PERSEE

Acteurs du prologue :
Le Vertu
Phronime, suivent de la Vertu
Megathyme, autre suivant de la Vertu
Troupe de Suivants de la Vertu
Troupe de Suivantes de la Vertu
L'Innocence
Les Plaisirs innocents
La Fortune
La Magnificence
L'Abondance
Troupe de Suivants de la Fortune
Troupe de Suivantes de la Fortune

PROLOGUE

Le théâtre représente un bocage

Phronime et Megathyme
Phronime
	La Vertu veut choisir ce lieu pour sa retraite:
	C'est un heureux séjour; tout y plait à mes yeux.
Mégathyme
	La Vertu fait trouver dans les plus tristes lieux
	Une félicité secrete
Pnronime
	Sans la Vertu, sans son secours,
	On n'a point de bien véritable.
	Elle est toujours aimable;
	Il faut l'aimer toujours.
Mégathyme
	Elle éternise la mémoire
	D'un héros qui la suit.
	La gloire où la Vertu conduit
	Est la parfaite gloire.
Phronime et Mégathyme
	Suivons partout ses pas, 
	On ne peut la connoître 
	Sans aimer ses appas.
	Le bonheur ne peut être
	Où la Vertu n'est pas.
(La Vertu s'avance au milieu d'un troupe de suivants et de suivantes. 
L'innocence et les Plaisirs innocents accompagnent la Vertu.)
Phronime, Mégathyme et le Choeur
	O Vertu charmante!
	Votre empire est doux. 
	Avec vous, tout nous contente;
	On n'est point heureux sans vous.
	O Vertu charmante,
	Votre empire est doux.
La Vertu
	Ne vous abusez point par une vaine attente: 
	On n'a pas aisément les prix que je présente;
	Ils coûtent mille efforts ils font mille jaloux.
	L'inconstante Fortune à ma nuire est constante; 
	Lorsque l'on suit mes pas on s'expose à mes coups.
	On trouve en son fatal courroux
	Une hydre toujours renaissante.
Mégathyme
	Avec vous rien n'épouvante.
Phronime
	On n'est point heureux sans vous.
Mégathyme, Phronime et le Choeur
	O Vertu charmante, etc.
La Vertu
	Fuyons de la grandeur la pompe embarrassante; 
	La retraite a des biens dont la douceur enchante
	Et qui sont réservés pour nous.
	Jouissons du bonheur d'une vie innocente;
	C'est le bien le plus grand de tous.
Mégathyme, Phronime et le Choeur
	O Vertu charmante, etc.
(L'innocence, les Plaisirs innocents, et toute la suite de la Vertu 
témoignent leur joie en dansant et en chantant.)
Phronime et Mégathyme
	La grandeur brillante, 
	qui fait tant de bruit,
	N'a rien qui nous tente:
	Le repos la fuit.
	Malheureux qui la suit...!
	Fortune volage, Laissez-nous en paix!
	Vous ne donnez jamais
	Qu'un pompeux esclavage:
	Tous vos biens n'ont que de faux attraits.
	Dans un doux asile
	Nous bornons nos voeux:
	Notre sort est tranquille;
	C'est un bien qui doit nous rendre heureux.
	La Vertu couronne
	Ses amants constant:
	Heureux qui lui donne
	Ses soins et son temps;
	Ses voeux seront contents...
	Fortune volage, etc.
(Le lieu champêtre que la Vertu a choisi pour retraite est 
tout-à-coup embelli d'ornements magnifiques. On voit sortir de 
terre un parterre de fleurs, deux rangs de statues, des berceaux 
dorés et des fontaines jaillissantes.)
La Vertu
	Qui nous fait voir ici tant de magnificence..?
	C'est la Fortune qui s'avance.
(On entend le bruit éclatant d'un grand nombre d'instruments. 
La Fortune s'approche: l'Abondance et la Magnificence l'accompagnent, 
avec une suite richement parée. Tout se réjouit et tout danse 
autour de la Fortune.)
La Vertu
	Me cherchez-vous quand je vous fuis.
	Fortune, je sais trop que vous m'êtes contraire.
	Non, ce n'est pas un soin qui vous soit ordinaire
	D'embellir les lieux où je suis.
La Fortune
	Effaçons du passé la mémoire importune;
	J'ai touojurs contre vous vaineemnt combattu:
	Un auguste héros ordonne à la Fortune
	D'être en paix avec la Vertu.
La Vertu
	Ah! je le reconnois sans peine;
	C'est le héros qui calme l'Univers.
La Fortune
	Lui seul pour vous pouvoit vaincre ma haine;
	Il vous révere, et je le sers.
	Je l'aime constamment, moi qui suis si légère.
	Partout suivant ses voeux avec ardeur je cours.
	Vous paroissez toujours severe,
	Et vous êtes toujours
	Ses plus cheres amours.
La Vertu
	Mes biens brillent moins que les vôtres. 
	Vous trouverez tant de coeurs qui n'adorent que vous!
	Vous les enchantez presque tous.
La Fortune
	Vous régnez sur un coeur qui vaut seul tous les autres.
	Ah! s'il m'eût voulu suivre, il eût tout surmonté.
	Tout trembloit, tout cédoit à l'ardeur qui l'anime.
	C'est vous, Vertu trop magnanime;
	C'est vous qui l'avez arrêté.
La Vertu
	Son grand coeur s'est mieux fait connoître,
	Il a fait sur lui-même un effort généreux:
	Il veut rendre le monde heureux.
	Il préfère au bonheur d'en devenir le maître,
	La gloire de montrer qu'il mérite de l'a^tre.
La Vertu et la Fortune
	Sans cesse combattons à qui servira mieux
	Ce héros glorieux.
La Vertu, la Fortune et les Choeurs.	
	Les Dieux ne l'ont donné que pour le bien du monde,
	Que ses travaux sont grands! que ses destins sont beaux!
	Dans une paix profonde 
	Il trouve une source féconde
	De triomphes nouveaux.
	Les Dieux ne l'ont donné que pour le bien du monde.
La Vertu
	Que jusque dans les jeux tout nous parle de lui.
	Les Dieux, qui méditoient leur plus parfait ouvrage,
	Autrefois dans Persée en tracerent l'image:
	J'obtiendrai qu'Apollon le ranime aujourd'hui.
	La Vertu et la Fortune.
	Mille nouveaux concerts doivent se faire entendre:
	Tout promet au mérite un favorable sort.
	Quel bien ne doit-on pas attendre
	De notre heureux accord?
(La suite de la Vertu et le suite de la Fortune se réunissent, 
et témoignent leur joie par leurs danses et par leurs chants.)
Une suivante de la Vertu et une suivante de la Fortune, ensemble
	Quel heureux jour pour nous!
	Tout suit notre envie.
	Quel heureux jour pour nous!
	Que notre sort est doux!
	La Vertu voit en paix tous ceux qui l'ont suivie:
	La Fortune pour eux perd son fatal courroux.
	Quel heureux jour pour nous, etc.
	Tous nos jours seront beaux; goûtons, goûtons la vie.
	Rien ne trouble nos voeux, le ciel les comble tous.
	Quel heureux jour pour nous, etc.
La Vertu, la Fortune et les Choeurs
	Heureuse intelligence,
	Douce et charmante paix,
	Comblez notre espérance.
	Douce et charmante paix,
	Puissiez-vous durer à jamais.
Fin du Prologue.

