ardeur des plus grands feux n' est pas la plus durable. Peuples regnez, heros indomptable, rendez, rendez nous heureux. ACTE 2 SCENE 7 Thesée quatre esclaves qui portent Thesée. La populace d' Athenes chantante. Populace d' Athenes dançante. Quatre hommes grecs. Quatre femmes grecques. Deux vieillards dançants. Deux vieilles dançantes. La populace d' Athenes se réjoüit de la victoire que la valeur de Thesée vient de remporter, et le veut proclamer pour successeur d' Aegée. Le Choeur que l' on doit estre content d' avoir un maistre vainqueur des plus grands roys ! Que l' on entende chanter par tout ses exploits : joignons nos voix. Que toûjours il nous deffende, qu' il triomphe, qu' il commande, qu' il joüisse des douceurs de regner sur tous les coeurs. Deux vieillards atheniens. Pour le peu de bon temps qui nous reste rien n' est si funeste qu' un noir chagrin. Le plaisir se presente, chantons quand on chante, vivons au gré du destin. L' affreuse vieillesse qui doit voir sans cesse la mort s' aprocher, trouve assez la tristesse sans la chercher. Achevons nos vieux ans sans allarmes ; la vie a des charmes jusqu' à la fin. Le plaisir se presente, chantons quand on chante, vivons au gré du destin. L' affreuse vieillesse qui doit voir sans cesse la mort s' aprocher, trouve assez la tristesse sans la chercher. Le Choeur que la victoire le comble icy de gloire ; suivons, aimons ses loix. Que l' on entende chanter par tout ses exploits : joignons nos voix. Que toûjours il nous deffende, qu' il triomphe, qu' il commande, qu' il joüisse des douceurs de regner sur tous les coeurs. Thesée c' est assez, amis, c' est assez, allez, et que chacun en bon ordre se rende aux endroits qu' au besoin il faudra qu' il deffende : allez, je suis content de vos soins empressez, si vous voulez que je commande, allez, allez, obeïssez. Les peuples se retirent. Thesée veut entrer dans l' appartement du roy, Medée en sort qui arreste Thesée. ACTE 2 SCENE 8 Medée, Thesée. Medée Thesée ou courez-vous ? Que pretendez-vous faire ? Thesée chercher le roy, le voir, et calmer sa colere. Medée le roy souffrira-til que vous donniez la loy ? Thesée il n' aura pas lieu de se plaindre, si l' on a trop d' ardeur pour moy, c' est un feu que j' ay soin d' esteindre. Medée vous estes de trop bonne foy ; quand on a fait trembler un roy, aprenez qu' on en doit tout craindre. Thesée sans un charme puissant qui m' attache à sa cour j' irois chercher ailleurs une guerre nouvelle. La gloire m' enflama dez que je vis le jour, tout mon coeur estoit fait pour elle ; mais dans un jeune coeur, la gloire la plus belle fait aisément place à l' amour. Medée un peu d' amoureuse tendresse sied bien aux plus fameux vainqueurs ; si l' amour est une foiblesse, c' est la foiblesse des grands coeurs. Parlez, que rien ne vous allarme j' obligeray le roy de vous tout accorder. Thesée c' est la belle Aeglé qui me charme, elle est l' unique prix que je veux demander. Medée c' est Aeglé ? Dites-vous, Aeglé, qui vous engage ? Thesée je sçay que la grandeur a pour vous des attraits, regnez avec le roy, regnez tous deux en paix, Aeglé, l' aimable Aeglé, n' est qu' un trop beau partage. Medée je crains pour vostre amour un obstacle fatal. Thesée si Medée est pour moy qui peut m' estre contraire ? Medée vous avez le roy pour rival. Thesée malgré sa foy promise, Aeglé pourroit luy plaire ? Medée laissez-moy voir Aeglé, laissez-moy voir le roy, vous connoistrez, bien-tost les soins que je vais prendre allez, allez, m' attendre, et fiez-vous à moy. Thesée passe dans l' appartement de Medée. ACTE 2 SCENE 9 Medée. Seule. Depit mortel, transport jaloux, je m' abandonne à vous. Et toy, meurs pour jamais, tendresse trop fatale ; que le barbare amour, que j' avois creu si doux, se change dans mon coeur en furie infernale. Dépit mortel, transport jaloux, je m' abandonne à vous. Inventons quelque peine affreuse, et sans égale : preparons avec soin, nos plus funestes coups. Ah ! Si l' ingrat que j' aime échape à mon couroux, au moins, n' épargnons pas mon heureuse rivale. Dépit mortel, transport