PROSERPINE Proserpine : tragédie en musique, ornée d'entrées de ballet, de machine et de changemens de théâtre, représentée devant S. M., à Saint-Germain en Laye, le troisième février 1680 / [paroles de Quinault, musique de Lulli] PROLOGUE Le theatre represente l' antre de la discorde, on y voit la paix enchaînée : la felicité, l' abondance, les jeux et les plaisirs y accompagnent la paix, et sont enchaînez comme elle. La Paix heros, dont la valeur estonne l' univers, ah ! Quand briserez-vous nos fers ? La discorde nous tient icy sous sa puissance ; la barbare se plaist à voir couler nos pleurs ; soyez touché de nos malheurs, vous estes dans nos maux nostre unique esperance ; heros, dont la valeur estonne l' univers, ah quand briserez-vous nos fers ! La suite de la paix repete ces deux derniers vers. La haine, la rage, les chagrins, la jalousie, le dépit, le desespoir, et toute la suite de la discorde, témoignent les douceurs qu' ils trouvent dans l' esclavage où ils ont reduit la paix. La Discorde soûpirez, triste paix, malheureuse captive, gemissez, et n' esperez-pas qu' un heros que j' engage en de nouveaux combats escoute vostre voix plaintive. Plus il moissonne de lauriers, plus j' offre de matiere à ses travaux guerriers. J' anime les vaincus d' une nouvelle audace ; j' oppose à la vive chaleur de son indomptable valeur mille fleuves profonds, cent montagnes de glace. La victoire empressée à conduire ses pas se prepare à voler aux plus lointains climas ; plus il la suit, plus il la trouve belle ; il oublie aisément pour elle la paix et ses plus doux appas. La Paix et sa suite. ô rigueurs inhumaines ! Faut-il ne voir jamais finir le triste cours de nos malheurs, et de nos peines ? La Discorde et sa suite. Vos plaintes seront vaines n' esperez jamais de secours. La Paix et sa suite. Quel tourment de languir toûjours sous de cruelles chaînes ! La Discorde et sa suite. Vos plaintes seront vaines n' esperez jamais de secours. On entend un bruit de trompettes et de tymbales. La Discorde ce bruit que la victoire en ces lieux fait entendre. M' avertit qu' elle y va descendre. Quel plaisir de luy faire voir mon ennemie au desespoir ! La victoire descend, elle est accompagnée d' un grand nombre de victoires, et de heros. La Victoire venez aimable paix, le vainqueur vous appelle, la victoire devient vostre guide fidelle ; venez dans un heureux sejour. Vous, discorde affreuse et cruelle, portez ses fers à vostre tour. La Victoire et sa suite. Venez, aimable paix, le vainqueur vous appelle. La suite de la victoire deschaîne la paix et les divinitez qui l' accompagnent, et enchaîne la discorde et sa suite. La Paix et sa suite. Ah ! Quel bon-heur charmant ! La Discorde et sa suite. Ah ! Quel affreux tourment ! La Discorde enchaînée. Orgueilleuse victoire, est-ce à toy d' entreprendre de mettre la discorde aux fers ? à quels honneurs sans moy peux-tu jamais pretendre ? La Victoire ah ! Qu' il est beau de rendre la paix à l' univers. La Discorde tes soins pour le vainqueur pouvoient plus loin s' estendre ? Que ne conduisois-tu le heros que tu sers, où cent lauriers nouveaux luy sont encore offerts ? La gloire au bout du monde auroit esté l' attendre. La Victoire ah ! Qu' il est beau de rendre la paix à l' univers. Apres avoir vaincu mille peuples divers, quand on ne voit plus rien qui puisse se deffendre, ah ! Qu' il est beau de rendre la paix à l' univers. La suite de la victoire et la suite de la paix, repetent ces derniers vers. La Discorde ô ! Cruel esclavage ! Je ne verray donc plus de sang et de carnage ? Ah ! Pour mon desespoir faut-il que le vainqueur ait triomphé de son courage ? Faut-il qu' il ne laisse à ma rage rien à devorer que mon coeur ? ô ! Cruel esclavage ! La suite de la discorde repete ce dernier vers. La Victoire au fond d' un gouffre plein d' horreur, que sous des fers pesants la discorde gemisse. Partagez son supplice vous qui partagez sa fureur. Et vous triste sejour, changez, que tout ressente le pouvoir plein d' appas de la paix triomphante. La discorde et sa suite s' abisment dans des gouffres qui s' ouvrent sous leurs pas, et l' affreuse retraite de la discorde se change en un palais agreable. La Paix et sa suite. Ah quel bonheur charmant ! La Discorde et sa suite en s' abismant. Ah ! Quel affreux tourment ! La Victoire et La Paix. Le vainqueur est comblé de gloire, on doit l' admirer à jamais : il s' est servy de la victoire pour faire triompher la paix. La suite de la victoire et la suite de la paix repetent ces quatre vers. La suite de la paix témoigne sa joye en dançant et en chantant. La felicité et l' abondance chantent ensemble. Il est temps que l' amour nous enchaîne, il sçait vaincre les plus fiers vainqueurs. Rendons-nous, la fuite est vaine, ce dieu charme tous les coeurs : il n' a point de bien sans peine, mais peut-on trop payer ses douceurs. Dans les fers qu' amour veut que l' on prenne, tout est doux jusqu' aux plus tristes pleurs. Rendons-nous, la fuite est vaine, ce dieu charme tous les coeurs, etc. La Paix on a quitté les armes. Voicy le temps heureux des plaisirs pleins de charmes, voicy le temps heureux des plaisirs et des jeux. On ne versera plus de larmes, tous les coeurs seront sans allarmes ; et si l' on craint encor des tourments rigoureux ce sera seulement dans l' empire amoureux. On a quitté les armes voicy le temps heureux des plaisirs pleins de charmes, voicy le temps heureux des plaisirs et des jeux. Le choeur repete ces derniers vers. La Felicité que l' amour est doux à suivre ! Quel plaisir de s' enflammer ! Un jeune coeur ne commence de vivre que du moment qu' il commence d' aimer. Malheureux qui se delivre d' un tourment qui sçait charmer. On reconnoist que l' on cesse de vivre en mesme temps que l' on cesse d' aimer. Le Choeur on a quitté les armes voicy le temps heureux des plaisirs pleins de charmes, voicy le temps heureux des plaisirs et des jeux. ACTE 1 SCENE 1 Le theatre represente le palais de Ceres. Ceres, Cyané, Crinise. Ceres goustons dans ces aimables lieux les douceurs d' une paix charmante. Les superbes geants armez contre les dieux ne nous donnent plus d' espouvante : ils sont ensevelis sous la masse pesante des monts qu' ils entassoient pour attaquer les cieux nous avons veu tomber leur chef audacieux sous une montagne brulante ; Jupiter la contraint de vomir à nos yeux les restes enflamez de sa rage mourante, Jupiter est