Acteurs de la tragédie:
Persée, fils de Jupiter et de Danaé, amant d'Andromède.
Cephée, roi d'Ethiopie
Cassiope, reine, et épouse de Céphée
Mérope, soeur de Cassiope
Andromède, fille unique de Cépéhe et de Cassiope
Phinée, frère de Céphée, à qui Andromède a été promise
Troupe de suivants de Céphée
Troupe de suivants de Cassiope
Troupe d'éthiopiens et d'éthiopiennes
Quadrille de jeunes hommes, choisis pour disputer les prix des jeunes junoniens.
Quadrille de jeunes filles choisies pour les mêmes jeux.
Amphimedon.
Corité, éthiopien.
Protenor, éthiopien.
Mercure, éthiopien.
Troupe de Cyclopes.
Troupe de Nymphes guerrières de la suite de Pallu.
Troupe de divinités infernales.
Méduse, gorgone. 
Euryale, gorgone.
Stenone, gorgone.
Troupe de monstres formés du sang de Méduse.
Idas, un des courtisan de Céphée
Troupe de Matelots
Troupe de Matelottes
Le grand-prêtre du Dieu Hyménée
Suite du grand-prêtre
Troupe de courtisans de Céphée
Troupe de combattants du parti de Phinée
Troupe de combattants du parti de Céphée et de Persée
Vénus
L'Amour
Troupe d'Amours
L'Hyménée
Les Grâces 
Les Jeux

ACTE PREMIER
Le théâtre représente une place publique, magnifiquement ornée, et 
disposée pour y célébrer des jeux à l'honneur de Junon.

SCENE PREMIERE

Céphée, Cassiope, Mérope, suite.
Céphée
	Je crains que Junon ne refuse
	D'apaiser sa haine pour nous;
	Je crains, malgré vos voeux,
	Que l'afreuse Méduse
	Ne revienne servir son funeste courroux.
	L'Ethiopie en vain à mes loix est soumise;
	Quelle espérance m'est permise,
	Si le ciel contre nous veut toujours être armé?
	Que me sert toute ma puissance?
	Contre ce monstre affreux
	Mon peuple est sans défense:
	Qui le voit est soudain en rocher transformé;
	Et si Junon, que votre orgueil offense,
	N'arrête sa vengeance,
	Je serai bientôt roi d'un peuple inanimé.
Cassiope
	Heureuse épouse, heureuse mère,
	Trop vaine d'un sort glorieux,
	Je n'ai pu m'empêcher d'exciter la colère
	De l'épouse du Dieu de la Terre et des Cieux!
	J'ai comparé ma gloire à sa gloire immortelle.
	La déesse punit ma fierté Criminelle;
	Mais j'espère fléchir son courroux rigoureux;
	J'ordonne les célèbres Jeux
	Qu'à l'honneur de Junon en ces lieux on prépare
	Mon orgueil offensa cette divinité;
	Il faut que mon respect répare
	Le crime de ma vanité.
Céphée
	Je vais, avec Persée, implorer l'assistance
	Du dieu dont il tient la naissance;
	Il est fils du plus grand des Dieux.
	Apaisez de Junon, la colère fatale,
	Ce seroit pour elle en ces lieux
	Un objet odieux
	Qu'un fils de sa rivale.
Cassiope
	Par un cruel châtiment
	Les Dieux vous font voir leur haine;
	On les irrite aisément,
	On les apaise avec peine.
Céphée
	Les Dieux punissent la fierté,
	Ils n'est point de grandeur que le ciel irrité
	N'abaisse quand il veut, et ne réduisent en poudre,
	Mais un prompt repentir
	Peut arrêter la foudre
	Toute prête à partir.
Mérope
	Puissions nous désarmer le ciel qui nous menace.
Céphée, Cassiope et Mérope
	O Dieux! qui punissez l'audace!
	Dieux! redoutables ennemis!
	Pardonnez à des coeurs soumis.
(Céphée sort)

SCENE 2

Cassiope, Mérope
	Aimé et destiné pour épouser ma fille,
	Vous savez mes desseins pour vous,
	Ma soeur; par votre hymen, il m'auroit été doux
	D'unir Persée à ma famille;
	Mais je le veux en vain, l'Amour n'y consent pas:
	Aux yeux de ce héros, ma fille a trop d'appas.
Mérope
	Le fils de Jupiter l'adore;
	Croyez-vous que je sois encore à m'en apercevoir?
	J'y prends trop d'intérêt pour ne le pas savoir.
	Je goûtois une paix heureuse
	Avant que ce héros parût dans cette Cour;
	Par une espérance trompeuse,
	Alloit-il me livrer au pouvoir de l'Amour?
Cassiope
	Sachez bien la faiblesse où votre coeur s'engage.
Mérope
	Mon vainqueur encore aujourd'hui
	Ignore de mon coeur le funeste esclavage:
	Je mourrai de honte et de rage
	Si l'ingrat connoissoit l'amour que j'ai pour lui.
Cassiope
	De chagrin et de colère,
	Votre coeur est déchiré;
	Vous perdez l'espoir de plaire;
	Peut-on trop se défaire
	D'un amour désespéré.
	Appelez le dépit; que votre amour lui cède;
	Sortez par son secours, d'un tourment si fatal.
Mérope
	Le triste secours qu'un remède
	Plus cruel encore que le mal!
Cassiope
	Pour prendre soin des Jeux, il faut que je vous quitte.
	Par mes conseils votre douleur s'irrite.
Cassiope et Mérope
	Le temps seul peut guérir
	Les maux que l'amour fait souffrir.
(Cassiope sort)

SCENE 3

Mérope
	Ah! Je garderai bien mon coeur,
	Si je puis le reprendre.
	Venez, juste dépit, venez, c'est trop attendre;
	Brisez des fers pleins de rigueur,
	Hâtez-vous de me rendre
	De mon premier repos la charmante douceur,
	Ah! je garderai bien mon coeur,
	Si je puis le reprendre,
	Hélas! Mon coeur soupire, et ce soupir trop tendre
	Va, malgré mon dépit, rappeler ma langueur!
	L'amour est toujours mon vainqueur,
	Et je veux en vain m'en défendre,
	Ah! J'ai trop engagé mon coeur;
	Je ne puis le reprendre...
	Andromède vient voir les Jeux, 
	Phinée avec elle s'avance;
	L'espoir de leur hymen flatte encore mes voeux 
	Et c'est ma dernière espérance.