jaloux, ACTE 3 SCENE 1 Aeglé, Cleone Cleone vous allez voir bien-tost vostre amant dans ces lieux. Aeglé je le verray victorieux. Apres de mortelles allarmes qu' un bien-heureux retour est doux pour les amants ! L' amour s' accroist par les tourments, les biens qu' il fait payer avec le plus de larmes n' en deviennent que plus charmants. Cleone Thesée est triomphant, chacun le veut pour maistre. Aeglé ne verray-je point paraistre un si glorieux vainqueur ? Il negligera peut-estre la conqueste de mon coeur. Cleone on n' est pas inconstant pour aimer la victoire. Si le passage est beau de l' amour à la gloire, rien n' est si doux que le retour de la gloire à l' amour. Aeglé non, son amour n' est point extresme : faut-il qu' il trouve ailleurs tant de soins importants ? Il n' ignore pas que je l' aime, il doit songer que je l' attens. Aeglé, et Cleone. La gloire n' est que trop pressante, un heros doit la suivre avec empressement ; mais déz que la gloire est contente, l' amour doit promptement ramener un amant. ACTE 3 SCENE 2 Arcas, Aeglé, Cleone Arcas le roy m' ordonne de vous dire qu' il vous fera bien-tost regner : rien ne trouble plus son empire... vous tremblez ? Vostre coeur soûpire ? Le roy tout vieux qu' il est n' est pas à desdaigner. Lorsque par le feu du bel âge un jeune coeur se sent pressé, dans une ardente amour sans effort on l' engage : on triomphe bien davantage quand on enflame un coeur que les ans ont glacé. Aeglé si tu connois, Arcas, le trouble qui me presse, ne va point descouvrir la peine ou tu me vois. Cleone si tu veux m' obliger oblige la princesse : fay, s' il se peut par ton adresse que le roy tourne ailleurs son choix. Arcas tu me donnes toûjours d' assez fascheux emplois. Aeglé, Cléone, et Arcas. Il n' est point de grandeur charmante sans l' amour et sans ses douceurs : rien ne plaist, rien n' enchante, sans l' amour et sans ses douceurs : rien ne contente les jeunes coeurs sans l' amour et sans ses douceurs : il n' est point de grandeur charmante sans l' amour et sans ses douceurs. ACTE 3 SCENE 3 Medée, Dorine, Aeglé, Cleone, Arcas Medée princesse sçavez-vous ce que peut ma colere quand on l' oblige d' esclatter ? Aeglé je prétens ne rien faire qui vous doive irriter. Medée et n' est-ce rien que de trop plaire ? Aeglé je renonce à l' hymen du roy si je luy plais, c' est malgré moy. Ce n' est point dans le rang supresme qu' on trouve les plus doux appas, et souvent un bonheur extresme est plus seur dans un rang plus bas. Medée vous aimez donc Thesée ? Ah ! N' en rougissez pas, il n' est que trop digne qu' on l' aime. Je m' interesse en vostre amour ; parlez, vous connoistrez mon coeur à vostre tour. Aeglé j' avois toûjours bravé l' amour et sa puissance avant que d' avoir veu ce glorieux vainqueur ; mais la gloire et l' amour tous deux d' intelligence ne sont que trop puissans pour vaincre un jeune coeur. Que vostre soin au mien responde, j' espere que le roy deviendra vostre espoux : regnez par son hymen dans une paix profonde, laissez moy ce heros, mon sort est assez doux ; quand vous possederiez tout l' empire du monde, mon coeur n' en seroit point jaloux. Medée mais enfin, si le roy commande, vous estes soûmise à sa loy. Aeglé ma vie est au pouvoir du roy, et je veux bien qu' elle en despende : mais c' est en vain qu' il demande un coeur qui n' est plus à moy. Medée vous m' en avez trop dit, il est temps qu' entre nous la confidence soit égale. Il faut vous desgager d' une chaisne fatale. Aeglé la mort, la seule mort rompra des noeuds si doux. Medée je veux que dés demain le roy soit vostre espoux : vous aimez un heros qui ne peut estre à vous, et Medée est vostre rivale ; prenez soin d' esviter mon funeste couroux. Aeglé nos deux coeurs sont unis par un amour fidelle. Médée en dépit de l' amour je les veux diviser. Aeglé la chaisne qui nous lie est si forte et si belle. Medée j' auray plus de plaisir si je la puis briser. Aeglé non, j' aime mieux la mort qu' une lasche inconstance, tout l' enfer à mes yeux n' aura rien de si noir ; malgré Medée et sa vengeance, mon amour