CADMUS & HERMIONE PROLOGUE Palès, Melisse, Troupe de Nymphes, Troupe de Pasteurs. Palès Hatez-vous, Pasteurs, accourez. Melisse La voix des Oiseaux nous appelle. Palès Nos coteaux sont dorés. Palès Tout brille de l'éclat de la clarté nouvelle. Melisse Mille fleurs naissent dans nos prez: Palès et Melisse Que l'Astre qui nous luit rend la nature belle! Ne perdons pas un seul moment D'un jour si doux et si charmant. Le choeur repete les deux derniers Vers. Le choeur continue à chanter. Admirons, admirons l'Astre qui nous éclaire, Chantons la gloire de son cours; Que tout le Monde revère Le Dieu qui fait nos beaux jours. Pan, Dieu des Bergers paroit accompagné de Joueurs d'Instrumens Champêtres, et de Danseurs Rustiques, qui viennent prendre part à la réjouissance des Nymphes et des Pasteurs, et tous sensemble commencent à former une manière de fête à l'honneur du Dieu qui donne le jour. Pan Que chacun se ressente De la douceur charmante, Que le Soleil répand sur ces heureux Climats. Il n'est rien qui n'enchante Dans ces lieux pleins d'appas, Tout y rit, tout y chante, Hé pourquoi ne rirons-nous pas? Les danseurs Rustiques qui ont suivi le Dieu Pan, commencent une fête qui est interrompue par des bruits souterrains, et par une espèce de Nuit qui obscurcit le théâtre entièrement, et tout à coup; ce qui de frayeur qui sont une manière de concert affreux, avec les bruits souterrains. Choeurs Quel désordre soudain! quel bruit affreux redoutable! Que épouvantable fracas! Quels gouffres s'ouvrent sous nos pas! Le jour palît, le Ciel se trouble; La Terre va vomir tout l'Enfer en courroux: Fuions, fuions, sauvons-nous, sauvons-nous. Dans cette obscurité soudaine, l'Envie sort de son Antre qui s'ouvre au milieu du Théâtre: elle évoque le monstrueux Serpent Python, qui paroit dans son Marais bourbeux, jettant des feux par la gueule et par les yeux, qui sont la seule lumière qui éclaire le théâtre: elle appelle les Vents les plus impétueux pour seconder sa fureur, elle en fait sortir quatre de ceux qui sont renfermez dans les cavernes souterrianes, et elle en fait descendre quatre autres de ceux qui forment les orages, qui tous après avoir volé et s'être croisés dans l'air, viennent se ranger autour d'elle, pour l'aider à troubler les beaux jours que le Soleil donne au monde. L'Envie C'est trop voir le Soleil briller dans sa Carrière, Les Rayons qu'il lance en tous lieux, Ont trop blessé mes yeux; Venez, noirs ennemis de sa vive lumière, Joignons nos transports furieux. Que chacun me seconde: Paroissez, Monstre affreux. Sortez? VEnts souterrains, des Antres les plus creux, Volez, Tirans des airs, troublez la Terre et l'Onde, Répandons la terreur; Qu'avec nous le Ciel gronde: Que l'Enfer nous réponde; Remplissons la Terre d'horreur: Que la Nature se confonde: Jetons dans tous les coeurs du monde La jalouse fureur Qui déchire mon coeur. L'Envie distribue des Serpents aux Vents, qui forment autour d'elle de manières de tourbillons. L'envie continue à chanter. Et vous Monstre, armez-vous pour nuire A cet astre puissant qui vous a sçeu produire: Il répand trop bien, il reçoit trop de voeux. Agitez vos marais bourbeux: Excitez contre lui mille vapeurs mortelles: Déployez, étendez vos ailes, Que tous les Vents impétueux(...) Ces vents forment de nouveaux tourbillons, tandis que le serpent Python l'élève en l'air, par un rond qu'il fait en volant. L'Envie continue. Osons tous obscurcir ses clartés les plus belles, Osons nous opposer à son cours trop heureux: Quels traits ont crevé le Nuage? Quel Torrent enflammé s'ouvre un brillant passage! Tu triomphes,Soleil? tout cède à ton pouvoir? Que d'honneurs tu vas recevoir! Ah quelle rage! Ah quelle rage! Quel désespoir! quel désespoir! Des traits enflammés percent l'épaisseur des Nuages, et fondent sur le Serpent Python, qui après s'être débattu quelque temps en l'Air, tombe enfin tout embrasé dans Marais bourbeux; une pluie de feu se répand sur toute la scène, et contraint l'EZnvies de s'abîmer avec les quatre Vents souterrains, tandis que les Vents de l'Air s'envolent, et dans le même instant les Nuages se dissipent et le Théâtre devient entièrement éclairé. L'Assemblée champêtre que la fraieur avoit chassée revient, pour celebrer la Victoire du Soleil, et pour lui préparer des Trophées, et des Sacrifices. Palès Chassons la crainte qui nous presse. Melisse Rien ne doit plus faire peur. Pan Le Monstre est mort, l'orage cesse, Le soleil est vainqueur. Le Choeur