SCENE 4

Andromède, Phinée, Mérope
Andromède et Phinée
	Croyez-moi, croyez-moi,
Andromède
	Cessez de craindre
Phinée
	Cessez de feindre
Andromède
	Je veux vous aimer, je le doi.
Phinée
	Vous ne m'aimez pas, je le voi.
Andromède
	Cessez de craindre
Phinée
	Cessez de feindre
Andromède et Phinée
	Croyez-moi, croyez-moi.
Mérope
	Vous êtes tous deux aimables,
	Et vous vous aimez tous deux;
	Quels différents sont capables
	De rompre de si beaux noeuds?
	Que ne souffriront point les amants misérables
	Si l'Amour a des maux pour les amants heureux?
Andromède
	Sans raison son chagrin éclate.
Phinée 
	Perdrai-je sans chagrin mon espoir le plus doux?
	Condamnez une ingrate.
Andromède
	Condamnez un amant jaloux.
Phinée
	Persée a su lui plaire, et d'une vaine excuse
	Elle veut éblouir mon amour outragé.
	Elle m'aimoit... Non, je m'abuse,
	Non, puisqu'elle a si tôt changé,
	Jamais son coeur pour moi ne fut bien engagé.
Andromède
	Le devoir sur mon coeur vous donne un juste empire.
	Vous ne devez pas craindre un changement fatal.
	Un amant assuré d'un bonheur qu'il désire, 
	Peut-il être jaloux d'un malheureux rival?
Phinée
	Non, je ne puis souffrir qu'il partage une chaîne
	Dont le poids me paroit charmant.
	Quand vous l'accableriez du plus cruel tourment,
	Je serois jaloux de sa peine.
	Mais il ne fait point voir le dépit éclatant.
	S'il est si malheureux, sa constance m'étonne:
	L'amour que l'espoir abandonne,
	Est moins tranquille et moins constant.
Andromède
	Quel plaisir prenez-vous à vous troubler vous-même,
	Et de quoi votre amour peut-il être allarmé?
	Je fuis votre rival avec un soin extrême:
	Est-on accoutumé de fuir ce que l'on aime?
Phinée
	Vous suivez à regret la gloire et le devoir,
	En fuyant un amant à vos yeux trop aimable;
	Vous l'avez trouvé redoutable, 
	Puisque vous craignez de le voir.
Andromède
	Tout vous fait peur, tout vous irrite;
	Vous m'apprenez à craindre un héros glorieux,
	Je ne veux point voir son mérite;
	Votre importun soupçon veut-il m'ouvrir les yeux?
Phinée
	Ah! Si vous le flattiez de la moindre espérance,
	Le Dieu qu'il vous fait croire auteur de sa naissance; 
	Dût-il faire éclater son foudroyant courroux,
	Ne le sauveroit pas de mon transport jaloux.
Andromède
	Juste Ciel!
Phinée
	Vous tremblez! Persée a su vous plaire,
	Si son péril peut vous troubler.
Andromède
	Le ciel n'est que trop en colère,
	Et vous bravez un Dieu qui peut vous accabler.
	C'est pour vous que je dois trembler.
Phinée
	Ne vous servez point d'artifice.
Andromède
	Ne me faites point d'injustice:
	Je veux vous aimer, je le doi.
Phinée
	Vous ne m'aimez pas, je le voi.
Andromède
	Cessez de craindre
Phinée
	Cessez de feindre
Andromède et Phinée
	Croyez-moi, croyez-moi.
Mérope
	Il craint autant qu'il aime;
	Vous devez l'excuser.
	L'amour extrême
	Sert d'excuse lui-même
	Aux craintes qu'il a su causer.
Mérope, Andromède et Phinée
	Ah! Que l'amour cause d'alarmes!
	Ah! Que l'amour auroit d'attraits
	S'il ne troubloit jamais
	La douceur de ses charmes?
	Ah! Que l'amour auroit d'attraits
	Si l'ont aimoit toujours en paix!
Andromède
	Mon devoir est pour vous, mon devoir peut suffir
	A vous faire un tranquille espoir.
Phinée
	Ne ferez-vous jamais parler que le devoir?
	L'amour n'a-t-il rien à me dire?
Andromède
	Les jeux vont commencer, plaçons nous pour les voir.

SCENE 5

Cassiope, Andromède, Mérope, Phinée, Troupes de suivants de Cassiope, 
qui portent les prix; Qudrilles de Jeunes personnes choisies pour les 
jeux, Choeur de spectateurs.
Cassiope
	O Junon! puissante déesse
	Qu'on ne peut assez révérer! 
	J'assemble en votre nom cette aimable jeunesse,
	Que le flambeau d'Hymen doit bientôt éclairer.
	Chacun va montrer son adresse
	Pour disputer les prix que j'ai fait préparer,
	Ne gardez pas pour nous une haine implacable;
	Si l'orgueil me rendit coupable,
	Je reconnois mon crime et veux le réparer.
	Voyez d'un regard favorable
	Les jeux qu'en votre honneur nous allons célébrer.
Le Choeur
	Laissez calmer votre colère.
	O Junon, exaucez nos voeux!
	Si nous pouvions vous plaire,
	Que nous serions heureux!
(On commence les jeux en disputant le prix de la danse).

SCENE 6

Amphimedon, Corité, Protenor, et les acteurs de la scène précédente.
Amphimédon
	Fuyons, nos voeux sont vains et Junon les refuse.
	De nouveaux malheureux en rochers convertis,
	Ne nous ont que trop avertis
	Qu'ils ont vu paroitre Méduse.
Corité
	Méduse revient dans ces lieux!
Protenor
	Garde-nous de la voir, la Mort est dans ses yeux.
Tous ensembles, en fuyant.
	Fuyons ce monstre terrible;
	Sauvons-nous s'il est possible:
	Sauvons-nous, hâtons nos pas;
	Fuyons un affreux trépas.


ACTE II

Le théâtre change, et représente les jardins du palais de Céphée.

SCENE PREMIERE

Cassiope, Mérope, Phinée.
Cassiope
	Faut-il que contre nous tout le ciel s'intéresse?
	Dieux! ne puis-je espérer de vous fléchir jamais?
Phinée 
	J'ai conduit ici la princesse.
Mérope
	Persée a ramené le roi dans ce palais.
Phinée
	Méduse se retire, elle nous laisse en paix.
Cassiope
	Elle peut revenir, elle peut nous surprendre.
	Junon s'obstine à se venger;
	Contre elle aucun des dieux n'a soin de nous défendre;
	Mon seul espoir est d'engager
	Jupiter à nous protéger.
Phinée
	Je vous entends; je sais quelle est votre espérance.
	Persée a beau vanter sa divine naissance,
	Après votre promesse, après la choix du roi,
	Andromède doit être à moi.
Cassiope
	Le ciel punit mon crime; il est inexorable.
	J'ai besoin de secours dans un mortel effroi.
Phinée
	Ah! si le ciel est équitable, 
	Vous trouveroit-il moins coupable
	Si vous m'aviez manqué de foi?
Mérope
	Il est aimé de ce qu'il aime;
	Vous avec approuvé ses voeux:
	Briserez-vous des noeuds
	Que vous avez formés vous-même?
	Que le désespoir est affreux
	Pour un amour extrême,
	Qui s'étoit flatté d'être heureux!
Phinée et Mérope
	Briserez-vous des noeuds
	Que vous avez formés vous-même?

SCENE 2

Céphée, Cassiope, Phinée, Mérope, suite
Phinée
	Seigneur, vous m'avez destiné
	A l'hymen fortuné
	De l'aimable Andromède.
	A l'amour de Persée on veut que je la cède;
	M'ôterez-vous un bien que vous m'avez donné?
Céphée
	Au fils de Jupiter on peut céder sans honte.
Phinée
	Et croyez-vous aussi la fable qu'il raconte?
	Croyez-vous qu'un dieu souverain,
	Qui sur tout l'univers préside,
	Se laisse par l'amour changer en or liquide
	Pour entrer en secret dans une tour d'airain?
	Par ce prodige imaginaire,
	Persée est révéré du crédule vulgaire:
	Il se dit fils du dieu dont le ciel suit la loi;
	Mais je ne prétends pas l'en croire sur sa foi.
Céphée
	Votre incrédulité n'aura donc plus d'excuse,
	Mon frère; sa valeur va vous ouvrir les yeux.
	Reconnoissez le fils du plus puissant des dieux:
	Il offre de couper le tête de Méduse.
Mérope, Cassiope et Phinée
	La tête de Méduse! O cieux!
Cépéhe
	Ma fille est le prix qu'il demande.
Cassiope et Céphée
	Quel prix peut trop payer cet effort glorieux?
Phinée
	Le succès n'est pas sûr, souffrez que je l'attends:
	Souffrez que cependant mon amour se défendre
	D'abandonner un bien si précieux;
	Persée encor n'est pas victorieux.
(Il sort.)

SCENE 3

Céphée, Cassiope, Mérope
Céphée
	L'espoir dans nos coeurs doit renaître...
	Dieux, que Junon engage à servir son courroux,
	Dieux irrités, apaisez-vous!
	La vengeance du ciel n'a que trop au paroître.
	Le fils de Jupiter veut combattre pour nous:
	O ciel! favorisez le fils de votre maître.
(Il répètent tous les trois ensemble les deux derniers vers, et puis
Cépéhe et Cassiope s'en vont.)