fera son devoir. Medée voyons si vostre amour est tel qu' il veut paraistre, puisque vous le voulez vous allez me connaistre : je vais vous faire voir ce que c' est que Medée et quel est son pouvoir. La scene change, et represente un desert espouventable remply de monstres furieux. ACTE 3 SCENE 4 Aeglé, Cleone, Arcas, Dorine Aeglé, Cleone, et Arcas. Dieux ! Où sommes nous ! Cleone que d' objets horribles ! Arcas quels monstres terribles ! Aeglé quel affreux couroux ! Aeglé, Cleone, et Arcas. Dieux ! Où sommes nous ! Aeglé me laissez-vous, cruelle, dans cette horreur mortelle ? Ah cruelle ! Où me laissez-vous ? Aeglé, Cleone, et Arcas. Dieux ! Où sommes nous ? ACTE 3 SCENE 5 Cleone, Arcas, Dorine Cleone contre ce monstre qui m' allarme vien me deffendre Arcas. Arcas ne crain rien avant mon trespas. ô ciel ! On me desarme ! Un fantosme emporte en volant l' espée d' Arcas. Tu peux beaucoup icy, belle Dorine, helas ! Ne l' abandonne pas. Cleone, et Arcas. Belle, Dorine, helas ! Ne m' abandonne pas. Ne l' abandonne pas. Dorine il est bon d' estre necessaire ; c' est un charme puissant pour plaire où peu de coeurs ont resisté : un grand secours qu' on espere est un grand trait de beauté. Arcas ce n' est pas d' aujourd' huy que je te trouve belle. Cleone où pourroit-il voir plus d' attraits ? Dorine je sçais trop vostre amour nouvelle. Arcas, et Cleone. Non, non, je le promets, non, je ne l' aimeray jamais. Dorine pour se tirer de peine chacun promet assez ; mais la promesse est vaine lorsque les perils sont passez. Arcas, et Cleone. Ne doute point de ma promesse. Dorine non, je ne prétens point regagner desormais d' un si volage amant la trompeuse tendresse ; non, non, je le promets ; non, je ne l' aimeray jamais. Cleone, Arcas, et Dorine. Non, non, je le promets, non, je ne l' aimeray jamais. ACTE 3 SCENE 6 Medée, Cleone, Arcas, Dorine Medée qu' on ne me trouble point, qu' on leur ouvre un passage. C' est sur d' autres que vous que doit tomber ma rage, fuyez de ce funeste lieu. Cleone, et Arcas. Adieu, Dorine, adieu. ACTE 3 SCENE 7 Medée invoque les habitans des enfers. La rage. Le desespoir. Vingt-quatre habitants des enfers chantants. Douze lutins dançants. Un fantosme. Medée sortez, ombres, sortez de la nuit eternelle. Voyez le jour pour le troubler. Hastez-vous d' obeïr quand ma voix vous appelle, que l' affreux desespoir, que la rage cruelle prennent soin de vous assembler. Sortez, ombres, sortez de la nuit eternelle. Choeur des habitans des enfers. Sortons de la nuit eternelle. Medée venez peuple infernal, venez, avancez malheureux coupables, soyez aujourd' huy deschaisnez : goustez l' unique bien des coeurs infortunez, ne soyons pas seuls miserables. Le Choeur goustons l' unique bien des coeurs infortunez, ne soyons pas seuls miserables. Medée redoublez en ce jour le soin que vous prenez de mes vengeances redoutables. Le Choeur ordonnez, ordonnez. Medée ma rivale m' expose à des maux effroyables ; qu' elle ait part aux tourments qui vous sont destinez : tous les enfers impitoyables auront peine à former des horreurs comparables aux troubles qu' elle m' a donnez : goustons l' unique bien des coeurs infortunez, ne soyons pas seuls miserables. Le Choeur goustons l' unique bien des coeurs infortunez, ne soyons pas seuls miserables. Les habitants des enfers expriment la douceur qu' ils trouvent dans les ordres que Medée leur donne de donner des frayeurs, et de faire de la peine à Aeglé. Le Choeur on nous tourmente sans cesse aux enfers, que l' on ressente nos feux et nos fers. Tout doit se troubler, tout doit trembler. La colere ne laisse jamais nos coeurs en paix ; les plaintes qu' on peut faire nous doivent toûjours plaire, et nous ne plaignons guere les yeux qui sont en pleurs : dans la rage, les maux qu' on partage ne sont pas sans douceurs. On nous deschaine, suivons nos fureurs ; dans nostre peine troublons tous les coeurs. Un grand desespoir est doux à voir. La colere ne laisse jamais nos coeurs en paix ; les plaintes qu' on peut faire nous doivent toûjours plaire, et nous ne plaignons guere les yeux qui