répète. Le monstre est mort, l'orage cesse, Le soleil est vainqueur. Palès Qu'on lui prépare De superbes Autels. Melisse Que l'on pare D'ornements immortels. Le Choeur Conservons la mémoire De sa victoire. Par mille honneurs divers, Répandons le bruit de sa gloire Jusqu'au bout de l'univers. Palès Mais le soleil s'avance, Il se découvre aux yeux de tous. Le Choeur Respectons sa présence Par un profond silence, Ecoutons, taisons-nous. Le soleil, sur son char. Ce n'est point par l'éclat d'un pompeux sacrifice, Que je me plais à voir mes soins recompensez; Pour prix de mes Travaux ce me doit être assez, Que chacun en jouisse; Je fais les plus doux de mes voeux De rendre tout le monde heureux. Dans ces lieux fortunez, les Muses vont descendre, Les jeux galants suivront leurs pas; J'inspire les chants plein d'appas Que vous allez entendre: Tandis que je suivrai mon cours, Profitez des beaux jours. Le soleil s'élève dans les Cieux, et toute l'Assemblée champêtre forme des jeux, où les chansons sont mêlées avec les danses. Le choeur Profitons des beaux jours. Palès Suivons tous la même envie. Le choeur Profitons des beaux jours. Melisse Aimons, tout nous y convie. Le Choeur Profitons des beaux jours. Palès Les plus beaux jours de la vie Sont perdus sans les Amours. Le Choeur Profitons des beaux jours. Tandis que les Nymphes et les Dieux champêtres dansent avec les bergers et les bergères, Palès, Melisse et Pan, mêlent leurs voix avec les instruments rustiques. Palès, Melisse et Pan (ensemble) Heureux qui peut plaire! Heureux les amants! Leurs jours sont charmants: L'Amour sçait leur faire Mille doux moments. Que sert la jeunesse Aux coeurs sans tendresse? Qui n'a point d'amour N'a pas un beau jour. Second couplet En vain l'Hiver passe, En vain dans les champs Tout charme nos sens, Une âme de glace N'a point de Printemps. Il faut se défaire d'un coeur trop sévère, Qui n'a point d'Amour N'a pas un beau jour. Archas un des Dieux des Forêts chante, et tous les instruments et toutes les voix lui répondent, tandis que l'Asseemblée champêtre danse, et se joue avec des branches de chêne, dont elle forme plusieurs figures agréables. Archas Peut-on mieux faire, Quand on sçait plaire, Peut-on mieux faire Que d'aimer bien; Quelque embarras que l'Amour fasse C'est toujours un charmant lien; Trop de repos bien souvent embarrasse, Que fait-on d'un coeur qui n'aime rien? Second couplet L'Amour contente, Sa peine enchante, L'Amour contente, Tout en est bon. dans les beaux jours de notre vie Les plaisirs sont dans leur saison, Et quelque peur d'amoureuse folie Vaut souvent mieux que trop de raison. ACTE I Scène 1 Cadmus, deux princes Tiriens, un page. Le théâtre change et représente un jardin. Premier Prince Tirien Quoi, cadmus, fils d'un roi qui tient sous sa puissance Les bords féconds du Nil et les Climats brûlez; Cadmus, après deux ans loin de Tir écoulez, Etranger chez les grecs, n'a point d'impatience De revoir un Pays dont il est l'espérance? Et laisse sans regrets tant de coeurs désolez? Les deux princes tiriens (ensemble) Nous suivons vos destins par tout sans résistance: Faudra-t-il que toujours nous soyons exilés? Cadmus J'aimerois à revoir les lieux de ma naissance; Mais avant que je puisse en goûter la douceur, J'ai juré d'achever une juste vengeance. Premier Prince Tirien Et cependant, Seigneur, Vous laissez en ces lieux languir vôtre grand coeur. Cadmus Après avoir erré sur la Terre et sur l'Onde Sans trouver Europe ma Soeur; Après avoir en vain cherché son ravisseur, Le ciel termine ici ma course vagabonde; Et c'est pour obéir aux oracles des Dieux Qu'il faut m'arrêter en ces lieux. Premier Prince Tirien Si vous trouvez des Dieux dont l'ordre vous engage A choisir ce séjour; Le dieu que votre coeur consulte davantage Est peut-être l'Amour. Deuxième Prince Tirien Seroit-il possible Qu'un héros invincible Eût un coeur qu'Amour sçut charmer? cadmus Quel coeur n'est pas fait pour aimer? Et pour être un héros doit-on être insensible? Que sert contre Hermione un courage indompté? Qui peut n'en pas être enchanté? Le Dieu Mars est son père, Elle en a la noble fierté; La mère d'Amour est sa mère, Elle en a la beauté. Premier prince tirien A quoi sert un amour qui n'a point d'espérance; Hermione est sous la puissance. Cadmus C'est un affreux géant, c'est un monstre odieux. Deuxième prince tirien Il est du sang de Mars, ce Dieu le favorise, Et c'est enfin à lui qu'Hermione est promise: Nul autre des mortels