SCENE 4

Mérope
	Hélas! Il va périr! Dois-je en trembler? Pourquoi
	Pour l'amant d'Andromède ai-je pris tant d'effroi?
	Faut-il que mon dépit s'oublie?
	Quel intérêt ai-je à sa vie?
	Il vivroit pour une autre, il est perdu pour moi...
	Cependant quand je songe à son péril extrême,
	Quand je le vois chercher un horrible trépas,
	Sans songer qu'il ne m'aime pas,
	Je sens seulement que je l'aime.

SCENE 5

Andromède, Mérope
Andromède, à part.
	Infortunés, qu'un monstre affreux
	A changés en rochers par ses regards terribles,
	Vous ne ressentez plus vos destins rigoureux,
	Et vos coeurs endurcis sont pour jamais paisibles.
	Hélas! les coeurs sensibles
	Sont mille fois plus malheureux.
Mérope, à part.
	Andromède semble interdite; 
	Elle vient rêver en ces lieux:
	Ah! je reconnois dans ses yeux
	Le même trouble qui m'agite.
Andromède, à part.
	Il ne m'aime que trop, et tout me sollicite
	De l'aimer à mon tour;
	C'est du plus grand des dieux qu'il a reçu le jour.
	Dans nos périls mortels l'amour le précipite:
	Le moyen de tenir contre tant de mérite,
	Et contre tant d'amour?
Mérope, à Andromède.
	Ah! vous aimez Persée; il cause vos alarmes;
	N'en désavouez point vos larmes:
	Vos tendres sentiments se sont trop exprimés.
	Vous l'aimez.
Andromède
	Vous l'aimez.
	L'espoir de son hymen avoit charmé votre ame,
	Et je sais les projet que vous aviez formés:
	Je vois que le dépit n'éteint pas votre flamme;
	Persée est en péril, et vous vous alarmez.
	Vous l'aimez.
Mérope
	Vous l'aimez.
Andromède et Mérope
	Ah! qu'un tendre coeur est à plaindre
	d'être réduit à feindre!
	Quel tourment ne fait point souffrir
	Un malheureux amour que l'on ne peut éteindre,
	Et que l'on n'ose découvrir?
	Ah! qu'un tendre coeur est à plaindre
	D'être réduit à feindre!
Mérope
	Il est vrai, le dépit veut en vain m'animer;
	Je sens que la pitié désarme ma colère.
	Persée est un ingrat qui ne me peut aimer;
	Il n'a pas laissé de me plaire.
	Il vous a trop aimée, hélas!
	Comment ne l'aimeriez-vous pas?
Andromède
	L'amour qu'il a pour moi l'engage
	A chercher à se perdre avec empressement:
	Ne me reprochez point ce funeste avantage;
	Je le pairai bien chèrement.
Mérope
	Unissons nos regrets, le même amour nous lie.
	Qu'importe à qui de nous Persée offre ses voeux!
	Nous allons perdre toutes deux;
	Son péril nous réconcilie.
Andromède et Mérope
	Ce héros s'expose pour nous:
	Sa perte est infaillible,
	Ah! Qu'il vive, s'il est possible,
	Quand il vivroit pour vous.
Andromède
	Il faut que mon amour se cache et de trahisse...
	O ciel! Il va parti! Il me chercher en ces lieux.
Mérope
	Je veux m'épargner le supplice
	D'être témoin de vos adieux.
(elle sort.)

SCENE 6

Persée, Andromède
Persée
	Belle princesse, enfin vous souffrez ma présence.
Andromède
	Seigneur, on me l'ordonne, et je suis mon devoir.
Persée
	Vous voullez me faire savoir
	Que je ne dois ce bien qu'à votre obéissance.
	N'importe, rien ne peut ébranler ma constance.
	J'ai su jusqu'à ce jour vous aimer sans espoir.
	Je vais avec plaisir prendre notre défense,
	Quand j'aurois pour récompense
	Que la seule douceur que je sens à vous voir.
Andromède
	Non, ne vous flattez pas; je peux ne vous rien taire:
	Vous m'aimez vainement; Phinée a su ma plaire;
	Il est choisi pour être mon époux;
	Nos deux coeurs sont unis; quel prix espérez-vous
	D'une entreprise dangereuse?
	Quand nous seriez dangereuse?
	Quand vous seriez vainqueur, votre ame est généreuse,
	Et vous ne voudrez pas rompre des noeuds si doux.
Persée
	Je serai malheureux, désespéré, jaloux;
	Mais je mourrai content si vous vivez heureuse.
Andromède
	O dieux!
Persée
	De mes regards vos beaux yeux sont blessés;
	Vous souffrez à me voir, mon amour vous outrage.
	Je vais chercher Méduse, et je vous aime assez
	Pour ne vous pas contraindre à souffrir davantage.
Andromède
	Quoi! pour jamais vous me quittez!
	Persée, arrêtez, arrêtez.
Persée
	Qu'entends-je? ô cieux: belle princesse!
	Que vois-je? vous versez des pleurs!
Andromède
	Ah! par l'excès de mes douleurs
	Connoissez, s'il se peut, l'excès de ma tendresse.
	Voyez à quoi j'avois recours
	Pour vous ôter l'ardeur qui vous fait entreprendre
	Un combat funeste à vos jours.
	Hélas! que l'ai-je pu me rendre
	Indigne de votre secours?
	Que n'êtes-vous magnanime?
	Méduse d'un regard porte un trépas certain.
Persée
	Vous pourriez être sa victime.
Andromède
	Tout l'effort des mortels contre elle seroit vain.
Persée
	Le fils de Jupiter, lorsque l'amour l'anime,
	Doit aller au delà de tout l'effort humain.
Andromède
	Par les frayeurs d'un amour tendre
	Ne serez-vous point désarmé?
Persée
	J'ignorois votre amour, et j'aillois vous défendre;
	Puis-je à vous secourir être moins animé,
	Quand je sais que je suis aimé?
Andromède
	Quoi! vous partez?
Prsée
	L'amour m'appelle.
Andromède
	Vous méprisez mes pleurs! mes cris sont superflus!
Andromède
	Vous me verrez comblé d'une gloire immortelle.
Andromède
	Hélas! nous ne vous verrons plus!
Persée et Andromède
	Ah! le péril est extrême!
	Je vois votre danger, je ne vois pas le mien..
	Dieux! sauvez ce que j'aime!
	Et pour moi-même
	Je ne demande rien.
	Dieux! sauvez ce que j'aime!
(Andromède sort.)

SCENE 7
Mercure, sortant des enfers; Persée.
Mercure
	Persée, où courez-vous? qu'allez-voud entreprendre?
Persée
	Un peuple infortuné m'engage à le défendre;
	C'est à la gloire que je cours.
	Si je meurs, mon trépas sera digne d'envie;
	Je laisse le soin de mes jours
	Au dieu qui m'a donné la vie.
Mercure
	Ce dieux juste et puissant favorise vos voeux,
	Et c'est par ma voix qu'il s'explique:
	Il reconnoit son sang à l'effort généreux
	Que vous allez tenter, d'une ardeur héroïque, 
	Pour secourir des malheureux;
	Mais ce n'est point en téméraire
	Qu'il faut dans le péril précipiter vos pas.
	L'assistance des dieux vous sera nécessaire:
	Ils veulent vous l'offrir, ne le négligez pas.
	Je viens d'apprendre à toute la nature
	Que Jupiter s'intéresse à vos jours:
	La jalouse Junon vainement en murmure,
	Et tout, jusqu'aux enfers, vous promet du secours.

SCENE VIII

Mercure, Persée, troupe de cyclopes.
(Des cyclopes viennent en dansant donner à Persée, de la part 
de Vulcain, une épée et des talonnières ailées semblables à 
celles de Mercure.)
Un des cyclopes
	C'est pour vous que Vulcain, de ses mains immortelles;
	A forgé cette épée et préparé ces ailes.
	Hâtez-vous de vous signaler
	Par une célèbre victoire:
	Chacun doit aller à la gloire;
	Mais un héros y doit voler.