sont en pleurs : dans la rage, les maux qu' on partage ne sont pas sans douceurs. ACTE 3 SCENE 8 Aeglé, habitans des enfers. Les habitans des enfers espouvantent Aeglé, elle les fuït, et ils la suivent. Le Choeur que tout fremisse : qu' avec nous tout gemisse : quelle douceur de voir souffrir ! Aeglé ah quel effroyable supplice ! Faites moy promptement mourir. Le Choeur que tout fremisse : qu' avec nous tout gemisse : quelle douceur de voir souffrir ! ACTE 4 SCENE 1 Aeglé, Medée Aeglé cruelle, ne voulez-vous pas faire cesser ma peine ? Au moins achevez, inhumaine, achevez mon trespas. Medée satisfaites le roy, contentez mon envie, si vous voulez sortir de cét affreux sejour. Aeglé helas ! Laissez-moy mon amour, prenez plûtost ma vie. Medée ma rage en vous perdant ne peut estre assouvie, c' est grace, c' est pitié de vous oster le jour. Aeglé vous aurez beau me poursuivre, vous aurez beau m' allarmer, ce n' est qu' en cessant de vivre que je puis cesser d' aimer. Medée achevez de sçavoir dequoy je suis capable ; la plus horrible mort n' a rien de comparable au coup qui vous menace en ce fatal instant : moy-méme j' en fremis tant il est effroyable. Aeglé est-ce un crime si punissable d' avoir un coeur tendre et constant ? Medée il n' est que trop aisé de percer un coeur tendre : toute ma rage enfin va paroistre à vos yeux. Aeglé quel spectacle vient me surprendre ? C' est Thesée endormy qu' on transporte en ces lieux. Thesée endormy descend conduit par des spectres volants. ACTE 4 SCENE 2 Medée, Aeglé, Thesée endormy. Medée venez à mon secours implacables furies. Que le sang innocent recommence à couler ; il faut encor nous signaler par de nouvelles barbaries, venez à mon secours implacables furies. Les furies sortent tenant un tison ardent d' une main, et un cousteau de l' autre. ACTE 4 SCENE 3 Medée, Aeglé, Thesée endormy, les furies. Aeglé faut-il voir contre moy tous les enfers armez ? Medée tremblez en aprenant quel est vostre suplice. Vostre amant va perir, c' est vous qui m' animez à m' en faire à vos yeux un affreux sacrifice. Aeglé vous pouvez vouloir qu' il perisse ? Et vous dites que vous l' aimez ? Medée il faut voir qui des deux l' aimera davantage, plûtost que le cedder, j' aime mieux que la mort en fasse entre nous le partage, et l' amour n' en est que plus fort quand il passe jusqu' à la rage. Elle parle aux furies. Dépechez, achevez vostre sanglant ouvrage. Aeglé arrestez, retenez leurs coups, j' espouseray le roy, je suivray vostre envie : je cedde ce heros, que son coeur soit à vous, rien ne m' est si cher que sa vie. Medée mais aurez-vous bien le pouvoir de luy paroistre ingrate, insensible, volage ? Aeglé c' est luy faire un cruel outrage, j' aimerois mieux ne le point voir. Medée non il faut luy montrer une ame desloyale qui l' immole sans peine à la grandeur royale tandis que je feindray d' agir en sa faveur : enfin je veux gagner son coeur par le secours de ma rivale. Aeglé dieux ! Quelle contrainte fatale ! Medée pour le prix de ses jours attirez ses mépris, ou je vais... Aeglé non, qu' il vive, il n' importe à quel prix : je veux tout, je puis tout pour sauver ce que j' aime ; mon amour vous promet de se trahir luy-mesme. Medée cessez donc de trembler : voyez en un moment changer ces lieux affreux en un sejour charmant. Les furies rentrent dans les enfers, le theatre change, et represente une isle enchantée. ACTE 4 SCENE 4 Medée, Thesée, Aeglé Medée touchant Thesée de sa baguette magique. Voyez ce que j' ay soin de faire pour un trop malheureux amant. Thesée éveillé et regardant un habit magnifique et galant dont il est paré. Où suis-je ? Et d' où me vient ce nouvel ornement ? Medée j' ay voulu vous aider à plaire. Thesée se voyant sans espée. Mon espée ! Ah rendez-la moy. Medée on va vous l' apporter. Si vous craignez le roy, je seray vos plus fortes armes. Thesée apres tout ce que je vous doy... il aperçoit Aeglé. Est-ce vous ? Ma princesse, est-ce vous que je voy ? Mais où détournez-vous vos regards pleins de charmes ? Medée quoy ? Vous ne tournez pas les yeux sur un amant si