n'en doit être l'époux; Et si vous en tentez la fatale entreprise, La Terre avec le Ciel s'armera contre vous. Cadmus Hé bien je périrai si le destin l'ordonne, Je veux délivrer Hermione: Et si je l'entreprends en vain, Je ne saurois périr pour un plus beau dessein. Scène 2 Cadmus, Arbas, les deux Princes, le Page Cadmus Où sont nos afriquains? que leur troupe s'avance: La Princesse veut voir leur plus galante danse. D'où vient qu'aucun d'eux ne paroit? Arbas Vos ordres sont suivis, seigneur, et tout est prêt! Mais le Tiran s'est mis en tête Qu'il faut que ses géans dansent dans cette fête. Cadmus Comment faire mouvoir les colosses affreux! Arbas Quand on lui dit, Comment? Il répond, je le veux, Ces grands Hommes pleins de chimeres Sont d'un raisonnement fâcheux, Et fiers d'être au dessus des Hommes ordinaires Pensent que la raison doit être au dessous d'eux; Je n'ai pû garder des mesures, J'ai pesté contre lui, j'ai vomi des injures, Je l'ai nommé Tiran, cent fois. Cadmus On doit toujours respect aux rois. Arbas Eut-il dû m'étrangler, je n'aurois pû me taire: J'étois trop en colère; Si je n'avois rien dit, J'aurois étouffé de dépit. Cadmus Contentons le Géant, il est ici le maître; Hermione est soumise à son cruel pouvoir: Ce divertissement, tel enfin qu'il puisse être, Me vaudra quelque temps le plaisir de la voir. S'il ne m'est pas permis de lui parler moi-même Et d'oser lui dire que je l'aime; Du moins nos Afriquains, par leurs chants les plus doux Pourront l'entretenir de mon amour extrême, En dépit d'un Rival jaloux. Préparons tout en diligence, Hâtons-nous , la princesse avance. Arbas Allons. Cadmus Toi ne suis point mes pas, Je vais voit le géant, il faut que tu l'évites. Arbas Non, non, nous n'aurons point de bruit si d'embarras Pour les injures quej'ai dites, Je les disois si bas Qu'il ne m'entendoit pas. Scène 3 Hermione, Charite, Aglante, La Nourrice d'Hermione, un page. Hermione Cet aimable séjour Si paisible et si sombre, Offre du silence et de l'ombre A qui veut éviter le bruit, et le grand jour. Ah! que n'est-il aussi facile De trouver un asile Pour éviter l'Amour! L'Impitoyable Tyrannie, Dont je suis les barbares Loix, Ne défend pas d'aimer le chant et l'harmonie: Vous qui me faites compagnie Répondez à ma voix. Agalante On a beau fuir l'Amour, on ne peut l'éviter, On n'oppose à ses traits qu'une défense vaine, On s'épargne bien de la peine, Quand on se rend sans résister. Charite La peine d'aimer est charmante, Il n'est point de coeur qui s'exempte De payer ce tribut fatal. Si l'Amour épouvante Il fait plus de peur que de mal. La Nourrice Quel choix est en vostre puissance? Songez à quel époux le Ciel vous veut unir. Hermione Je frémis quand j'y pense, Pourquoi m'en fais-tu souvenir? La Nourrice Vous êtes sans espoir du côté de la Terre: Le roi qui vous retient dans ce charmant séjour, A pour lui le Dieu de la Guerre; Il a rassemblé dans sa Cour Les restes des Géants échappés du Tonnerre. Gardez-vous pour Cadmus d'un malheureux amour, Le don de votre coeuur lui coûteroit le jour. Hermione Ah! Quelle cruauté de vouloir me contraindre A ce choix odieux que je ne puis souffrir! La Nourrice Tout le monde vous trouve à plaindre, Personne cependant n'ose vous secourir. Aglante Voici les Afriquains, mais les géants les suivent; Hermione Quoi par tous les Géants? Quoi toujours nous troubler? Charite C'est d'ordinaire ainsi que les plaisirs arrivent; Quelque chagrin fâcheux s'y vient toujours mêler. Scène 4 Hermione, Charite, Aglante, Le Nourrice, Cadmus, deux princes tiriens, treize Afriquains dansants et jouants de la guitare. Messieurs Beauchamps seul, Favier l'aîné, Lestang, Faüre, Magny, Favier Cadet, Joubent, noblet, Foignac cadet. Afriquains joüans de la guitare: Messieurs Mayeux, Chicanneau, Peyan, Bonard. Deux autres Afriquains chantant: Arbas, le géant, Quatre autres géants, trois pages. Un des Afriquains plante un grand Palmier au milieu du Théâtre: cet arbre est orné de plusieurs festons et guirlandes: les quatres géants se mêlent avec les Afriquains, et forment ensemble une danse mêlée de chansons. Arbas (chante avec les deux Afriquains) Suivons, suivons l'Amour, laissons-nous enflammer, Ah! Ah! Ah! qu'il est doux d'aimer! Premier Afriquain Quand l'Amour vous l'ordonne, Souffrons les rigueurs, Chérissons les langueurs, Il n'exempte personne De ses traits vainqueurs; Quel péril nous étonne? Laissons trembler les faibles coeurs. Arbas et les deux Afriquains