SCENE 9

Mercure, Persée, Troupe de nymphes guerrières, troupe de cyclopes.
(Une des Nymphes guerrières, présente à Persée, de la part de Pallas, 
un bouclier de diamant; elle chante en lui faisant ce présent, 
et les autres nymphes guerrières dansent.)
Une nymphe guerrière
	Le plus vaillant guerrier s'abuse
	D'oser tout espérer de l'effort de son bras.
	Si vous voulez vaincre Méduse,
	Portez le bouclier de la sage Pallas.
	Que la valeur et la prudence,
	Quand elles sont d'intelligence,
	Achevent d'exploits glorieux!
	Le monstre le plus furieux
	Leur fait vainement résistance.
	La paix ne peut régner que par leur assistance;
	L'univers leur doit son bonheur.
	Rien ne peux mieux donner un immortel honneur
	Que la valeur et la prudence,
	Quand elles sont d'intelligence.

SCENE 10

Mercure, Persée, Troupes de divinités infernales, de cyclopes, 
et de nymphes guerrières.

(Les divinités infernales sortent des enfers, et apportent 
le casque de Pluton, qu'elles présentrent à Persée? Une de ces 
Divinités chante, et les autres dansent.)
Une divinité infernale
	Ce casque vous est présenté
	Au nom du souverain de l'empire des Ombres.
	Au milieu du péril, pour votre sûreté,
	Il répandra sur vous l'épaisse obscurité
	Qui règne en nos demeures sombres.
	Ce don mystérieux doit apprendre aux humains
	Comme on peut s'assurer d'un succès favorable:
	Il faut cacher de grands desseins
	Sous un secret impénétrable.
Mercure, les choeurs des cyclopes, des nymphes guerreières,
et de divinités infernales.
	Que l'enfer, la terre et les cieux,
	Votre généreuse entreprise!
	Que l'enfer, la terre et les cieux,
	Que tout l'univers favorise
	Le fils du plus puissant des lieux!
Mercure
	Votre conduite à mes soins est commise.
	L'impatience éclate dans vos yeux;
	La gloire qui vous est promise
	Ne peut plus souffrir de remise.
	Suivez-moi; partons de ces lieux.
(Mercure et Persée s'envolent.)
Les choeurs
	Que l'enfer, la terre et les cieux, etc.


ACTE III

Le théâtre change, et représente l'antre des Gorgones.

SCENE PREMIERE

Méduse, Auryale, Sténone
Méduse
	J'ai perdu la beauté qui me rendit si vaine:
	Je n'ai plus ces cheveux si beaux
	Dont autrefois le dieu des eaux
	Sentit lier son coeur d'une si douce chaîne.
	Pallas, la barbare Pallas,
	Fut jalouse de mes appas,
	Et me rendit affreuse autant que j'étois belle;
	Mais l'excès étonnant de la difformité
	Dont me punit sa cruaut",
	Fera connoître, en dépit d'elle,
	Quel fut l'excès de ma beauté.
	Je ne puis trop montrer sa vengeance cruelle;
	Ma tête est fière encor d'avoir pour ornement
	Des serpents dont le sifflement
	Excite une frayeur mortelle.
	Je porte l'épouvante et la mort en tous lieux;
	Tout se change en rocher à mon aspect horrible:
	Les traits que Jupiter lance du haut des cieux
	N'ont rien de si terrible
	Qu'un regard de mes yeux.
	Les plus grands dieux du ciel, de la terre et de l'onde,
	Du soin de se venger se reposent sur moi:
	Si je perds la douceur d'être l'amour du monde,
	J'ai le plaisir nouveau d'en devenir l'effroi.
	Méduse, Euryale et Sténone
	O le doux emploi, pour la rage,
	De causer un affreux ravage.
	Heureuse la fureur
	Qui remplit l'univers d'horreur!
(Les trois Gorgones entendent un doux concert.)
	Dans ce triste séjour qui peut nous faire entendre
	Le doux bruit qui nous vient surprendre?
	Jamais ici mortel avec impunité
	Ne porta sa vue indiscrette.
	Quels concerts! quelle nouveauté!
	Qui peut chercher l'horreur secrette
	De notre fatale retraite...?
	C'est Mercure qui vient dans cet antre écarté.

SCENE 2

Mercure, Méduse, Euryale, Sténone
Méduse
	Mon terrible secours vous est-il nécessaire?
	De superbes mortels osent-ils vous déplairent?
	Faut-il vous en venger? Fault-il armer contre eux
	Le funeste courroux de mes serpents affreux?
	Où faut-il que ma fureur vole?
	Vous n'avez qu'à nommer l'empire malheureux
	Que vous voulez que je désole.
Mercure
	C'est toujours mon plus cher desir
	De voir tout l'univers dans une paix profonde.
	Ne vous lassez-vous point du barbare plaisir
	De troubler le repos du monde!

Méduse
	Puis-je causer jamais des malheurs assez grands
	Au gré de la fureur qui de mon coeur s'empare?
	C'est des dieus que j'apprends
	A devenir barbare.
Mercure
	Il est vrai q'un fatal courroux
	A trop éclaté contre vous;
	Vous n'avez eu que trop de charmes.
	Sans Pallas, sans ses rigueurs,
	Vous n'auriez troublé les coeurs
	Que par de douces alarmes.
Méduse
	Que sert-il de m'entretenir
	D'un bien trop tôt passé, qui ne peut revenir?
	Je n'en ressens que trop la perte irréparable!
	Ah! quand on se trouve effroyable,
	Que c'est un cruel souvenir
	De songer que l'on fut aimable!
Mercure
	Je ne puis, dans votre malheur,
	Vous offrir qu'un sommeil paisible.
Méduse
	Avec une vive douleur
	Le repos est incompatible.
Mercure
	O tranquille sommeil, que vous êtes charmant!
	Que vous faites sentir un doux enchantement
	Dans la plus triste solitude!
	Votre divin pouvoir calme l'inquiétude
	Vous savez adoucir le plus cruel tourment.
	O tranquille sommeil, que vous êtes charmant!
(aux Gogornes.)
	Jouissez du repos dans ce lieux solitaire.
Les trois Gorgones
	Non, ce n'est que pour la colere
	Que nos coeurs malheureux sont faits:
	Non, le repos ne peut nous plaire;
	Nous y renonçons pour jamais.
	Non, ce n'est que pour la colere, etc.
Mercure, touchant les trois Gorgones de son caducée.
	Il faut céder, il faut vous rendre
	Au charme qui va vous surprendre.
Les trois gorgones
	Il faut nous rendre malgré nous
	Au charme d'un sommeil trop doux.
(Les trois Gorgones s'endorment.)

SCENE 3

Persée, Mercure, les Gorgones, endormies
Mercure
	Persée, approchez-vous; Méduse est endormie.
	Avancez sans bruit; surprenez
	Une si terrible ennemie.
	Si vous osez la voir, c'est fait de votre vie.
Persée
	Je suivrai les conseils que vous m'avez donnés.
Mercure
	Je vous laisse au milieu d'un péril redoutable;
	Je ne puis plus rien pour vos jours;
	Cherchez votre dernier secours
	Dans un courage inébranlable.
Persée
	Un prix qui me doit charmer
	M'est offert par la Victoire:
	Quel péril peut m'alarmer?
	L'amour et la gloire
	S'unissent pour m'animer.
(Mercure se retire, Persée, tenant son bouclier devant ses yeux, 
approche de Méduse; il lui coupe la tête, et la cacha dans 
une écharpe pour l'emporter avec lui.)