victorieux, et tout cede à l' effort de sa main foudroyante. Goustons dans ces aimables lieux les douceurs d' une paix charmante. Ceres, Cyané, et Crinise. Goustons dans ces aimables lieux les douceurs d' une paix charmante. Ceres prenez soin d' assembler tout ce qui suit mes loix, honnorons le vainqueur d' une commune voix. Ceres, Cyané, et Crinise. Honnorons le vainqueur d' une commune voix. Cyané et Crinise vont de deux costez differents appeller les divinitez et les peuples de la Sicile, pour venir ensemble celebrer la victoire de Jupiter. ACTE 1 SCENE 2 Mercure descend du ciel. Mercure, Ceres Ceres Mercure, quel dessein vous fait icy descendre ? Mercure Jupiter prés de vous m' ordonne de me rendre. Ceres non, non, à vos discours je n' ose adjoûter foy. Jupiter aprés sa victoire songe à tenir en paix l' univers sous sa loy ; il est trop occupé de sa nouvelle gloire, eh ! Le moyen de croire qu' il songe encore à moy ? Mercure dans les soins les plus grands dont son ame est remplie il se souvient toûjours que vous l' avez charmé ; il est mal-aisé qu' on oublie ce qu' on a tendrement aimé, il admire les dons que vous venez de faire en cent climats divers, l' abondante Sicile heureuse de vous plaire de vos riches moissons voit tous ses champs couverts : mais la mere des dieux se plaint que la Phrygie quelle a toûjours cherie, ne se ressente pas de vos soins bien-faisants ; et c' est Jupiter qui vous prie d' y porter vos divins presents. Quelle gloire de voir qu' un dieu si grand implore vostre favorable secours ! Ceres peut-estre qu' il m' estime encore, mais il m' avoit promis qu' il m' aimeroit toûjours. L' amour qui pour luy m' anime devient plus fort chaque jour, est-ce assez d' un peu d' estime pour le prix de tant d' amour. Mercure il sent l' ardeur qu' un tendre amour inspire, avec plaisir il se laisse enflamer ; mais un amant chargé d' un grand empire n' a pas toûjours le temps de bien aimer. Ceres quand de son coeur je devins souveraine n' avoit-il pas le monde à gouverner, et ne trouvoit-il pas sans peine du temps de reste à me donner. Je l' ay veu sous mes loix ce dieu si redoutable. Je l' ay veu plein d' empressement ; ah ! Qu' il seroit aimable, s' il aimoit constamment ! Mercure son amour craint de trop paraistre, dans le ciel on l' observe avec des yeux jaloux. Ceres de quels dieux n' est-il pas le maistre ? Ne les fait-il pas trembler tous ? Que vous l' excusez mal quand mon amour l' accuse ; s' il pouvoit avoir quelque excuse, mon coeur la trouveroit mille fois mieux que vous. Allez, à ses desirs il faut que je responde. Je quitte une paix profonde, qui m' offre icy mille appas : que ne quitteroit-t' on pas pour plaire au maistre du monde ? Mercure repete ces deux derniers vers avec Ceres, et s' envole pour aller au ciel retrouver Jupiter. ACTE 1 SCENE 3 Arethuse, Ceres Ceres la Phrygie a besoin de mes dons precieux, et je laisse avec vous Proserpine en ces lieux, j' ay peine à la quitter, cette fille si chere... Arethuse je suis dans la Sicile une nymphe estrangere, je viens vous conjurer de m' en laisser partir. Ceres non, Arethuse, non, je n' y puis consentir. Arethuse Alphée à mon repos a declaré la guerre : Diane propice à mes voeux, en vain pour me cacher à ce fleuve amoureux, fit ouvrir le sein de la terre : il n' est point de détours dans l' ombre des enfers que son amour n' ait découverts : je l' ay trouvé par tout, et sous des mers profondes j' ay veu ses flots brûlants suivre mes froides ondes ; je veux le fuïr encore au bout de l' univers. Ceres les soins d' un amour extresme devroient moins vous allarmer : vous craignez trop qu' on vous aime, ne craignez vous point d' aimer ? Vous rougissez, Arethuse ; vostre rougeur vous accuse. Il est aisé de voir dans ce trouble fatal le peril où l' amour en ces lieux vous expose. Arethuse le dangereux amour ! Que je luy veux de mal du trouble qu' il me cause ! Ceres avec Alphée icy je veux vous arrester. Arethuse eh ! De grace, aidez-moy plutost à l' eviter. Je crains enfin qu' il ne m' engage, et sa constance me fait peur : non, si je le vois davantage, je ne respons plus de mon coeur. Ceres aimez sans vous contraindre, aimez à vostre tour. C' est déja ressentir l' amour que de commencer à le craindre. Arethuse chante ces deux derniers vers avec Ceres. Ceres je vais voir Proserpine, et partir promptement. Demeurez avec elle en un lieu si charmant pour fuïr l' amour qui vous appelle ne cherchez plus de vains détours : aimez un amant fidelle, on n' en trouve pas toûjours Ceres va voir Proserpine avant que de partir pour aller en Phrygie. ACTE 1 SCENE 4 Arethuse seule. Vaine fierté, foible rigueur, que vous avez peu de puissance contre l' amour et la constance ! Vaine fierté, foible rigueur, ah ! Que vous gardez mal mon coeur ! En vain, par vos conseils je me fais violence : je combats vainement une douce langueur : helas ! Vous m' engagez à faire resistance, et vous me laissez sans deffence, au pouvoir de l' amour vainqueur ? Vaine fierté, foible rigueur, que vous avez peu de puissance contre l' amour et la constance ! Vaine fierté, foible rigueur, ah ! Que vous gardez mal mon coeur ! Je vois Alphée, ô dieux ! Où sera mon asile ! Mon coeur est déja charmé, et ma fuite est inutile ; helas ! Qu' il est difficile de fuïr un amant aimé ! Il aproche, je tremble. Ah faut-il qu' il joüisse du trouble honteux où je suis ? Pardonne, amour, si je le fuis, j' en ressens un cruel suplice ; mais n' importe, je veux l' eviter si je puis. ACTE 1 SCENE 5 Alphée, Arethuse Alphée arrestez, nymphe trop severe, ne fuyez plus d' une course legere les soins trop empressez de mon coeur amoureux ; n' ayez plus contre moy ny chagrin ny colere, j' ay resolu de ne vous plus déplaire, et je vais estouffer mon amour malheureux. Arethuse Alphée... Alphée Alphée enfin vous arreste, inhumaine, mais vous vous arrestez pour voir briser sa chaîne. C' en est fait, mes fers sont rompus. Arethuse Alphée, est-il bien vray ? Alphée n' en doutez point, cruelle, je le reprens ce coeur trop tendre et trop fidelle, ce coeur trop rebutté par de cruels refus. Arethuse Alphée, est-il bien vray que vous ne m' aimiez plus ? Alphée ingrate il est trop vray, mon coeur rompt avec peine des noeuds qu' il a trouvé si beaux ; mais de peur qu' il ne les reprenne je le veux engager en des liens nouveaux. J' ay veu l' aimable Proserpine : on connoit à l' éclat de sa beauté divine que du maistre