suivons, suivons l'Amour, laissons-nous enflammer, Ah! Ah! Ah! qu'il est doux d'aimer! Deuxième Afriquains chantans Deux Amants peuvent feindre Quand ils sont d'accord; Plus l'Amour trouve à craindre, Plus il fait d'effort; On a beau le contraindre, Il en est le plus fort. Arbas et deux Afriquains Suivons, suivons l'Amour, laissons-nous enflammer, Ah! Ah! Ah! qu'il est doux d'aimer! Tous trois ensemble On n'a rien de charmant Aisément, Et sans alarmes: Mais tout plaît, en aimant, il n'est point de tourment Qui n'ai des charmes: Suivons, suivons l'Amour, laissons-nous enflammer, Ah! Ah! Ah! qu'il est doux d'aimer! Après l'entrée, Hermione se lève de la place où elle étoit assise près du géant, qui la suit et l'arrête dans le temps qu'elle se veut retirer. Le géant Il est temps de finir ma peine Après tant d'injustes refus. Où voulez-vous aller? vous fuyez, inhumaine? Hermione J'étois pour voir ici quelques danses Afriquaines, Les Afriquains ne dansent plus? Le géant Rien ne doit plus m'être contraire: Mars est pour moi, c'est votre Père, C'est lui qui veut unir votre coeur et le mien. Hermione Je suis soeur de l'Amour, et Vénus est ma mère, S'ils ne sont pas pour vous, les contez-vous pour rien? Le géant Il faut que votre destinée Suive l'ordre du Dieu dont vous tenez le jour; Et toujours l'hyménée Ne prends pas l'avis de l'Amour. Vous craignez les raisons dont je puis vous confondre? Vous ne m'écoutez pas? voulez-vous m'éviter? Hermione Quand on n'a rien à répondre, A quoi sert-il d'écouter? Le géant Je vous suivrai partout malgré votre colère, sans cesse à vos regards je veux me présenter; Et si ce n'est pas pour vous plaire, Ce sera pour vous tourmenter. Scène 5 Cadmus, deux princes tiriens, un page Cadmus C'est trop l'abandonner à ce cruel supplice: Il est temps d'éclater, Et d'oser tout tenter Contre tant d'injustice. Premier prince tirien C'est exposer vos jours à d'horribles hasards, Vous aurez à dompter l'affreux dragons de Mars. Deuxième prince tirien Il faut semer ses dents, et voir soudain la Terre En former des soldats pour vous faire la guerre. Les deux princes tiriens (ensemble) Voyez à quels dangers vous allez vous offrir. Cadmus Je ne vois qu'Hermione, et je la vois souffirf: Tout cède à cette horreur extrême; Il est moins affreux de mourir Que de voir souffrir ce qu'on aime. Rien ne me peut épouvanter: Malgré tant de périls, l'Amour veut que j'espère. Scène 6 Junon, Pallas, cadmus, les deux princes. Junon (sur son char) Où cours-tu te précipiter? C'est l'épouse et la soeur du maître du tonerre, La mère du Dieu de la guerre, C'est Junon qui vient t'arrêter. Pallas (sur son char) Va, Cadmus, que rien ne t'étonne, Va, ne crains ni Junon, ni le Dieu des Combats: Ose secourir Hermione, Tu vois dans ton parti la guerrière Pallas, Cours aux plus grands dangers, je vais suivre tes pas, C'est Jupiter qui me l'ordonne. Junon Pallas pour les amants ne déclare en ce jour; Qui l'auroit jamais osé croire? Pallas Qui peut être contre l'Amour Quand il s'accorde avec la gloire? Junon Evite un courroux dangereux. Pallas Profite d'un avis fidèle. Junon Fuis un trépas affreux. Pallas Cherche dans les périls une gloire immortelle. Cadmus Entre deux déïtés qui suspendent mes voeux, Je n'ose résister à pas une des deux, Mais je suis l'Amour qui m'appelle. Junon Je poursuivrai tes jours. Pallas Je vole à ton secours. Junon et Pallas sont enlevées sur leurs chars. Acte II Scène 1 Arbas, Charite. Le théâtre change, et représente un Palais. Arbas Il est trop vrai, Cadmus veut entreprendre De remettre Hermione en pleine liberté: Il l'a dit au tiran, et je viens de l'entendre! Charité Et que dit le géant? n'est-il point irrité? Arbas il rit de sa témérité, Mon maître doit voir la Princesse Avant d'attaquer le dragon furieux qui veille pour garder ces lieux; Et l'Amour qui pour toi me presse Veut que je vienne aussi te faire mes adieux. En te voyant, belle Charite, J'avois cru que l'Amour fût un plaisir charmant; Mais lors qu'il faut que je te quitte, J'éprouve qu'il n'est point un plus cruel tourment. La douleur me saisit, je ne puis plus rien dire; Quand je pleure, quand je soupire, Tu ris, et rien n'émeut ton coeur indifférent? Charite Tu fais la grimace en pleurant, Je ne puis m'empêcher de rire. Arbas La pitié, tout au moins, devroit bien t'engager A prendre quelque part à mes ennuis extrêmes. Charite S'il est bien vrai que tu m'aimes, Pourquoi veux-tu m'affliger? Arbas Pour soulager mon coeur du