glorieux ? Thesée belle Aeglé, dites-moy, quel crime ay-je pû faire ? Medée n' aprehendez vous point qu' on ose se vanger ? Thesée non, elle aura beau m' outrager, elle me sera toûjours chere. Medée tant d' amour ne vous touche pas ? Ingrate, croyez-vous qu' un thrône ait plus d' appas ? Thesée vous m' aviez tant promis de n' estre point legere ? Medée dequoy ne vient point à bout un roy qui veut plaire ? La constance ne tient guere contre un amant qui peut tout. Le roy doit redouter que mon dépit n' éclate : pour regagner son coeur, je vais encor le voir. Essayez, cependant, d' attendrir cette ingrate : si tous nos soins unis ne peuvent l' émouvoir, vostre amour seul peut-estre aura plus de pouvoir. ACTE 4 SCENE 5 Thesée, Aeglé Thesée Aeglé ne m' aime plus, et n' a rien à me dire ? Qu' avez vous fait des noeuds que l' amour fit pour nous ? Quoy pour les briser tous. Un jour, un seul jour peut suffire ? J' aurois abandonné le plus puissant empire pour garder des liens si doux. Aeglé cessez d' aimer une volage ; servez-vous de vostre courage pour chercher un plus heureux sort. Thesée je ne m' en serviray que pour chercher la mort. Si la belle Aeglé m' est ravie je ne prétens plus rien : je pers l' unique bien qui m' auroit fait aimer la vie. Aeglé helas ! Thesée ah ! Quel soûpir échape à vostre coeur ! Aeglé ce soûpir échapé n' est que pour la grandeur. Thesée vos beaux yeux répandent des larmes ? Aeglé non, non, sans m' attendrir je verray vos douleurs. Thesée vous voulez me cacher vos pleurs ? Pourquoy m' en dérober les charmes ? Aeglé ah ! Que vous me donnez de mortelles allarmes ? On vous a peut-estre entendu Thesée, et vous estes perdu. Thesée on ne nous entend point, non, ma belle princesse, si vous m' aimez toûjours ne craignez rien pour moy. Aeglé que nous payerons cher l' excez de ma tendresse ? Il y va de vos jours, j' espouseray le roy. Thesée c' est trop aprehender que le roy ne s' irrite. Il faut vous dire tout, l' amour m' en sollicite ; je suis fils du roy, Aeglé vous, seigneur ! Thesée je n' ay montré d' abord que ma seule valeur, c' estoit à mon propre merite que je voulois devoir ma gloire et vostre coeur. Aeglé le roy, le monde entier prendroient en vain les armes, il n' est rien de si fort que Medée, et ses charmes, nous sommes les objets de ses transports jaloux. S' ils n' en vouloient qu' à moy je les braverois tous, mais ils m' ont sçeu fraper par ou je suis sensible. Thesée quoy, le roy sera vostre epoux ? Aeglé je ne puis vous sauver sans cét hymen horrible. Thesée laissez armer plûtost tout l' enfer en couroux ; le trépas est cent fois plus doux qu' un secours si terrible ; vivez pour moy, s' il est possible, ou laissez moy mourir pour vous. Aeglé, et Thesée quelle injustice ! Que de tourments ! Ah quel suplice de briser des noeuds si charmants ! ACTE 4 SCENE 6 Medée, Thesée, Aeglé Medée sortant tout à coup d' un nüage. Finissez vos regrets, c' est trop, c' est trop vous plaindre, je viens d' entendre tout il n' est plus temps de feindre. Aeglé pardonnez à l' amour qui ne m' a pas permis de tenir ce que j' ay promis. Thesée vengez vous sur moy seul de nostre amour extresme. Aeglé c' est par mon seul trépas qu' il faut nous désunir. Thesée sa vie est la faveur que je veux obtenir. Aeglé conservez ce heros, sauvez-le pour vous-mesme. Thesée, et Aeglé. Epargnez ce que j' aime, c' est moy, c' est moy qu' il faut punir. Medée je vous aime, Thesée, et vous l' allez connaistre, le crime enfin commence à me paraistre affreux, je respecte de si beaux noeuds, ma rage a beau s' armer, vous en estes le maistre ; vostre vertu m' inspire un dépit genereux, je rendray ce que j' aime heureux puisque mon amour ne peut l' estre. Thesée, et Aeglé. Quel bonheur surprenant pour nos coeurs amoureux ! Medée esperez tout de mon secours. Vous pouvez reprendre vos armes. Thesée reprend son espée. Medée continuë. Gardez vos tendres amours, goustez-en les charmes, aimez sans allarmes, aimez-vous toûjours. Thesée, et Aeglé. Gardons nos tendres amours, goustons-en les charmes, aimons sans allarmes, aimons-nous