des dieux elle a receu le jour. Rendez luy grace, c' est elle qui vous débarasse de mon facheux amour. Arethuse si Proserpine est belle, son coeur est fier et rigoureux : vostre chaine nouvelle ne vous rendra pas plus heureux. Alphée n' importe je veux bien souffrir sous son empire. Vous ne m' avez déja que trop accoustumé au rigoureux martire d' aimer sans estre aimé. Proserpine vous aime, et j' ose au moins pretendre que vous me servirez dans cet engagement. Vous sçavez si mon coeur est tendre, vous avez éprouvé s' il aime constamment... Arethuse voulant fuir Alphée qui la suit. Non je ne veux jamais entendre parler ny d' amour ny d' amant. Me suivrez-vous sans cesse ? Alphée me fuirez-vous toûjours ? L' ingrate Arethuse me laisse sans espoir de secours ? C' est un feu nouveau qui me presse... Arethuse me suivrez-vous sans cesse ? Alphée me fuirez-vous toujours ? ACTE 1 SCENE 6 Proserpine, Alphée, Arethuse, Cyané, Crinise, troupes de divinitez et de peuples de Sicile. Quatorze nymphes chantantes. Six divinitez des bois chantantes. Six divinitez des eaus chantantes. Six habitans de Sicile chantants. Un conducteur de la feste dançant. Six habitans de Sicile dançants. Proserpine Ceres va nous oster sa divine presence, ces lieux vont perdre leurs attraits, Ceres, favorable Ceres, faites cesser bientost vostre cruelle absence, Ceres, favorable Ceres escoutez nos tristes regrets. Le choeur repete ces derniers vers. ACTE 1 SCENE 7 Ceres, Proserpine, Alphée, Arethuse, Cyané, Crinise, troupes de divinitez et de peuples. Ceres sur son char tiré par des dragons aislez. Vous qui voulez pour moy signaler vostre zele ne troublez point la paix de cet heureux sejour, je presse mon depart pour haster mon retour ; accompagnez ma fille avec un soin fidelle. Changez vos tristes chants en de charmants concerts ; que j' entende en partant dans le milieu des airs esclater la gloire nouvelle du plus grand dieu de l' univers. Ceres fait partir son char volant. ACTE 1 SCENE 8 Proserpine, Alphée, Arethuse, Cyané, Crinise, troupe de divinitez, troupe de peuples. Proserpine et le choeur. Celebrons la victoire du plus puissant des dieux. Qu' un trophée eternel conserve la memoire d' un triomphe si glorieux. Celebrons la victoire du plus puissant des dieux ; faisons retentir jusqu' aux cieux le bruit éclattant de sa gloire : celebrons la victoire du plus puissant des dieux. On dance autour d' un trophée qu' on esleve à l' honneur de Jupiter, et que l' on forme du débris des armes monstrueuses des geans vaincus. Sur la fin de cette feste on entend un tremblement de terre qui fait tomber une partie du palais de Ceres. Proserpine et le choeur. Ce palais va tomber ; ô dieux ! La terre s' ouvre ! Quels tremblements affreux ! L' enfer decouvre ses gouffres tenebreux. Jupiter lancez le tonnerre, renversez par de nouveaux coups le chef audacieux des enfans de la terre : il veut se relever pour s' armer contre vous, achevez d' étoufer la guerre. Jupiter : lancez le tonnere. Le tonnere tombe sur le mont Aetna, qui paroist dans l' esloignement ; et ce coup acheve d' accabler le chef des geants, qui s' efforçoit de se relever. ACTE 2 SCENE 1 Le theatre, change et represente les jardins de Ceres. Crinise, Alphée. Crinise Jupiter a dompté les geans pour jamais. Ce beau sejour brille de nouveaux charmes, tout y ressent le retour de la paix : ah ! Que le repos a d' attraits apres de mortelles allarmes. Alphée la paix dans ces beaux lieux m' offre en vain mille appas. L' amour en rend pour moy la douceur inutile ; cruel amour, helas ! Que me sert-il de voir tout le monde tranquille si mon coeur ne l' est pas ? Crinise vous changez, vous quittez une nymphe inhumaine. Vostre coeur ne risque rien à choisir une autre chaîne, c' est toûjours un bien de changer de peine. Alphée heureux qui peut estre inconstant ! Rebutté des rigueurs d' une haine éternelle, j' ay voulu la quitter cette beauté cruelle, et j' esprouve qu' en la quittant mon coeur est encor moins content. J' ay feint de ressentir une flamme nouvelle, j' ay fait voir à ses yeux un dépit éclatant ; mais helas ! Dans le mesme instant je brûlois en secret, je languissois pour elle, et je ne l' aimay jamais tant. Qu' il couste cher d' estre fidelle ! Heureux qui peut estre inconstant ! Crinise et Alphée repettent ensemble ces deux derniers vers. Crinise quelqu' un vient, gardez le silence. Alphée c' est Ascalaphe qui s' avance pour quelque soin pressant il quitte les enfers : il n' a de mon amour que trop de connoissance, où n' ay-je point porté la honte de mes fers ? ACTE 2 SCENE 2 Ascalaphe, Alphée Alphée venez goûter icy le doux air qu' on respire. Ascalaphe je dois suivre le dieu de l' infernal empire. La terre par ses tremblements vient d' ébranler les fondements de nos demeures sombres : Pluton a voulu voir si la clarté des cieux ne s' ouvre point de passage en ces lieux pour aller aux enfers effaroucher les ombres. Il me permet de voir Arethuse un moment. Alphée d' où vous vient tant d' empressement ? Ascalaphe je l' ay veuë aux enfers ; que je la trouvois belle ! Alphée l' ingrate me fuïoit, elle est toûjours cruelle. Ascalaphe ses cruautez pour vous, ses soins pour fuïr vos pas ont encore à mes yeux augmenté ses appas. Alphée les flammes amoureuses descendent-elles jusqu' à vous ? L' amour veut un sejour plus doux que vos demeures tenebreuses. Ascalaphe l' astre brillant qui vous luit finit son cours dans les ondes, il ne peut percer la nuit de nos demeures profondes ; mais il n' est point de sejour impenetrable à l' amour. Alphée qu' esperez-vous d' une ame si severe ? Mon amour ne peut l' émouvoir. Ascalaphe si vous ne sçavez pas le secret de luy plaire un autre pourra le sçavoir. Alphée sçaurez-vous de son coeur vaincre la resistance ? Est-ce aux enfers qu' on apprend ce secret ? Ascalaphe on aprend aux enfers à garder le silence, et l' on y sçait estre discret ; la nymphe que je cherche avec soin vous évite, pour la trouver, il faut que je vous quitte. ACTE 2 SCENE 3 Alphée seul. Amants qui n' estes point jaloux, que vostre sort est doux ! L' amour m' a fait gêmir sous une dure chaîne ; mais quand je me plaignois de ses funestes coups je ne connoissois pas le plus cruel de tous. Un autre aime Arethuse et ne craint point sa haine ; et je voy sur moy seul tomber tout son courroux : c' estoit peu du malheur d' aimer une inhumaine, le bonheur d' un rival a redoublé ma