chagrin qui le presse, Te coûteroit-il tant de l'affliger un peu? Charite C'est un poison que la tristesse, L'Amour n'est plus plaisant dès qu'il n'est plus un jeu. Arbas On console un Amant des rigueurs de l'absence Par des tendres adieux. Charite Quand il faut se quitter, un peu d'indifférence Console encore mieux. Arbas Tu me l'avois bien dit, qu'il étoit impossible Que ton barbare coeur perdit sa dureté. Charite Au moins si tu te plains de me voir insensible, Tu dois être content de ma sincérité; Puisqu'enfin pour te satisfaire Je ne puis pleurer avec toi; Si tu voulois me plaire Tu rirois avec moi. Arbas C'est trop railler de mon martire, Le dépit m'en doit délivrer; N'est-on pas bien fou de pleurer Pour qui n'en fait que rire? Charite Guéris-toi, si tu peux, J'approuve ta colère; Quand on désespère Un coeur amoureux; C'est par un dépit heureux Qu'il faut se tirer d'affaire. Chartie et Arbas ensemble Quand on désespère un coeur amoureux; C'est pas un dépit heureux Qu'il faut se tirer d'affaire. Arbas Mais la nourrice vient, il me faut éloigner. Charite Tu sais que tu lui plais, la veux-tu dédaigner? C'est une conquête assez belle. Arbas Si je lui plais, tant pis pour elle. Scène 2 La nourrice, Arbas, Charite La Nourrice Quoi! dès que je parois, tu fuis au même instant? Lorsqu'on a des amis, est-ce ainsi qu'on les quitte? Arbas Le temps presse, et Cadmus m'attends. La Nourrice Quand tu parlois seul à Charite, Le temps ne te pressoit pas tant: Quel charme a-t-elle qui t'attire? Qu'ai-je qui te fait en aller? Arbas J'avois à lui parler, Je n'ai rien à te dire. Je dois suivre Cadmus, nous partons de ce lieu. La Nourrice Me dire adieu, du moins, est une bienséance Dont rien ne te dispense. Arbas Je te dis donc adieu. Scène 3 La Nourrice, Charite La Nourrice Il me quitte, l'ingrat, il me fuit, l'infidèle! Ne crains pas que te rappelle! Va, cours, je te laisse partir: Va, je n'ai plus pour toi qu'une haine mortelle: Puisses-tu rencontrer la mort la plus cruelle, Puisse le dragon t'engloutir. Charite Crois-moi, modère L'éclat de ta colère; Un dépit qui fait tant de bruit Fait trop d'honneur à qui nous fuit. La Nourrice Ah! vraiment je vous trouve bonne? est-ce à vous, peite Mignonne, De reprendre ce que je dis? Attendez l'âge Où l'on est sage, Pour donner des avis. Charite Je suis jeune, je le confesse, trouves-tu ce défaut si digne de mérpis? N'a-t-on point de bons sens qu'en perdant la jeunesse? Il seroit bien cher à ce prix. La Nourrice Le temps doit mûrir les esprits, Et c'est le fruit de la vieillesse. Charite il n'est pas sûr que la sagesse Suive toujours les cheveux gris. La Nourrice Je souffre peu que l'on me blesse: Par des discours piquants Prétends-tu m'insulter sans cesse? Charite Je respecte trop tes vieux ans. Mais Cadmus, et la Princesse, Viennent dans ces lieux; Ne troublons pas leurs adieux. Scène 4 Cadmus, Hermione cadmus Je vais partir, belle Hermione, Je vais exécuter ce que l'Amour m'ordonne, Malgré le péril qui m'attend: Je veux vous délivrer, ou me perdre moi-même; Je vous vois, je vous dit enfin que je vous aime, C'est assez pour mourir content. Hermione Pourquoi vouloir chercher une mort trop certaine? Eh! que peut la valeur humaine Contre le dieu Mars en courroux? Voyez en quels périls vostre Amour nous entraîne! J'aurois mieux aimer vostre haine: Ah! Cadmus; pourquoi m'aimez-vous? Cadmus Vous m'aimez, il suffit, ne soyez point en peine? Mon destin, tel qu'il soit ne peut être que doux. Hermione Vivons pour nous aimer, et cesser de poursuivre Le funeste dessein que vous avez formé: il doit être bien doux de vivre, Lorsqu'on aime, et qu'on est aimé. Cadmus Sous une injuste loi je vous voie asservie, Seroit-ce vous aimre que le pouvoir souffrir? Lorsque pour ce qu'on aime on s'expose à périr, La plus affreuse mort a de quoi faire envie. Hermione Mais vous ne songez pas qu'il y va de la vie: Faut-il que pour mes jours vous soyez sans effroi: Je vivrais sous l'injuste loi où mon cruel destin me livre. Mais si vous périssez pour moi, Je ne pourrai pas vous suivre. Cadmus J'ai besoin de secours, voulez-vous m'accabler? Ah! Princesse, est-il temps de me faire trembler? Hermione Soyez sensible à mes alarmes! Cadmus Je ne sens que trop vos douleurs. Hermione Partirez-vous malgré mes pleurs? Cadmus Il faut aller tarir la source de vos larmes. Hermione Quoi, vous m'allez quitter? Cadmus Je vais vous secourir. Hermione Ah! vous allez périr! Vous cherchez une mort horrible; mon