toûjours. Medée habitans fortunez de ces lieux si charmants ; commencez les plaisirs de ces heureux amants. ACTE 4 SCENE 7 Thesée, Aeglé, habitans de l' isle enchantée. Quatre bergeres de l' isle enchantée chantantes. Deux habitans de l' isle Enchantée chantants. Un habitant de l' isle Enchantée. Quatorze habitants de l' isle Enchantée chantants. Douze hautbois, flutes et cromones. Six flutes. Quatre hautbois. Deux cromones. Douze habitants de l' isle Enchantée dançants. Six hommes. Six femmes. Deux bergeres chantent ensemble. Que nos prairies seront fleuries ! Les coeurs glacez pour jamais en sont chassez. Ces lieux tranquiles sont les asiles des doux plaisirs, et des heureux loisirs : la terre est belle, la fleur nouvelle rit aux zephirs. Que nos prairies seront fleuries ! Les coeurs glacez pour jamais en sont chassez. C' est dans nos bois qu' amour a fait ses loix : leur vert feüillage doit toûjours durer, un coeur sauvage n' y doit point entrer. Que nos prairies seront fleuries ! Les coeurs glacez pour jamais en sont chassez. La seule affaire d' une bergere c' est de songer à l' amour de son berger. Lors qu' il la meine, bien qu' elle prenne de longs detours, tous les chemins sont courts : sa bergerie est moins cherie que ses amours. La seule affaire d' une bergere c' est de songer à l' amour de son berger. Quand son amant la quitte un seul moment, nos champs pour elle n' ont plus d' autre bien, elle en querelle jusques à son chien. La seule affaire d' une bergere c' est de songer à l' amour de son berger. Les habitans de l' isle Enchantée forment des dançes galantes sur l' air de la chanson des bergeres. Deux autres bergeres chantent ensemble. Aimons, tout nous y convie, on aime icy sans danger, il est permis de changer, chacun y suit son envie : mais, heureux, cent, et cent fois, un amant qui fait un choix qui dure autant que sa vie ! Fuyons le bruit des villages, fuyons l' esclat du grand jour, les fruits charmants de l' amour sont dans les sombres boccages. N' ayons point de peur des loups, ne craignons que les jaloux qui sont encor plus sauvages. Les habitans de l' isle Enchantée dançent sur l' air de la chanson des bergeres, qui est joüé par des instruments champestres. Un des habitans de l' isle Enchantée chante au milieu de tous les autres, qui s' assemblent autour de luy, pour chanter, et pour dançer. Premiere chanson. Quel plaisir d' aimer sans contrainte ! Nous pouvons former des voeux sans crainte. Le Choeur. Quel plaisir d' aimer sans contrainte nous pouvons former des voeux sans crainte. Un Des Habitans De L' Isle Enchantée. Jusques aux langueurs, et jusqu' aux larmes, pour les tendres coeurs tout a des charmes. Le Choeur. Jusques aux langueurs, et jusqu' aux larmes, pour les tendres coeurs tout a des charmes. Un Des Habitans De L' Isle Enchantée. Si l' amour paraist tant à craindre, c' est que lors qu' il plaist on veut s' en plaindre. Le Choeur. Si l' amour paraist tant à craindre, c' est que lors qu' il plaist on veut s' en plaindre. Un Des Habitans De L' Isle Enchantée. On dit les rigueurs de sa bergere, mais pour les faveurs, on s' en doit taire. Le Choeur. On dit les rigueurs de sa bergere, mais pour les faveurs, on s' en doit taire. Seconde chanson. L' amour plaist malgré ses peines, l' amour plaist aux coeurs constants : Le Choeur. L' amour plaist malgré ses peines, l' amour plaist aux coeurs constants : Un Des Habitans De L' Isle Enchantée. On ne peut porter ses chaisnes assez tost, ny trop long-temps. Le Choeur. On ne peut porter ses chaisnes assez tost, ny trop long-temps. Un Des Habitans De L' Isle Enchantée. Sans amour, tout est sans ame, l' amour seul nous rend contents ; Le Choeur sans amour, tout est sans ame, l' amour seul nous rend contents ; Un Des Habitans De L' Isle Enchantée on ne peut sentir sa flame assez tost, ny trop long-temps. Le Choeur. On ne peut sentir sa flame assez tost, ny trop long-temps. ACTE 5 SCENE 1 Le theatre change et represente un palais, que les enchantements de Medée font paroistre, et où l' on voit les aprests d' un superbe festin. Medée. Ah faut-il