peine. Amants qui n' estes point jaloux, que vostre sort est doux ! ACTE 2 SCENE 4 Alphée, Arethuse Alphée ingrate, escoutez-moy, je ne veux plus me plaindre, je ne vous diray rien qui vous puisse allarmer. Arethuse vous cessez de m' aimer, je cesse de vous craindre. Alphée Ascalaphe vous cherche icy, bien-tost vous le verrez paraistre ; Arethuse, peut-estre, vous le cherchez aussi. Arethuse l' aimable Proserpine en vostre ame a fait naistre une nouvelle ardeur ; si vous ne m' aimez plus, que vous sert de connaistre le secret de mon coeur ? Alphée faut-il que vostre coeur à l' amour moins rebelle recompense un amant sans esprouver sa foy ? Si ce bien eust esté le prix du plus fidele, ah ! Vous sçavez, cruelle, qu' il n' estoit dû qu' à moy. Arethuse vostre nouvelle chaîne est si belle et si forte ! Pourquoy songer encore à des liens rompus. Que vous importe qu' un autre emporte un prix qui ne vous touche plus ? Alphée vous avez fuy les soins de mon amour extresme, vous m' avez osté tout espoir : si je disois que je vous aime, vous m' osteriez encor le plaisir de vous voir. Arethuse et Alphée. C' est une autre que moy qui regne dans vostre ame, c' est un autre que moy qui regne dans vostre ame, vous trouvez d' autres noeuds plus doux : en vain je veux cacher ma flâme, mon amour paroist trop dans mes transports jaloux ; non, je ne puis aimer que vous. ACTE 2 SCENE 5 Ascalaphe, Arethuse, Alphée Arethuse est-il vray que mon coeur soit en vostre puissance ? Ascalaphe je vous aime sans esperance ; j' ay voulu soulager mon mal par le chagrin de mon rival. Dans les enfers, c' est ainsi qu' on en use : mes maux n' ont pû trouver d' autre adoucissement. Pardonnez-moy, belle arethuse, je ne suis pas le seul qui se vante en aimant de posseder un coeur qu' on luy refuse. Mais Alphée aujourd' huy n' est plus tant rebutté ? Vous ne fuyez plus sa presence ? Arethuse pour punir vostre vanité je veux que vous voyez triompher sa constance. Ascalaphe en luy donnant la prefertence, vous me rendez la liberté. Le dépit qui me possede me guerira promptement, vous en faites mon tourment, et j' en feray mon remede. Alphée et Arethuse. Pour estre heureux, il faut qu' on aime bien. Ascalaphe pour estre heureux il faut qu' on n' aime rien. Mais Pluton va bien-tost rentrer dans son empire : il passe en ces lieux, il admire les charmes d' un sejour si doux. ACTE 2 SCENE 6 Pluton, Arethuse, Ascalaphe, Alphée Pluton demeurez Arethuse, Alphée esloignez-vous. Alphée se retire, et Pluton continuë à parler. Les efforts d' un geant qu' on croyoit accablé ont fait encor frémir le ciel, la terre, et l' onde mon empire s' en est troublé ; jusqu' au centre du monde mon trosne en a tremblé. L' affreux Typhoee avec sa vaine rage trébuche enfin dans des gouffres sans fonds. L' éclat du jour ne s' ouvre aucun passage pour penetrer les royaumes profonds qui me sont escheus en partage. Le ciel ne craindra plus que ses fiers ennemis se relevent jamais de leur chûte mortelle, et du monde esbranlé par leur fureur rebelle les fondemens sont raffermis : je puis faire goûter une paix eternelle aux peuples soûterrains que le sort m' a soûmis. Mais par vos soins puis-je voir Proserpine avant que de quitter cét aimable sejour ? Arethuse cette fiere beauté s' obstine à fuïr les amants et l' amour. Dans l' innocent repos de cette solitude elle évite les dieux de la terre et des cieux : jugez de son inquietude si le dieu des enfers paroissoit à ses yeux. Caché sous cét espais feüillage vous pourriez la voir un moment. Pluton allez, il suffira que vostre soin l' engage à venir dans ce lieu charmant, et si je puis la voir il n' importe comment. ACTE 2 SCENE 7 Pluton, Ascalaphe Ascalaphe j' ay peine à concevoir d' où vient le trouble extresme où le coeur de Pluton semble s' abandonner. Pluton tu peux t' en estonner, j' en suis surpris moy-mesme j' ay trouvé Proserpine en visitant ces lieux. Les pleurs couloient de ses beaux yeux : elle fuyoit, interdite, et tremblante ; pour implorer l' assistance des dieux elle tournoit ses regards vers les cieux : sa douleur et son espouvante rendoient encor sa beauté plus touchante. Les accens plaintifs de sa voix ont esmeu mon coeur inflexible ; qu' un coeur fier est troublé quand il devient sensible pour la premiere fois ! Ascalaphe contre l' amour quel coeur peut se deffendre ? Le temps d' aymer n' est pas connu, il faut l' attendre ; quand ce temps fatal est venu, il faut se rendre. Contre l' amour quel coeur peut se deffendre ? Pluton de ce dieu si puissant je mesprisois les feux, j' esprouve enfin sa vengeance cruelle. Je l' ay veu ce dieu dangereux, il suivoit Proserpine, il voloit aprés elle. J' ay veu de sa fatale main partir un trait de flamme, j' ay voulu l' éviter en vain, le coup a penetré jusqu' au fond de mon ame. Ascalaphe l' amour a surmonté le maistre des enfers ; il n' a plus rien à vaincre aprés cette victoire. Pluton et Ascalaphe. L' amour comblé de gloire triomphe de tout l' univers. ACTE 2 SCENE 8 Proserpine, Cyané, Arethuse, Pluton, Ascalaphe, troupe de nymphes. Quatorze nymphes de la suitte de Proserpine chantantes. Huit nymphes dançantes. Proserpine et ses nymphes. Les beaux jours et la paix sont revenus ensemble. Pluton la troupe des nymphes s' assemble, retirons-nous sous ce feüillage espais. Pluton et Ascalaphe se retirent et se cachent, et Proserpine et ses nymphes s' avancent en dançant et en chantant. Les beaux jours et la paix on ne voit plus de coeur qui tremble, tout rit dans ces lieux pleins d' attraits. Les beaux jours et la paix sont revenus ensemble. Proserpine et ses nymphes continüent leurs dances et leurs chants. Proserpine belles fleurs, charmant ombrage il ne faut aimer que vous. Le Choeur on ne trouve rien de doux quand on est dans l' esclavage. Proserpine belles fleurs, charmant ombrage il ne faut aimer que vous. Le Choeur les amants n' ont en partage que langueurs, que soins jaloux. Proserpine belles fleurs, charmant ombrage il ne faut aimer que vous. Choeur belles fleurs charmant ombrage, il ne faut aimer que vous. Proserpine quand un coeur est trop sensible, rien ne peut le rendre heureux. Le Choeur dans les plus aimables noeuds on n' a point de bien paisible. Proserpine quand un coeur est trop sensible, rien ne peut le rendre heureux. Le Choeur c' est toûjours un mal terrible que l' ardeur des plus beaux feux. Proserpine quand un coeur est trop sensible, rien ne peut le rendre