amour me dit trop que vous perdez le jour. cadmus L'Amour que j'ai pour vous ne croit rien d'impossible: Il me flatte en partant d'un bienheureux retour. Hermione et Cadmus (ensemble) Croyez en mon amour, Vous n'écoutez point ma tendresse, Rien ne vous retient? Cadmus Le temps presse. Ensemble Au nom des plus beaux noeuds que l'Amour ait formés, Vivez, si vous m'aimez. Cadmus Espérons. Hermione tout me désespère. Que je me veux de mal d'avoir trop sçû vous plaire! Ensemble Qu'un tendre amour coûte d'ennuis! Hermione Vous fuyez? Cadmus Il le faut. Hermione Demeurez? Cadmus Je ne puis, Je m'affaiblis plus je diffère; Il faut m'arracher de ce lieu. Hermione Ah! Cadmus! Cadmus et Hermione (ensemble) Adieu. Scène 5 Hermione Amour, vois quels maux tu nous fais, Où sont les biens que tu promets; N'as-tu point pitié de nos peines? Tes rigueurs les plus inhumaines Seront-elles toujours pour les plus te,dres coeurs? pour qui, cruel Amour, gardes-tu tes douceurs? Scène 6 L'Amour, Hermione L'Amour (sur un nuage) Calme tes déplaisirs, dissipe tes alarmes, L'Amour vient essuyer tes larmes, Il n'abandonne pas ceux qui suivent ses loix. Souviens-toi que tout m'est possible: Que rien à mon abord ne demeure insensible, Que pour la divertir tout s'anime à ma voix. Des statues d'or sont animées par l'Amour et sautent de leur pié-d'estaux pour danser. L'Amour Cessez de vous plaindre Amants, vous devez ne rien craindre, Si vous souffrez, vostre prix est charmant. Après des rigueurs inhumaines On aime sans peines On rit des jaloux; Un bien plein de charmes Qui coûte des larmes, En devient plus doux. Tout doit rendre hommage A l'Empire amoureux; Il faut tôt ou tard qu'on s'engage, Sans rien aimer on ne peut être heureux, Après des rigueurs inhumaines, etc... L'amour reprend sa place sur le nuage qui l'a apporté. Les statues se remettent sur leurs Pié-d'estaux, tandis que dix petits amours d'or, qui tiennent des corbeilles pleines de fleurs, sont à leur tour animés par l'Amour, et viennent par son ordre jeter des fleurs en volant autour d'Hermione. L'Amour Amours, venez semer mille fleurs sous ses pas. Hermione Laissez-moi ma douleur, j'y trouve des appas. Dans l'horreur d'un péril extrême, Est-ce là le secours que l'on me doit offrir? Peut-être ce que j'aime Est tout prêt de périr. L'Amour s'envole au milieu des dix Amours. Je vais le secourir. Acte III Scène 1 Les deux Princes tiriens, Arbas, deux Afriquains. Le théâtre change et représente un désert et une grotte. Premier prince tirien Tu détournes bien tes regards? deuxième prince tirien As-tu peur du dragon de Mars? Arbas La défiance est nécessaire, Il est bon de prévoir un facheux accident, On ne doit point marcher ici en téméraire. Premier prince tirien C'est très bien fait d'être prudent. Arbas Je suis hardi quand il faut l'être; Si quelqu'un en doutoit, il pourroit le connoitre. Deuxième prince tirien Qui voudroit s'attaquer à toi? Premier prince tirien On te croit vaillant sur ta foi. Mais la couleur de ton visage Répond mal à ta valeur! Arbas Est-ce par la couleur Que l'on doit juger du courage? Deuxième prince tirien Que tes sens paroissent troublés! Tu trembles? Arbas C'est qu'il vous le semble: Chacun croit que l'on lui ressemble, C'est peut-être vous qui tremblez? Que maudit soit l'Amour funeste Qui nous fait tant souffrir dans ce malheureux jour! On se soulage quand on peste, Et l'on ne sçauroit trop pester contrez l'Amour. Les deux princes et Arbas, ensemble. Gardons-nous bien d'avoir envie D'être jamais amoureux: De tous les maux de la vie L'Amour est le plus dangereux. Premier prince tirien Cadmus veut essayer de rendre Mars propice, C'est ici qu'il prétend offrir un sacrifice. Deuxième prince tirien Pour de soins différents il faut nnous séparer. Les princes (ensemble) Allons nous préparer. Scène 2 Arbas, deux Afriquains Arbas Acquittons-nous des soins où Cadmus nous engage. Quel bruit! non, ce n'est rien, courage amis, courage! Qu'on a peine à donner du courage en tremblant Il ne tient pas à moi que je ne sois vaillant, Je tâche au moins de le paroitre; Je ne suis pas le seul qui se pique de l'être, Et qui n'en fait que le semblant. Il faut puiser de l'eau pour la cérémonie; Avancez, je vous suis. Quel dragon furieux! Les deux Afriquains O Dieux! O Dieux! Dans le temps que les deux Afriqauins veulent puiser de l'eau, le Dragon s'élance sur eux, et les entraîne. Arbas Ah! c'est fait de ma vie. N'est-il point d'arbres, ou de Rocher, Qui