SCENE 4

Persée, les Gorgones

Persée
	Le monde est délivré d'un monstre si terrible;
	Le ciel s'est servi de mon bras.
(Euryale et Sténone s'éveillant au bruit de la voix de Persée, 
et courant à l'endroit où elles l'ont entendu parler.)
	Tu fais périr Méduse! ah!, traître! tu mourras..
	Qu'il meure d'un trépas horrible!
(Les deux Gorgones veulent attaquer Persée; mais la vertu 
secrette du casque qu'il porte les empêche de le voir.)
	Mais qui peut le rendre invisible...?
	Méduse après sa mort trouble encor l'univers;
	C'est son sang qui produit tant de monstres divers,
(Chrysaor, Pégase et plusieurs autres monstres de figure bizarre 
et terrible, se forment du sang de Méduse. Chrysaor et Pégasz volent, 
quelques-uns des autres monstres s'élèvent aussi dans l'air, 
quelques autres rampent, les autres courent, et tous cherchent Persée, 
qui est caché à leurs yeux par la vertu du casque.)
Euryale et Sténone
	Monstres, cherchez votre vicitme;
	Vengez le sang qui vous anime,
	Servez nos fureurs, armez-vous;
	Vengeons Méduse; vengeons-nous.

SCENE 5

Mercure, Persée, Euryale, Sténone
Mercure
	Persée allez, volez où l'amour vous appelle...
	Gorgones, désormais vous serez sans pouvoir:
	Ce lieu n'est pas pour vous un séjour assez noir,
	Venez dans la nuit éternelle.
(Persée vole, et emporte la tête de Méduse. Les monstres qui s'efforcent
de la suivre tombent avec Euryale et Sténone dans les enfers, où Mercure
les contraint de descendre.)
Euryale et Sténone
	Des gouffres profonds sont ouverts:
	Ah! nous tombons dans les enfers.

ACTE IV

Le théâtre change, et représente la mer et un rivage bordé de rochers.

SCENE PREMIERE

Phinée, Mérope, troupes d'éthiopiens.
Troupe d'éthiopiens
	Courons, courons tous admirer
	Le vainqueur de Méduse.
Phinée
	Persée est de retour, chacun court l'honorer;
	Et le bonheur public va me désespérer!
	Non, non, il n'est plus temps qu'un vain espoir m'abuse.
Seconde troupe d'éthiopines
	Courons, courons tous admirer
	Le vainqueur de méduse.
Mérope
	Allons en secret soupirer:
	Non, je ne puis plus me montrer, 
	triste comme je suis, interdite et confuse.
Troisième troupe d'éthiopiens
	Courons, courons tous admirer
	Le vainqueur de Méduse.
(Les Ethiopiens sortent.)

SCENE 2

Phinée, Mérope
Phinée
	Nous ressentons mêmes douleurs,
	Fuyons une foule importune:
	D'une plainte commune
	Déplorons nos communs malheurs.
Mérope
	Que l'amour a pour moi de chagrins et d'alarmes.
	Que Persée à mon coeur coûte de déplaisirs!
	Son départ, ses dangers m'ont fait verser des larmes,
	Et son heureux retour m'arrache des soupirs.
	Persée est revenu, mais c'est pour Andromède.
	Pour m'offrir à ses yeux l'ardeur qui me possède
	M'a fait empresser vainement:
	Il n'a rien vu que ce qu'il aime;
	Il n'a pas daigné même
	S'apercevoir de mon empressement,
	Et tous les soins de mon amour extrême
	N'ont pas été payés d'un regard seulement.
Phinée
	Que le ciel pour Persée est prodigue en miracles!
	Qui n'eût pas cru qu'un monstre furieux
	M'auroit débarrassé d'un rival odieux.
	Cependant, malgré mille obstacles,
	Mon rival est vistorieux.
	Il s'est fait des routes nouvelles:
	Il a volé pour hâter son retour;
	Et Mercure et l'Amour
	Ont pris soin à l'envi de lui prêter des ailes.
	Le peuple croit lui tout devoir:
	On entend de son nom retentir ce rivage,
	Le roi s'est empressé d'honorer son courage,
	Chacun jusqu'en ces lieux l'est vennu recevoir.
	Qu'Andromède a paru contente de la voir!
	Quel triomphe pour lui! quel charmant avantage!
	Et pour moi quelle rage,
	Et quel horrible désespoir!
(La mer s'irrite, les flots s'élèvent et s'étendent sur le rivage.)
Phinée et Mérope
	Les vents impétueux s'échappent de la chaîne
	Qui le forçoit d'être en repos.
	Une tempête soudaine
	Souleve les flots...
	Mer vaste, mer profonde,
	Dont les flots sont émus par les vents en courroux,
	Les coeurs amoureux et jaoux
	Sont plus agites que votre onde;
	Les coeurs amoureux et jaloux
	Sont cent fois plus troublés que vous.

SCENE 3

Idas, Phinée, Mérope, troupe d'éthiopiens.
Idas et les éthiopiens
	O ciel inexorable!
	O malheur déplorable!
Phinée et Mérope, à part.
	Qui pourroit traverses ces trop heureux amants?
(Aux éthiopiens)
	D'où naissent vos gémissements?
Idas
	L'implacable Junon cause notre infortune;
	Elle arme contre nous l'empire de Neptun;
	Un monstre en doit sortir, qui viendra dévorer
	L'innocente Andromède;
	Et Thétis et ses soeurs viennent de déclarer
	Qu'il n'est plus permis d'espérer
	De voir finir nos maux sans ce cruel remede.
	Les Tritons ont saisi la princesse à nos yeux;
	Et le pouvoir des dieux
	Nous a rendus tous immobiles.
	C'est sur ces bords qu'au monstre on la doit exposer.
	Pour son secours Persée en vain veut tout oser;
	Ses efforts seront inutiles:
	Il faut céder aux dieux; il faut céder au sort
	Dont Andromède est poursuivie.
	Croyoit-on voir fini une si belle vie
	Par une si terrible mort?
(Les Ethiopiens se placent sur les rochers qui bordent le rivage.)
	Idas et les Ethiopiens
	O sort inexorable!
	O malheur déplorable!
	Princesse infortunée, hélas!
	Vous méritiez un sort plus favorable;
	Vous ne mériteriez pas 
	Un si cruel trépas...
	O sort inexorable!
	O malheur Déplorable!
Phinée
	Les dieux ont soin de nous venger:
	Le plaisir que je sens avec peine se cache.
Mérope
	Verrez-vous sans douleur Andromède en danger?
Phinée
	Est-ce à moi que la mort l'arrache?
	C'est à Persée à s'affliger.
	L'amour meurt dans mon coeur, la rage lui succède;
	J'aime mieux voir un monstre affreux
	Dévorer l'ingrate Andromède,
	Les appas, les douceurs d'une amour mutuelle,
	Sont de mon sort fatal les plus terribles coups;
	Le fils de Jupiter eût été mon époux;
	Ah! que ma vie eût été belle!
	Dieux! qui me destinez une mort si cruelle, etc.
Un triton
	Tremblez, superbe reine...
	Tremblez, mortels audacieux:
	Que votre orgueil apprenne
	Combien votre grandeur est vaine,
	Tremblez, mortels audacieux:
	Redoutez le courroux des dieux.
Cassiope
	Ah! quelle vengeance inhumaine!
Céphée
	Andromède!
Cassiope
	Ma fille!
Andromède
	O cieux!
Cassiope
	Que les dieux sont cruels! qu'ils sont ingénieux
	A faire ressentir leur haine!
Céphée
	Andromède!
Cassiope
	Ma fille!
Andromède
	O cieux!
(Le monstre paroît.)
Céphée, Cassiope, et les éthiopiens
	Le monstre approche de ces lieux,
	Ah, quelle vengeance inhumaine!
Les Néréides et les Tritons
	Tremblez, mortels audacieux, etc.
Andromède
	Je ne vois point Persée, et je flattois ma peine
	Du triste espoir de mourir à ses yeux.
Céphée, Cassiope, et les éthiopiens
	Voyez voler ce héros glorieux.
SCENE 4