heureux. Le Choeur quand un coeur est trop sensible rien ne peut le rendre heureux. Proserpine que nostre vie doit faire envie ! Le vray bonheur est de garder son coeur. Le jour n' esclaire que pour nous plaire, ces arbres verds. Ont leur plus beau feüillage, et mille oyseaux divers dans ce boccage imittent nos concerts par leur ramage ; que nostre vie doit faire envie ! Le vray bonheur est de garder son coeur. Tout s' interesse dans nos desirs, jamais l' amour ne nous blesse, les doux plaisirs sont pour les coeurs sans foiblesse. Que nostre vie doit faire envie ! Le vray bonheur est de garder son coeur. Le Choeur que nostre vie doit faire envie ! Le vray bonheur est de garder son coeur. Pour nous deffendre d' un amour tendre, avec fierté, nous avons pris les armes : nos biens n' ont point coûté de tristes larmes, la liberté n' a jamais que des charmes : que nostre vie, etc. Proserpine nous reverrons bien-tost Ceres dans ces beaux lieux, il faut luy preparer des guirlandes nouvelles. Separons-nous ; voyons qui sçait le mieux assortir les fleurs les plus belles. Choeur De Nymphes voyons qui sçait le mieux assortir les fleurs les plus belles. Les nymphes s' écartent, Proserpine et Cyané cüeillent des fleurs. ACTE 2 SCENE 9 Pluton, Proserpine, Ascalaphe, Cyané, troupe de divinitez des enfers. Huit divinitez infernalles chantantes. Pluton infernales divinitez secondez mon amour, sortez. Une troupe de divinitez infernales sort de la terre, et le char de Pluton paroist en mesme temps. Proserpine ciel ! Prenez ma deffence ! Proserpine et Cyané. ô ciel ! Protegez l' innocence ! Pluton, Ascalaphe, et les divinitez infernales. Proserpine ne craignez pas un dieu charmé de vos appas. Cyané retenant Proserpine. Qu' elle barbare violence ! Pluton nymphe, crain ma vengeance : sur peine de perdre la voix. Garde-toy de parler de tout ce que tu vois. L' escharpe de Proserpine demeure dans les mains de Cyané, et Pluton fait placer Proserpine prés de luy sur son char. Proserpine ciel ! Prenez ma deffence ! Proserpine et Cyané. ô ciel ! Protegez l' innocence ! Pluton, Ascalaphe, et les divinitez infernales descendans aux enfers avec Proserpine. Proserpine, ne craignez pas, un dieu charmé de vos appas. ACTE 3 SCENE 1 Le theatre change, et represente le mont Aetna vomissant des flâmes, et les lieux d' alentour. Alphée, Arethuse, Crinise, troupe de nymphes, troupe de dieux des bois. Tous Ensemble Proserpine ? Respondez-nous ? Helas ! En quels lieux estes-vous ? ô disgrace cruelle ! L' echo fidelle au fond des bois respond à nostre voix ; Proserpine ? Ah faut-il qu' en vain on vous appelle ! Proserpine ? Respondez-nous ? Helas ! En quels lieux estes vous ? ACTE 3 SCENE 2 Arethuse, Alphée Arethuse n' aurois-je point innocemment causé tant de cris et de larmes ? D' un desir curieux je n' ay point pris d' allarmes ; qui croiroit que Pluton pût devenir amant ! Il demandoit à voir Proserpine un moment, je crains qu' il n' ait trop veu ses charmes, ce n' est que par mes soins que Ceres peut sçavoir si le dieu des enfers tient sa fille captive ; il m' est permis d' aller sur l' infernale rive : adieu, dans peu de temps j' espere vous revoir. Alphée pouvez-vous oublier qu' il faut que je vous suive ? J' ay sans cesse suivy vos pas quand j' excitois vostre colere : quand j' ay cessé de vous déplaire pourrois-je ne vous suivre pas ? Arethuse du maistre des enfers je veux aller me plaindre, craignez en me suivant d' attirer son courroux. Alphée pour moy rien n' est tant à craindre que d' estre éloigné de vous. Que l' absence de ce qu' on aime est un supplice rigoureux ! Pour les coeurs amoureux, tout autre mal cede à ce mal extresme, et l' enfer mesme n' a rien de plus affreux que l' absence de ce qu' on aime. Alphée et Arethuse. Le bon-heur est par tout où l' amour est en paix, ne nous quittons jamais. ACTE 3 SCENE 3 Alphée, Arethuse, Crinise, troupes de nymphes et de dieux des bois. Tous Ensemble Ceres revient ! Ah qu' elle peine ! Cachons-nous à ses yeux. Sa fille n' est plus dans ces lieux ; son esperance est vaine. Que luy pourrons-nous dire, ô dieux ! Ceres revient ; ah quelle peine ! Cachons-nous à ses yeux, les nymphes et les dieux des bois se cachent, Alphée et Arethuse descendent aux enfers, le char volant de Ceres s' arreste, et la déesse en descend. ACTE 3 SCENE 4 Ceres je vais revoir ma fille, elle est dans ces campagnes : je viens d' y voir les nymphes ses compagnes. Je vais goûter prés d' elle un sort doux et charmant. Helas ! Qu' un tendre amour accroist l' empressement de la tendresse maternelle. Proserpine est pour moy le gage precieux de l' amour le plus grand des dieux, c' est Jupiter que j' aime en elle. J' ay rendu les humains heureux, mes travaux ont comblé leurs voeux ; il m' est permis enfin d' estre heureuse moy-mesme : apres avoir acquis un immortel honneur, quand chacun par mes soins goûte un bonheur extresme qu' il m' est doux de songer à mon propre bonheur. Les nymphes de ces lieux semblent fuïr ma presence : Proserpine ? Ma fille ? Ah quel triste silence ! Est-ce ainsi qu' on devoit dans cét heureux séjour se réjoüir de mon retour ? Venez, nymphes, venez, que ma fille s' avance. Venez, dieux des bois, venez-tous. ACTE 3 SCENE 5 Ceres, Crinise, troupes de nymphes et de dieux des bois. Ceres ma fille n' est pas avec vous ! Quoy, donc, est-ce le soin que vous en deviez prendre ? Rendez-moy Proserpine. Au lieu de me la rendre, vous m' offrez seulement des soûpirs et des pleurs ? Le Choeur ô Ceres ! ô mere trop tendre ! Ah quelles seront vos douleurs. Ceres ciel ! On m' oste ma fille ! Et qui l' ose entreprendre ? Deux Nymphes nous n' avons pû l' aprendre, et l' on a pris le temps que nous cüeillions des fleurs. Ceres j' ay creu qu' un doux repos devoit icy m' attendre, et je n' y trouve, helas ! Que de cruels mal-heurs. Le Choeur ô Ceres ! ô mere trop tendre ! Ah ! Quelles seront vos douleurs ! ACTE 3 SCENE 6 Cyané, Ceres, Crinise, troupes de nymphes et de dieux champestres. Cyané je ressens vos ennuis, et j' en suis trop atteinte, quoy qu' il puisse arriver, vous allez tout sçavoir. Il faut que mon devoir l' emporte sur ma crainte. Ceres parle, ma chere cyané ; soulage un coeur infortuné. Cyané j' ay suivy Proserpine, et j' ay pris sa deffense ! Helas tous mes efforts pour elle ont esté vains ! Son escharpe est entre mes mains... Ceres ce cher et triste objet presse encore ma vangeance. Haste-toy de