s'entrouve pour me cacher? Scène 3 Cadmus, Arbas Cadmus Où vas-tu? Arbas Le Dragon. Cadmus Hé bien? Arbas Ah! mon cher maître... Cadmus Parle donc? Arbas Le Dragon... Cadmus Où le vois-tu paroître Je regarde partout, et je n'aperçois rien. Arbas Quoi le dragon nous suit? mais regardez bien? Cadmus Où sont les compagnons? qui t'oblige à te taire? Tu parois interdit d'effroi? Arbas Seigneur, vous jugez mal de moi, Si je suis interdit, ce n'est que de colère. Mes pauvres compagnons! hélas! Le dragon n'en a fait qu'un fort léger repas. Cadmus Allons il faut que je les venge. Arbas Quelle hâte avez-vous que le Dragon vous mange? Laissez-le se cacher. Ah! le voilà qui sort! Au secours! Au secours! je suis mort! je suis mort! O ciel! Où sera mon asile? La frayeur me rend immobile; Je ne sçaurois plus faire un pas: Ah! cachons-nous, ne soufflons pas. Arbas se cache et Cadmus combat contre le dragon. Cadmus (après avoir tué le dragon) Il ne faut plus que je diffère D'engager le Dieu Mars à calmer sa colère; Si je puis l'adoucir, rien ne peut me troubler. Mes gens sont écartés, il faut les rassembler. Scène 4 Arbas, sortant de l'endroit où il étoit caché. Le Dragon assouvi de sang et de carnage, S'est enfin retiré dans quelque Antre sauvage: Tout est calme en ces lieux, et je n'entends plus rien. Je sens revenir mon courage, Allons conter partout le trépas de mon maître Que je plains son funeste sort! Allons, mais que vois-je paraître! Le Dragon étendu! ne fait-il point le mort? Non, je le vois percé, son sang coule, ah! le traître! Je ne puis sontre lui retenir mon courroux, Et je lui veux donner au moins les derniers coups. Arbas met l"p"e à la main et va percer le Dragon, qui fait encore quelque mouvement qui oblige Arbas de retourner sur le devant du théâtre. Scène 5 Les deux princes tiriens, Arbas Premier prince tirien Quoi l'épée à la main! que faut-il entreprendre? Deuxième prince tirien De quel péril es-tu pressé? Les deux princes ensemble. Nous aurons soin de te défendre. Arbas Vous venez un peu part, le péril est passé. Les deux princes Que voyons nous! qui l'eût pû croire? Quoi le Dragon est abbattu! Arbas Nous en avons sans vous remporter la victoire. Premier prince tirien As-tu part à sa gloire? Arbas Eh, nous n'étions pas loin quand il a combattu. Les deux princes Conte-nous ce combat. Arbas J'en suis si hors d'haleine. Que je ne puis encore m'exprimer qu'avec peine. Il est bon d'essuyer ce fer ensanglanté, De crainte qu'il ne soit gâté. Les deux princes Ah! quels chagrins pour nous de manquer l'avantage De signaler notre courage! Arbas Tous ces chagrins, et ces regrets Sont des soins qui ne coûtent guère, Quand on ne voit plus rien à faire On fait le brave à peu de frais. Premier prince tirien On prend peu garde à toi; Cadmus nous rend justice, Mais il vient, rangeons-nous pour voir le sacrifice. Scène 6 Cadmus, les deux princes tiriens, Arbas, le Grand Sacrificateur, seize sacrificateurs chantants. Le grand sacrificateur Mars! ô toi qui peux Déchaîner quand tu veux Les fureurs de la guerre, O mars! reçois nos voeux. Le grand Sacrificateur. Ton funeste courroux n'est pas moins dangereux Que l'éclat fatal du tonnerre: O Mars! reçois nos voeux. Le choeur des sacrificateurs O Mars! reçois nos voeux. Le Grand sacrificateur Les combats sanglants sont tes jeux; Tu sçais, quand il te plaît, remplir toute la Terre De ravages affreux. O Mars reçois nos voeux. Le Choeurs O Mars! reçois nos voeux. Les sacrificateurs chantants demeurent prosternés, les sacrificateurs dansants font cependant une entrée au son des timbales et au bruit des Armes, après quoi les sacrificateurs chantants se relèvent et chantent. Le Grand sacrificateur Mars redoutable! Mars indomptable! O Mars! ô Mars! ô Mars! Le choeur Mars redoutable! Mars indomptable! O Mars! ô Mars! ô Mars! Le grand sacrificateur O Mars impitoyable: Est-il révocable Que ta haine implacable Accable Une âme inébralable Au milieu des hasards. Le choeur O Mars! ô Mars! ô Mars! Mars redoutable! Mars indomptable! O Mars! ô Mars! ô Mars! Le grand sacrificateur Que les tumultes des alarmes, Que le bruit, que le choc, que le fracas des Armes, Retentisse de toutes parts. Le choeur O Mars! ô Mars! ô Mars! Mars redoutable! Mars indomptable! O Mars! ô Mars! ô Mars! Le grand sacrificateur Qu'on fasse approcher la victime: Puisse-t-elle calmer le courroux qui t'anime, Et n'attirer sur nous que tes doux regards. Le choeur O Mars! ô Mars! ô Mars! Mars redoutable! Mars