me vanger en perdant ce que j' aime ! Que fais-tu ma fureur, ou vas-tu m' engager ? Punir ce coeur ingrat c' est me punir moy-mesme, j' en mourray de douleur, je tremble d' y songer, ah faut-il me vanger en perdant ce que j' aime ! Ma rivale triomphe, et me voit outrager : quoy, laisser son amour sans peine, et sans danger ? Voir le spectacle affreux de son bonheur extresme ? Non, il faut me vanger en perdant ce que j' aime. ACTE 5 SCENE 2 Dorine, Medée Dorine que Thesée est content de son bien-heureux sort ! Medée Dorine, c' en est fait, tout est prest pour sa mort. Dorine quoy ce grand appareil est sa mort qu' on prepare ? Le roy le doit choisir icy pour successeur ; vostre soin pour luy se declare. Medée j' ay caché mon depit sous ma feinte douceur ; la vengeance ordinaire est trop peu pour mon coeur, je la veux horrible et barbare. Je m' esloignois tantost expres pour tout sçavoir. Du secret de Thesée il faut me prevaloir, le roy l' ignore encor, et pour me satisfaire contre un fils inconnu j' arme son propre pere : j' immolay mes enfants, j' osay les esgorger ; je ne seray pas seule inhumaine, et perfide, je ne puis me vanger à moins d' un parricide. ACTE 5 SCENE 3 Le roy, Medée Medée ce vaze par mes soins vient d' estre empoisonné ; vous n' aurez qu' à l' offrir... vous semblez estonné ? Le Roy ce heros m' a servy, malgré moy je l' estime, puis-je luy preparer un injuste trespas ? Medée l' espoir de vostre amour, la paix de vos estats, tout despend d' immoler cette grande victime. Contre un rival heureux faut-il qu' on vous anime ? La vengeance a bien des appas, est-ce trop la payer s' il vous en couste un crime ? Le Roy je n' ay rien fait jusqu' à ce jour qui puisse ternir ma memoire ; si prés de mon tombeau faut-il trahir ma gloire ? Ne vaudroit-il pas mieux estouffer mon amour ? Medée vous avez un fils à Troezene, il faudra toûjours l' esloigner : vostre peuple pour luy n' aura que de la haine, il adore Thesée, il veut le voir regner. Laisserez-vous un fils sans nom, et sans empire, tandis qu' un estranger joüira de son sort, et peut-estre osera s' assûrer par sa mort... Le Roy je cedde aux sentimens que la nature inspire, je me rends, l' amour seul n' estoit pas assez fort. Medée, et le roy. Que la vengeance à d' attrais pour des coeurs jaloux ! N' espargnons point qui nous offence, vangeons-nous, vangeons-nous, l' amour mesme, n' est pas plus doux que la vengeance. ACTE 5 SCENE 4 Thesée, Aeglé, le roy, Medée, Cleone, Arcas, choeur, et troupe d' atheniens. Le Roy, et Medée. Ne craignez rien parfaits amants les plaisirs suivront vos tourments. Le Choeur. Ne craignez rien parfaits amants les plaisirs suivront vos tourments. Le Roy Et Medée recevez la recompence de vostre constance. Le Choeur ne craignez rien parfaits amants les plaisirs suivront vos tourments. Le Roy oublions le passé, ma colere est finie ; puis qu' Athenes le veut je consens qu' apres moy ce heros soit un jour son legitime roy. Commençons la ceremonie. Qu' on apprenne à servir Thesée en souverain. Prenez ce vaze de ma main. Thesée prenant le vaze d' une main, et tirant son espée de l' autre. Je jure sur ce fer qui m' a comblé de gloire, que je vous serviray contre vos ennemis, et que vous n' aurez point de sujet plus soûmis... le roy considere avec estonnement l' espée de Thesée, et la reconnoist pour estre celle qu' il a laissée pour servir un jour à la reconnoissance de son fils. Le Roy empeschant Thesée de porter le vaze à sa bouche. Que voy-je ? Quelle espée ! Ah qui l' auroit pû croire ! ô ciel ! J' allois perdre mon fils ! J' avois laissé ce fer pour ta reconnoissance, mon fils, ah mon cher fils, où nous exposois-tu ? Thesée ce fer eust dans mes mains trahy vostre esperance en vous montrant un fils qui n' eust point combattu, sans prendre aucun secours d' une illustre naissance je voulois esprouver jusqu' où va la vertu. Medée s' enfuït voyant Thesée reconnu par son pere. ACTE 5 SCENE 5 Le roy, Thesée, Aeglé, Cleone, Arcas, choeur, et troupe d' atheniens. Le Roy ah ! Perfide Medée ! ... elle fuït l' inhumaine, qu' on la