nommer l' ennemy qui m' offence. Cyané c' est... c' est... Ceres acheve. Cyané c' est... Ceres et Le Choeur. Ah ! Quel malheur nouveau ! Cyané perd la voix et n' est plus qu' un ruisseau. ACTE 3 SCENE 7 Ceres, Crinise, troupe de nymphes, et de dieux des bois. Ceres ô malheureuse mere ! Le Choeur ô trop malheureuse Ceres ! Ceres les dieux n' ont pû souffrir qu' une nymphe sincere m' ait découvert mes ennemis secrets. Je ne sçauray donc pas sur qui lancer les traits de ma juste colere ? On me ravit une fille si chere ! Jupiter dans les cieux sourd à mes vains regrets ne ressent plus qu' il est son pere ! ô malheureuse mere ! Le Choeur ô trop malheureuse Ceres ! Ceres ah ! Qu' elle injustice cruelle ! ô dieux pourquoy m' arrachez-vous un bien que je trouvois si doux ? De cette audace criminelle est-ce Apollon ou Mars que je doy soupçonner ? Leurs meres en fureur n' ont pû me pardonner d' avoir une fille si belle. Dois-je accuser l' amour, et sert-il aujourd' huy à me ravir un bien que je tenois de luy ? Trahiroit-il mon coeur fidelle ? Ah ! Quelle injustice cruelle ! ô dieux ! Pourquoy m' arrachez-vous un bien que je trouvois si doux ? Par mes soins, les champs de Cybele de fruits, et de moissons viennent d' estre couverts ; de mes dons precieux la richesse nouvelle brille par mes travaux en cent climats divers, et quand de tant de biens j' ay comblé l' univers, les dieux percent mon coeur d' une douleur mortelle. Ah ! Quelle injustice cruelle ! ô dieux pourquoy m' arrachez-vous un bien que je trouvois si doux. Apres un si sensible outrage, mon coeur desesperé s' abandonne à la rage. Du monde trop heureux je veux troubler la paix : brulons, ravageons-tout, détruisons mes bien-faits. ACTE 3 SCENE 8 Ceres, troupes de nymphes et de dieux champestres, troupe de suivants de Ceres, troupe de peuples de Sicile. Les suivants de Ceres rompent les arbres et en prennent des branches et en font des flambeaux qu' ils allument au feu qui sort du mont Aetna. Ils en brulent les bleds, malgré les efforts et les cris des nymphes, des dieux champestres, et des peuples. Huit suivants de Ceres portants des flambeaux allumez dançans. Quatre habitans de Sicile dançans. Ceres tenant deux flambeaux allumez. Que tout se ressente de la fureur que je sens. Le choeur des dieux champestres et des peuples. Quel crime avons-nous fait ? Divinité puissante, escoutez les clameurs des peuples gemissants. Ceres j' ay fait du bien à tous, ma fille est innocente, et pour toucher les dieux, nos cris sont impuissants ; j' entendray sans pitié les cris des innocents : que tout se ressente de la fureur que je sens. Le Choeur ah ! Quelle espouvantable flâme ! Ah ! Quel ravage affreux ! Ceres portons par tout l' horreur qui regne dans mon ame. Portons par tout d' horribles feux. Le Choeur ah ! Quelle espouvantable flâme ! Ah ! Quel ravage affreux ! ACTE 4 SCENE 1 Le theatre change, et represente les champs elysées. Ombres heureuses. Quatorze ombres heureuses chantantes. Six ombres joüants la flutte. Choeur des ombres heureuses. Loin d' icy, loin de nous, tristes ennuis, importunes allarmes : gardez-vous, gardez-vous d' interrompre la paix dont nous goûtons les charmes ; gardez-vous, gardez-vous de troubler un bonheur si doux. Deux ombres heureuses. ô ! Bien-heureuse vie ! Vous ne nous serez point ravie. ô ! Doux plaisirs dont nos voeux sont comblez ! Vous ne serez jamais troublez. Deux autres ombres heureuses. Ah que ces demeures sont belles ! Que nous y passons d' heureux jours ! Quelle felicité pour les amants fidelles ! Icy les amours éternelles ont toûjours les douceurs des nouvelles amours. Ah que ces demeures sont belles ! Que nous y passons d' heureux jours. Deux autres ombres heureuses. Dans ces beaux lieux, tout nous enchante, les plaisirs y suivent nos pas ; et plus on en joüit, plus le desir augmente d' en goûter les appas le choeur des ombres heureuses. ô bien-heureuse vie ! Vous ne nous serez point ravie. ô ! Doux plaisirs dont nos voeux sont comblez ! Vous ne serez jamais troublez. ACTE 4 SCENE 2 Proserpine, Ascalaphe, les ombres heureuses. Proserpine ma chere liberté que vous aviez d' attraits ! En vous perdant, helas ! Que mon ame est atteinte de douleur, de trouble, et de crainte ! Ma chere liberté que vous aviez d' attraits ! Faut-il vous perdre pour jamais ? Ombres que j' interromps, souffrez ma triste plainte, ce n' est pas pour mon coeur que vos plaisirs sont faits : plaignez-vous avec moy du dieu qui m' a contrainte de troubler la douceur de vostre heureuse paix. Ma chere liberté que vous aviez d' attraits ! En vous perdant, helas ! Que mon ame est atteinte ! De douleur, d' amour, et de crainte ! Ma chere liberté que vous aviez d' attraits ! Faut-il vous perdre pour jamais ? Ascalaphe aimez qui vous aime, rien n' est si charmant. Pluton n' est pas un dieu sujet au changement, il vous offre son coeur avec son diadéme. Aimez qui vous aime, rien n' est si charmant. Les ombres repettent ces deux derniers vers Proserpine que n' est-il satisfait de sa grandeur supresme, j' estois heureuse sans amant ; mon coeur se contentoit de regner sur luy-mesme. Les Ombres rien n' est si charmant. Proserpine ah ! Sans la liberté, sans sa douceur extresme, tout autre bien est un cruel tourment. Les Ombres aimez qui vous aime, rien n' est si charmant. ACTE 4 SCENE 3 Arethuse, Alphée, Proserpine, Ascalaphe Proserpine est-ce une illusion dont le charme m' abuse, est-ce toy, ma chere Arethuse. Arethuse et Alphée. Pluton veut qu' avec vous nous demeurions icy ; nous suivons sans effort la loy qu' il nous impose. Ce dieu veut soulager le chagrin qu' il vous cause, et croit que par nos soins il peut estre adoucy. Il attend pour vous voir que de vostre colere les premiers transports soient calmez. Le dieu que vous charmez ne songe qu' à vous plaire. Proserpine que devient pour l' amour ton mespris éclatant ? Cet amant prés de toy gouste un bon-heur paisible. Arethuse rien n' est impossible à l' amour constant. En vain je presumois tant d' avoir un coeur invincible, rien n' est impossible à l' amour constant. Alphée. Qu' un amant fidele est content d' engager ce qu' il aime à devenir sensible ! Alphée et Arethuse. Rien n' est impossible à l' amour constant. Ascalaphe Pluton pourra trouver un favorable instant ou son amour pour vous déviendra moins terrible. Ascalaphe, Arethuse et Alphée. Rien n' est impossible à l' amour constant. Voyez ce beau