Cassiope, Céphée, Troupe d'Ethiopiens, placés sur les rochers.
Cassiope et Céphée
	Ah! quel effroyable supplice!
	Dieux, ô dieux! quelle cruauté!
	Je perds ma fille, hélas!
	Le ciel propice
	Me la donna pour ma félicité,
	Aujourd'huy le Ciel irrité
	Veut qu'un monstre me la ravisse.
	Ciel! que j'ay toujours respecté
	Ne m'avez-vous longtemps conservé la clarté
	Que pour me faire voir cet affreux sacrifice?
	Ah! quel effroyable supplice!
	Dieux, ô dieux! quelle cruauté!
	C'est ma funeste vanité,
	C'est mon crime, grands dieux!
	Qu'il faut que l'on punisse.
	Ma fille n'est pas complice,
	Et vos foudres vengeurs contre elle ont éclaté!
	Dieux! pouvez-vous vouloir qu'Andromède périsse?
	Sa jeunesse ni sa beauté
	N'ont-elles rien qui vous fléchisse?
	La vertu, l'innocence a-t-elle mérité
	Les rigueurs de votre justice?
Céphée
	Ah! quel effroyable supplice!
	Dieux, ô dieux! quelle cruauté!

SCENE 5

Thétis, Andromède, Cassiope, Céphée, troupe de Néréides, 
de Tritons et d'Ethiopiens.
Cassiope et Céphée
Cassiope
	Que par pitié j'obtienne une mort légitime.
	Cruels! n'attachez pas ma fille à ce rocher,
	C'est moy qu'il y faut attacher!
Choeur
	Divinités des Flots,
	Quel courroux vous anime
	Contre une innocente victime?
Cassiope et Céphée
	Divinités des Flots,
	Quel courroux vous anime
	Contre une innocente victime?
Choeur
	C'est notre unique espoir,
	Faut-il vous l'arracher?
	Nos voeux, nos pleurs, nos cris,
	Rien ne vous peut toucher
Cassiope et Céphée
	C'est notre unique espoir,
	Faut-il vous l'arracher?
	Nos voeux, nos pleurs, nos cris,
	Rien ne vous peut toucher
Andromède
	Dieux! qui me destinez une mort si cruelle
	Hélas! pourquoy flattiez-vous 
	De l'espoir d'un destin si doux?
	Vous dont je tiens la vie
	Et vous peuple fidele,
	Jouissez parmi vous d'une paix éternelle,
	Je vais fléchir les dieux irrités contre vous.
	Et si ma mère est criminelle,
	C'est moi qui dois calmer le céleste courroux!
	Par le sang que j'ai reçu d'elle,
	Heureuse de périr pour le salut de tous.
	Un souvenir charmant qu'en mourant je rappelle.
	Les appas, les douceurs d'une amour maternelle
	Sont de mon triste sort les plus terribles coups.
	Le fils de Jupiter eut été mon époux!
	Ah! que mas vie eut été belle!
	Dieux! qui me destinez une mort si cruelle
	Hélas! pourquoi me flattiez-vous
	De l'espoir d'un destin si doux?
	Tremblez! superbe Reine.
	Tremblez! mortels audacieux!
	Que votre orgueil aprenne
	Combien votre grandeur est vaine:
	Tremblez mortels audacieux!
	Redoutez le courroux de Dieux
Choeur des Tritons
	Tremblez mortels audacieux!
	Redoutez le courroux de Dieux
Cassiope
	Ah! quelle vengeance inhumaine!
Céphée
	Andromède!
Cassiope
	Ma fille!
Andromède
	O cieux!
Cassiope
	Que les dieux sont cruels! qu'ils sont ingénieux
	A faire ressentir leur haine!
Céphée
	Andromède!
Cassiope
	Ma fille!
Andromède
	O cieux!
(Le monstre paroît.)
Céphée, Cassiope, et les éthiopiens
	Le monstre approche de ces lieux,
	Ah, quelle vengeance inhumaine!
Les Néréides et les Tritons
	Tremblez, mortels audacieux, etc.

SCENE 6

Persée, en l'air, et les acteurs acteurs de la scène précédente, 
sur le rivage, sur les rochers, et dans la mer.
Andromède
	A s'exposer pour moi c'est en vain qu'il s'obstine.
(Persée vole, et combat le monstre.)
Les Néréides et les Tritons
	Téméraire Persée, arrêtez; respectez
	La vengeance divine.
Céphée, Cassiope, et les éthiopiens
	Magnanime héros, combattez, remportez
	Le prix que l'amour vous destine.
Les Néréides et les Tritons
	Le fils de Jupiter brave notre courroux.
Tous ensemble
	Le monstre expire sous ses coups.
Une Néréide et un Triton
	Junon a vainement cherché notre assistance;
	Nous nous vantions en vain d'achever sa vengeance.
	Et Persée a pour lui des dieux plus forts que nous,
Les Néréides et les Tritons
	Descendons sous les ondes:
	Notre honte se doit cacher;
	Allons chercher
	Des retraites profondes,
	Descendons sous les ondes.
(La mer s'appaise; les flots s'abaissent et se retirent. 
Les Néréides et les Tritons disparoissent.)

SCENE 7

Persée, Andromède, et Céphée
	Le monstre est mort; Persée en est vainqueur;
	Persée est invincible.
(Les éthiopiens répètent ces deux vers, pendant que Persée délie
Andromède.)
Céphée et Cassiope
	Quand l'amour anime un grand coeur,
	Il ne trouve rien d'impossible.
Persée et Andromède
	Ah! que votre danger me paroissoit terrible!
Les éthiopiens
	Le monstre est mort, etc.
(Les éthiopines descendent des rochers, et témoignent leur joie en 
chantant et en dansant. Des matelots et des matelottes se mêlent 
dans la réjouissance publique. Un des éthiopiens chante au milieu 
des matelots qui dansent.)
Un des éthiopiens
	Notre espoir alloit faire naufrage;
	Nous goûtons anfin un heureux sort.
	Quel bonheur d'échapper à l'orage!
	Quel plaisir d'en retracer l'image,
	Quand on est au port!
Céphée
	Honorons à jamais le glorieux héros
	Qui nous donne un heureux repos.
	Sa valeur, à son gré, fait voler la victoire:
	Tour-à-tour la terre et les flots
	Sont le théâtre de sa gloire.
	Honorons à jamais, etc.
(Andromède, Cassiope et les éthiopiens, érpètent les vers que Céphée 
a chantés et les Matelots et les Matelottes dansent en réjouissance 
de la délivrance d'Andromède.)
Un des éthiopiens
	Que n'aimez-vous?
	Coeurs insensibles!
	Que n'aimez-vous?
	Rien n'est si doux!
	Non, ne vous vantez pas d'être invincibles;
	Les dieux, les plus grands dieux, ont aimé tous.
Le choeur
	Que n'aimez-vous, etc.
Un des éthiopiens
	L'amour n'a plus de traits terribles
	Pour un coeur qui cède à ses coups.
Le choeur
	Que n'aimez-vous, etc.
Un des éthiopines
	Pour un amant
	Tendre et fidele;
	Pour un amant
	Tout est charmant.
	L'espoir nourrit ses feux; sa chaîne est belle;
	Il se fait un plaisir de son tourment.
Le choeur
	Pour un amant, etc.
	Une des éthiopiens
	Heureux un coeur qu'amour appelle!
	Malheureux, s'il tarde un moment!
Le choeur
	Pour un amant, etc.

ACTE V

Le théâtre change et représente les lieux préparés pour les noces
de Persée et d'Andromède.