poursuive, allez, ne la respectez plus ; mais la poursuite en sera vaine, elle sçait des chemins qui nous sont inconnus ! Thesée c' est assez d' esviter sa haine ; soyons heureux, seigneur : nostre parfait bonheur suffira pour sa peine. Le Roy, Thesée, Et Aeglé nostre parfait bonheur suffira pour sa peine. Le Roy je suis charmé de vos appas, je ne m' en deffens pas, trop aimable Aeglé, je vous aime ; mais je veux estre heureux dans un autre moy-mesme ; mon rival m' est trop cher pour en estre jaloux, je reconnoy mon fils à son amour extresme, c' est le sort de mon sang de s' enflamer pour vous. Que l' hymen prepare des noeuds pleins d' attraits soyez unis à jamais, que l' amour repare tous les maux qu' il vous a faits soyez unis à jamais. Le Choeur. Soyez unis à jamais. Thesée Et Aeglé les plus belles chaisnes coustent des soûpirs ; il faut passer par les peines pour arriver aux plaisirs. Le Roy Cleone Et Arcas que l' hymen prepare des noeuds pleins d' attraits. Le Choeur soyez unis à jamais. Le Roy Cleone Et Arcas que l' amour repare tous les maux qu' il vous a faits. Le Choeur soyez unis à jamais. ACTE 5 SCENE 6 Medée, le roy, Thesée Aeglé Cleone Arcas choeur, et troupe d' atheniens. Medée sur un char tiré par des dragons volans. Vous n' estes pas encor délivrez de ma rage : je n' ay point preparé la pompe de ces lieux pour servir au bonheur d' un amour qui m' outrage ; je veux que les enfers destruisent mon ouvrage, c' est ainsi qu' en partant je vous fais mes adieux. Dans le temps que Medée fuït, le palais paroist embrasé, et les mets du festin preparé se convertissent en des animaux horribles. ACTE 5 SCENE 7 Le roy, Thesée Aeglé Cleone Arcas, choeur, et troupe d' atheniens. Le Choeur secourez-nous, justes dieux ! Quelle flame espouventable ! Quels ennemis furieux ! Secourez-nous, justes dieux ! Une mort inévitable s' offre par tout à nos yeux ! Secourez-nous, justes dieux ! ACTE 5 SCENE 8 Minerve, choeur de divinitez qui accompagnent Minerve, le roy, Thesée Aeglé Cleone Arcas, choeur, et troupe d' atheniens. Six flutes. Deux basses de violon. Deux theorbes. Quatre trompettes. Cinq déesses chantantes. Quatre dieux chantants. Vingt-six musiciens de la suite des dieux. Minerve dans la gloire. Le ciel veut escarter tout ce qui peut vous nuire : voyez par mon pouvoir eslever à l' instant un palais esclattant que l' enfer n' osera détruire. Le theatre change et represente un palais magnifique et brillant. Minerve, et le choeur des divinitez, dans la gloire. Vivez, vivez contents dans ces aimables lieux. Choeur d' atheniens dans le palais. Vivons, vivons contents dans ces aimables lieux. Minerve Et Les Choeurs bien-heureux qui peut naistre sous un regne si glorieux ! Vivez, vivez contents dans ces aimables lieux. Vivons, vivons contents dans ces aimables lieux. Un roy digne de l' estre est le don le plus grand des cieux. Vivez, vivez contents dans ces aimables lieux. Vivons, vivons contents dans ces aimables lieux. ACTE 5 SCENE 9 Toutes les voix, et tous les instrumens des deux choeurs se réünissent. Les plus considerables courtisans du roy d' Athenes, environnez d' une troupe d' esclaves, forment une espece de feste galante pour se réjoüir de la reconnoissance de Thesée ; Arcas et Cleone chantent au milieu de leur dançe. Un grand seigneur de la cour d' Aegée. Quatre courtisants. Douze esclaves de la suite. Arcas Et Cleone le plus sage s' enflame, et s' engage, sans sçavoir comment, la fierté se desment, le coeur le plus sauvage soûpire aisément dans un fatal moment. Le plus sage s' enflame, et s' engage, sans sçavoir comment. Contre un mal si doux, et si charmant le plus grand courage combat foiblement. Le plus sage s' enflame, et s' engage, sans sçavoir comment. Quel dommage, si l' on ne mesnage les moments heureux ! Formons d' aimables noeuds ; faisons un doux usage du temps où les jeux suivront par tout nos voeux. Quel dommage si l' on ne mesnage les moments heureux ! Qui n' est point dans l' empire amoureux n' aura pour partage que des soins fascheux. Quel dommage si l' on ne mesnage les moments heureux ! |