sejour, ces charmantes campagnes, ces vallons escartez, ces paisibles forests. Proserpine ne reverray-je plus Ceres ? Ne reverray-je plus mes fidelles compagnes ? Ascalaphe vous avez par malheur goûté de quelques grains d' un fruit de ces lieux sousterrains. Alphée et Arethuse. Pluton le sçait, il vient de nous le dire. Ascalaphe j' ay pris soin de l' en advertir. Par l' arrest du destin, le dieu de cet empire peut vous voir desormais autant qu' il le desire. Alphée, Arethuse et Ascalaphe. Jamais s' il n' y veut consentir, du sejour des enfers vous ne pourrez sortir. Proserpine je ne verray jamais la lumiere celeste ! Dans une ardente soif, par un secours funeste, c' est toy qui m' as monstré ce fruit si dangereux : tu m' as caché l' arrest du destin rigoureux ; perfide, c' est toy qui m' abuse, et c' est toy-mesme qui m' accuse ? Ah ! Du moins, le destin exaucera les voeux de ma juste vangeance : tu ne surprendras plus la credule innocence ; tu seras un objet affreux, et d' un presage malheureux ; va, cruel, va languir dans l' horreur des tenebres ; va, devien, s' il se peut, aussi triste que moy. Que tes cris soient des cris funebres ; que le sombre chagrin, que le mortel effroy ; ne se lassent jamais de voler apres toy. Ascalaphe se transforme en hibou, et s' envole. ACTE 4 SCENE 4 Pluton, Proserpine Proserpine venez-vous contre moy deffendre un temeraire ? Pluton vostre pouvoir icy ne sera point borné ; on n' est point innocent quand on peut vous déplaire : espuisez, s' il se peut sur cet infortuné, tous les traits de vostre colere. Proserpine tout ressent icy bas mon trouble et ma terreur : les ombres sans trembler ne peuvent plus m' entendre, ne souffrez pas que ma fureur de cet heureux sejour, fasse un sejour d' horreur, à la clarté du ciel, hastez-vous de me rendre. Pluton ne regrettez point tant la lumiere des cieux. Des astres faits pour nous esclairent ces beaux lieux ; jamais un verdoyant feüillage ne cesse de parer les arbres de nos bois, sans cesse dans nos champs nous trouvons à la fois des fruits, des fleurs, et de l' ombrage, et le temps affreux des frimas est la seule saison que l' on n' y connoist pas. Proserpine mon triste coeur ne peut connaistre la douceur des appas qu' on voit icy paraistre, helas ! Ces lieux si beaux où je frémis d' effroy, sont toûjours les enfers pour moy. Pluton je suis roy des enfers, Neptune est le roy de l' onde, nous regardons avec des yeux jaloux Jupiter plus heureux que nous ; son sceptre est le premier des trois sceptres du monde. Mais si de vostre coeur j' estois victorieux, je serois plus content d' adorer vos beaux yeux au milieu des enfers dans une paix profonde, que Jupiter le plus heureux des dieux n' est content d' estre roy de la terre et des cieux. Proserpine que deviendra Ceres à qui je suis si chere ? Qu' elle surprise ! Helas ! Quelle douleur amere ! Helas ! Pluton ne donnerez-vous des soûpirs qu' à vostre mere ? Aimez, beauté trop severe, les soûpirs d' amour sont doux. Proserpine d' un insensible coeur que pouvez-vous attendre ? Pluton j' ignorois le pouvoir des traits qui m' ont surpris, mon coeur ne connoissoit rien de doux ny de tendre. Ne pourray-je vous aprendre ce que vous m' avez apris ? Proserpine dieu cruel ! Vous n' aimez que les pleurs et les cris. Deviez-vous aux enfers me contraindre à descendre ? Vous m' ostez le bonheur qui m' estoit destiné ? Pluton est-ce à moy qu' il faut vous en prendre ? Accusez-en l' amour que vous m' avez donné. Proserpine voulez-vous me causer d' eternelles allarmes ? Pluton voulez-vous me causer d' eternels desplaisirs ? Proserpine laissez-moy suivre en paix mes innocens desirs. Pluton laissez-moy la douceur de voir toûjours vos charmes Proserpine voyez couler mes larmes. Pluton escoutez mes soûpirs. Pluton et Proserpine ensemble. Pluton mon amour fidelle ne touche point vostre coeur ? Ah ! Quelle rigueur ! Proserpine ma douleur mortelle ne touche point vostre coeur ? Ah ! Quelle rigueur ! Pluton n' importe, fussiez-vous cent fois plus inhumaine, mon amour entreprend de vaincre vostre haine. ACTE 4 SCENE 5 Pluton, Proserpine, choeur d' ombres bien-heureuses. Choeur de divinitez infernales. Quatorze divinitez infernales de la suite de Pluton, chantantes. Les trois juges des enfers. Quatre divinitez infernales dançantes. Quatre ombres heureuses dançantes. Pluton que l' on suspende icy les tourments éternels des plus criminels : qu' aux enfers en ce jour tout soit exempt de peine. Vous qu' un heureux repos suit apres le trespas, et vous, dieux, mes sujets, venez, hastez vos pas, rendez hommage à vostre reine : admirez ses divins appas. Regnez aimable souveraine, regnez à jamais icy bas. Les choeurs des ombres heureuses, et des divinitez infernales. Rendons hommage à nostre reyne, admirons ses divins appas. Regnez, aimable souveraine, regnez à jamais icy-bas. Les ombres heureuses et les divinitez infernales rendent hommage à Proserpine, et luy apportent de riches presens : elles témoignent leur joye par leurs dances et par leurs chansons. Choeur des ombres heureuses. C' est assez de regrets ; c' est verser trop de larmes, goûtez les attraits du destin plein de charmes, Pluton aime mieux que Ceres. Une mere vaut-elle un espoux ? L' amour doit toûjours plaire, les soins en sont doux. Un coeur est trop sauvage s' il change l' usage d' un bien si charmant, et c' est grand dommage d' en faire un tourment. Triomphez dans ces lieux : c' est pour vous que soûpire l' un des plus grands dieux, possedez son empire. Tout cede au pouvoir de vos yeux. Une mere vaut-elle un espoux, etc. Les choeurs des divinitez infernales et des ombres heureuses. Dans les enfers tout rit, tout chante ; on vous doit, beauté charmante, la douceur de nos concerts. Un dieu severe par vos yeux est enflammé, tout son empire vous revere ; qu' il est doux d' avoir charmé un coeur qui n' a jamais aimé. Que vos appas auront de gloire ! Ils estendent leur victoire jusqu' où regne le trespas. Un dieu severe, etc. ACTE 5 SCENE 1 Le theatre change, et represente le palais de Pluton. Pluton, les trois juges des enfers, les trois furies, troupe de divinitez infernales. Les trois furies. Pluton vous qui reconnoissez ma supresme puissance, donnez-moy des conseils, donnez-moy du secours. L' orgueilleux Jupiter m' offence, il veut rompre aujourd' huy l' heureuse intelligence que nous avions juré de conserver toûjours. Les dieux ont aimé tous, et