SCENE PREMIERE

Mérope
	O mort! venez finir mon destin déplorable.
	Ma rivale jouit d'un sort trop favorable,
	Et je souffrirois trop, si je ne mourois pas.
	Son bonheur m'a rendu le jour insupportable;
	La nuit affreuse du trépas
	Ma paroit moins épouvantable.
	O mort! venez finir mon destin déporable.
	Hélas! funeste mort, hélas!
	Pour les coeurs fortunés vous êtes effroyable;
	Mais vos horreurs ont des appas
	Pour un coeur que l'amour a rendu misérable.
	O mort! venez finir mon destin déplorable.

SCENE 2

Phinée, Mérope
Phinée
	Ce n'est point à des pleurs qu'il faut avoir recours.
	Junon veut qu'aujourd'hui je me venge avec elle.
	Iris, de son vouloir l'interprete fidelle,
	Vient, par son ordre exprès, de m'offrir son secours.
Mérope
	Du secours de Junon que faut-il qu'on espere?
	Persée a triomphé deux fois de son courroux.
Phinée
	Que ne pourra point sa colere
	Unie à mon transport jaloux?
	Heureux qui peut goûter une douce vengeance!
	C'est l'unique espérance
	Des malheureux amants.
	Pour servir ma fureur on s'arme en diligence.
	Mon rival n'aura pas mon bien pour récompense;
	S'il triomphe de moi, c'est pour peu de moments.
	C'est en vain qu'Andromède a trahi ma constance;
	L'Amour est avec eux en vain d'intelligence;
	Je briserai ses noeuds charmants.
	L'Hymen me livrera l'ingrate qui m'offense;
	Elle a vu ma douleur avec indifférence:
	Je veux être sensible à ses gémissements;
	Et, si je ne puis voir son coeur en ma puissance,
	Je jouirai de ses tourments.
	Heureux qui peut goûter une douce vengeance, etc.!
	Il faut nous éloigner du peuple qui s'avance;
	Ce superbe appareil, ces riches ornements,
	Tout ici de ma rage accroît la violence:
	Allons hâter l'éclat de nos ressentiments.
Mérope et Phinée
	Heureux qui peut goûter une douce vengeance,etc.!
(Ils sortent.)

SCENE 3

Céphée, Cassiope, Persée, Andromède, le grand-prêtre du dieu Hyménée,
Suite du grand-prêtre, troupe de courtisans de Céphée, magnifiquement
parés pour assister aux noces de Persée et Andromède.
Le grand-prêtre
	Hymen! ô doux Hymen! sois propice à nos voeux;
	Viens unir ces amants fideles,
	Viens les rendre à jamais heureux.
	Prends soin de conserver leurs ardeurs mutuelles,
	Allume en leur faveur les plus beaux de tes feux:
	Que leurs coeurs soient comblés de douceurs éternelles;
	Qu'ils soient toujours contents et toujours amoureux.
	Charmant hymen, que tes chaînes sont belles,
	Lorsque l'amour en a formé les noeuds!
	Hymen! ô doux Hymen! sois propice à nos voeux, etc.
(Le choeur répete les trois derniers vers.)
(Les cérémonies du mariage de Persée er d'Andromède que le grand-prêtre
de l'Hyménée et sa suite veulent commencer, sont interrompues 
par Mérope.)

SCENE 4

Mérope, et les acteurs de la scène précédente.
Mérope
	Persée, il n'est plus temps de garder le silence:
	J'avois cru vouloir votre mort;
	Mais mon coeur avec vous est trop d'intelligence,
	Et, prêtre à me venger, je ressens un transport
	Cent fois plus pressant et plus fort
	Que le transport de la vengeance.
	Votre rival approche, il en veut à vos jours:
	Mille ennemis vous environnent.
	Evitez leur fureur, servez-vous du secours
	Que les dieux propices vous donnent.
	Volez ne trouverez plus d'autres chemins ouverts.
Persée
	Armons-nous; punissons plus l'audace des rebelles.
Mérope
	Sauvez-vous; profitez de mes avis fideles:
	C'est à fuir seulement que vous devez songer.
Persée
	Si les dieux m'ont prêté des ailes,
	Ce n'est pas pour fuir le danger.

SCENE 5

Phinée, suite de Phinée, et les acteurs de la scène précédente.
Phinée et sa suite
	Persée, il faut périr; meurs, et laisse Andromède
	Au pouvoir d'un heureux rival!
Céphée, Persée et leur suite
	Perfides! recevez le châtiment fatal
	De la fureur qui vous possede!
Tous les combattants
	Cédez, cédez à notre effort;
	Vous n'éviterez pas la mort.
(Persée, Cépéhe et leur suite poursuivent Phinée et sa suite.)
Cassiope et Andromède
	Quelles horreurs! quelles alarmes!
	Dieux! soyez touchés de mes larmes!
Tous les combattants
	Cédez, cédez à notre effort, etc.
(Les combattants s'éloignent.)

SCENE 6

Céphée, Cassiope, Andromède.
Céphée, à Cassiope
	Le soin de vous défendre en ces lieux me rappelle.
	Craignez tout d'un peuple rebelle;
	Quel sang n'ose-t-il point verser?
	Un trait, que sur Persée on a voulu lancer,
	A frappé votre soeur d'une atteinte mortelle.
	Junon, implacable pour nous,
	Anime les mutins de son fatal courroux.
	Leur rage croît, leur nombre augmente:
	Persée en vain toujours combat avec chaleur.
	Que servent les efforts qu'il tente?
	Le nombre tôt ou tard accable la valeur.

SCENE 7

Persée, suite de Persée; Phinée, suite de Phinée, et les acteurs
de la scène précédente.
Phinée et sa suite.
	Qu'il n'échappe pas, qu'il périsse,
	Cet étranger audacieux
	Qui prétend régner en ces lieux!
	Céphée, Cassiope et Andromède.
	Ciel! ô ciel soyez-nous propice!
Phinée et sa suite
	Qu'il n'échappe, qu'il périsse!
Céphée, Cassiope et Andromède.
	Défendez-nous, ô justes dieux!
Persée, à ceux de son parti.
	Ne craignez rien; fermez les yeux, 
	Je vais punir leur injustice.
(Persée pétrifie Phinée et sa suite, en leur montrant la tête de 
Méduse)
Persée
	Voyez leur funeste supplice.
Céphée, Cassiope et Andromède.
	Quel prodige! quel changement!
Persée
	La tête de Méduse a fait leur châtiment...
	Cessons de redouter la fortune cruelle;
	Le ciel nous promet d'heureux jours;
	Vénus vient à notre secours;
	Elle amene l'Amour et l'Hymen avec elle.
(Le palais de Vénus descend.)

SCENE 7

Vénus, l'Amour, L'Hyménée, Céphée; Cassiope, Andromède, les Graces, 
les Amours, et les Jeux, Troupe de Courtisans de Céphée, Troupe 
d'Ethiopiens et d'Ethiopiennes.
Vénus
	Mortels, vivez en paix; vos malheurs sont finis.
	Jupiter vous protège en faveur de son fils;
	A ce dieu si puissant tous les dieux veulent plaire,
	Et Junon même enfin appaise sa colere.
	Cassiope, Céphée, et vous, heureux époux,
	Prenez place au ciel avec nous.
	Les souverains destins ordonnent
	Que des feux éclatants toujours vous environnent.
(Céphée, Cassiope, Persée,et Andromède, sont élevés dans le ciel,
et des étoiles brillantes les environnent.)
Vénus, L'Amour, l'Hyménée et les Choeurs.
	Héros victorieux, Andromède est à vous;
	Votre Valeur et l'Hymen vous la donnent:
	La gloire et l'Amour vous couronnent;
	Fut-il jamais un triomphe plus doux?
	Héros victorieux, Andromède est à vous.
(Les courtisans de Céphée, les Ethiopiens et les Ethiopiennes 
témoignent leur joie par leurs danses.)
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