le Dieu du ciel-mesme s' est laissé cent fois enflammer. C' est la premiere fois que j' aime, et l' on veut me ravir ce qui ma sçeu charmer. Ah ! C' est une rigueur extresme de condamner un coeur à ne jamais aimer. C' est vostre reine qu' on demande : Jupiter veut que je la rende, et Mercure pretend l' enlever d' icy bas. Pouvons-nous endurer que l' on nous la ravisse ? Le Choeur non, non, c' est une injustice que nous ne souffrirons-pas. Pluton et par quel droit faut-il que Jupiter s' obstine à troubler le bonheur que l' amour me destine ? Mon pouvoir n' est-il pas independant du sien ? Gardons Proserpine, les enfers ne rendent rien. Le choeur repete ces deux vers. Les trois juges des enfers. Proserpine a goûté des fruits de vostre empire, elle est à vous, on ne peut vous l' oster. Aux arrests du destin les dieux doivent souscrire, c' est vainement qu' on y veut resister. Pluton que le ciel menace, qu' il tonne ; il faut que rien ne nous estonne, nous avons pour nous en ce jour, les destins et l' amour. Le choeur repete ces quatre vers. Les trois furies. Plustost que de souffrir l' injure que le ciel veut faire aux enfers, renversons toute la nature perisse l' univers. Le choeur repete les deux derniers vers. Une des furies. Retirons les geants de leur prison obscure ; des titans enchainez il faut briser les fers : les furies et le choeur. Renversons toute la nature, perisse l' univers. ACTE 5 SCENE 2 Le theatre change, et represente une solitude. Ceres seule. Deserts escartez, sombres lieux, cachez mes soûpirs et mes larmes. Mon desespoir a trop de charmes pour les impitoyables dieux. Deserts escartez, sombres lieux, cachez mes soûpirs, et mes larmes. Les dieux estoient jaloux de mon sort glorieux ; c' est un doux spectacle à leurs yeux que les malheurs cruels dont je suis poursuivie : ils se font un plaisir de mes cris furieux ; Jupiter m' a livrée à leur barbare envie : Jupiter me trahit, ma fille m' est ravie. Je perds ce que j' aimois le mieux ; infortunée, helas ! Le jour m' est odieux, et je suis pour jamais condamnée à la vie. A ! Je ne puis souffrir la lumiere des cieux ! Mon desespoir a trop de charmes pour les impitoyables dieux ; deserts escartez, sombres lieux, cachez mes soûpirs, et mes larmes. ACTE 5 SCENE 3 Ceres, voix infernales. Ceres quels abismes se sont ouverts ? Qu' entends-je ? Quel affreux murmure ! Voix Infernales renversons toute la nature. Perisse l' univers. Ceres le ciel n' est point touché des maux que j' ay soufferts, l' enfer prendroit-il part aux peines que j' endure. Voix Infernales. Renversons toute la nature. Perisse l' univers. Ceres repete ce dernier vers. ACTE 5 SCENE 4 Alphée, Arethuse, Ceres, Alphée et Arethuse sortent des enfers. Ceres ne m' aprendrez-vous point où ma fille peut estre ? Arethuse vostre ennemy secret veut se faire connaistre ; enfin vous pouvez tout sçavoir. De l' empire infernal le redoutable maistre tient vostre fille en son pouvoir. Ceres l' enfer retient ma fille ! ô ciel ! ô sort barbare ! L' eternelle nuit nous separe ! Ma chere Proserpine... ô regrets superflus ! Helas ! Je ne la verray plus ! Dieux ! Ma fille n' est point coupable, pourquoy Pluton inexorable veut-il dans les enfers l' accabler de douleur ? Alphée et Arethuse. C' est quelquefois un grand malheur que d' estre trop aimable. Ceres Pluton l' aime ! Et l' amour pour me desesperer fait soûpirer un coeur qui doit estre infléxible ! Alphée et Arethuse. Quel coeur se peut assurer d' estre toûjours insensible ? Quel coeur se peut assurer. De ne jamais soûpirer ? Alphée. Le dieu qui pour elle soûpire est un des trois grands dieux, maistres de l' univers. Arethuse. Elle est reine d' un vaste empire. Alphée et Arethuse. Il est beau de regner mesme dans les enfers. Ceres quelque honneur qu' aux enfers on s' empresse à luy rendre, elle n' en peut sortir, et je n' y puis descendre : je la perds, je perds tout espoir je ne pourray jamais la voir. Alphée et Arethuse. Jupiter la demande, et l' enfer plein d' allarmes pour la garder a pris les armes. Ceres Jupiter n' est donc pas insensible aux regrets de la malheureuse Ceres ? Obtenez Dieu puissant que ma fille revienne ; sans troubler vostre paix j' irois suivre ses pas si je pouvois passer dans la nuit du trépas : ne souffrez plus que l' enfer la retienne, grand dieu, c' est vostre fille aussi bien que la mienne, c' est vostre fille, helas ! Ne l' abandonnez pas. ACTE 5 SCENE 5 Mercure descend du ciel. Mercure, Ceres, Alphée, Arethuse. Mercure tous les dieux sont d' accord, pour vous tout s' interesse, Proserpine verra le jour, elle suivra Ceres et Pluton tour à tour, elle partagera son temps et sa tendresse entre la nature et l' amour. Vous verrez vostre fille, et Jupiter luy-mesme a pris soin qu' à vos voeux le sort ait respondu. Ceres apres une peine extresme qu' un bien qu' on avoit perdu est doux quand il est rendu par les soins de ce qu' on aime. Mercure l' hymen assemble tous les dieux de l' empire infernal de la terre et des cieux. Le ciel s' ouvre, et Jupiter paroist accompagné des divinitez celestes. Pluton et Proserpine sortent des enfers assis sur un trône, ou Ceres va prendre place prés de sa fille. Une troupe de divinitez infernales richement parées, accompagnent Pluton. Et une troupe de divinitez de la terre viennent prendre part à la joye de Ceres, et à la gloire de Proserpine. ACTE 5 SCENE 6 Jupiter, Pluton, Proserpine, Ceres, Mercure, Alphée, Arethuse, troupes de divinitez celestes, terrestres, et infernales. Six divinitez qui joüent de divers instruments, et qui accompagnent Jupiter dans la gloire. Divinitez celestes qui chantent dans des machines. Venus, Pallas, Hercule, Apollon, L' Amour, L' Hymenée. Troupe de divinitez de la terre chantantes. Pomone, Flore, Vertumne. Troupe de divinitez de la terre chantantes. Troupe de divinitez infernales chantantes. Troupe de divinitez infernales dançantes. Jupiter Ceres, que de vos pleurs le triste cours finisse ; qu' avec Pluton Proserpine s' unisse. Que l' on enchaine pour jamais la discorde et la guerre dans les enfers, dans les cieux, sur la terre, tout doit joüir d' une eternelle paix. Les choeurs repetent ces quatre derniers vers, et les divinitez celestes, terrestres et infernales, témoignent par leurs chants et par leurs dances la joye qu' ils ont de voir l' intelligence restablie entre les plus grands dieux du monde, par le mariage de Pluton et de Proserpine. |