indomptable! O Mars! ô Mars! ô Mars! Scène 7 Mars paroit sur son char, et interrompt les sacrificateurs. Mars C'est vainement que l'on espère Que d'inutiles voeux apaisent ma colère; Je ne révoque point mes loix. Si Cadmus veut me satisfaire Qu'il achève, s'il peut, de mériter mon choix! Un vain respect ne peut me plaire, On ne satisfait MArs que par de grands exploits. Vous, que l'enfer a nourries Venez, cruelles Furies, Venez, brisez l'Autel en cent morceaux épars! Le Choeur O Mars! ô Mars! ô Mars! Quatre Furies descendent qui brisent l'Autel, et s'envolent ensuite, tenant chacune un tison du sacrifice à la main. Le char de Mars tourne dans un même temps, et l'emporte au fonds du théâtre, où l'on le perd de vue, et tous les sacrificateurs et les assistants se retirent, criant, ô Mars! Acte IV Scène 1 Cadmus, Arbas Le théâtre change, et représente le Champ de Mars. Cadmus Voici le Champ de Mars, il faut que sans remise J'achève ici mon entreprise; J'ai les dents du dragonn et je vais les semer. Arbas Ce sont des ennemis que vous verrez former. Tant de soldats armés vont naître, Que vous serez d'abord accablé de leurs coups; Et vous ne songez pas peut-être, Que vous n'avez ici que moi seul avec vous. cadmus Je ne veux exposer personne Au péril où je m'abandonne; Je dois combattre seul, et ne retiens que toi: Tu connais mon amour, je suis sûr de ta foi, Je veux bien que tu sois le dernier qui me quitte. Arbas Seigneur, vous m'honnorez plus que je ne mérite: Cadmus Si je ne fais qu'un vain effort, Accompli ce que je t'ordonne: Sitôt que tu sçauras ma mort, Hâtes-toi de voir Hermione: Va, porte-lui mes derniers voeux. Qu'elle vive, il suffit de plaindre un malheureux. Qu'elle ait soin de garder le souvenir fidèle D'une flamme si belle; C'est l'unique prix que je veux De ce que j'aurai fait pour elle. Je ne prétends plus t'arrêter. Laisse-moi. Arbas Faut-il vous quitter? Cadmus Je le veux: obéis. Arbas Ah! quelle violence, Seigneur exigez-vous de mon obéissance. Scène 2 L'Amour, Cadmus L'Amour (sur un nuage brillant) Cadmus reçoit le don que je viens t'apporter! C'est l'ouvrage du Dieu qui forge le tonnerre; Ne manque pas de le jeter; Il faut faire voir en ce jour Ce que peut un grand coeur secondé par l'Amour. Achève le dessein où mon ardeur t'engage. Cadmus Je te vais obéir dans tarder davantage. L'Amour et Cadmus (ensemble) Il faut faire voir en ce jour Ce que peut un grand coeur secondé par l'Amour. L'Amour s'envole, et Cadmus sème les dents du Dragon, dont la terre produit des soldats armés qui se préparent d'abord à tourner leurs armes contre Cadmus, mais il jette au milieu d'eux une manière de grenade, que l'Amour lui a apporté, qui se brise en plusieurs éclats, et qui inspire aux combattants une fureur qui les oblige à combattre les uns contre les autres, et à s'entregorger eux-mêmes. Huit soldats armés nés de la Terre. Les cinq derniers qui demeurent vivants, viennent apporter leurs armes aux pieds de Cadmus. Scène 3 Cadmus, les combattants nés de la Terre Echion, combattant Arrêtons un transport funeste; Pourquoi nous immoler en naissant dans ces lieux? Réservons le sang qui nous reste, Pour servir un héros favorisé des Dieux. Cadmus Allez: que dans ces murs chacun de vous s'empresse De rendre hommage à la princesse Qui doit donner ici des ordres absolus; Vos premiers respects lui sont dûs, Je vous suivrai de près, c'est ma plus douce envie. Les combattants obéissent à cadmus qui demeure pour chercher et pour rassembler les tiriens. Cherchons nos tiriens, ils tremblent pour ma vie. Allons les rassurer, voyons de toutes parts. Scène 4 Le géant, Cadmus Le géant Non, ce n'est point assez d'avoir satisfait Mars: Tu vois un ennemi qu'il faut encore abbattre, Au lieu de triompher recommence à combattre. Cadmus Combattons. Le géant J'ai pitié du péril que tu cours: Il m'est honteux de vaincre avec tant d'avantage, Va, fuir, et cède moi l'objet de nos amours. Tu n'auras plus de Dieux qui défendent tes jours. Cadmus Les dieux m'ont donné du courgae, Et c'est un assez grand secours. Le géant Voyons s'il n'est rien qui t'étonne. Scène 5 Le géant, trois autres géants, Pallas, Cadmus. Le géant Qu'on vienne à moi, qu'on l'environne! Qu'on le perce de tous côtés! Pallas (assise sur un hibou volant) Cadmus fermez les yeux. Perfides arrêtez. Pallas découvre son bouclier et le présente aux yeux des quatre géants, qui demeurent immobiles et deviennent dans un instant quatre statues de pierre. Pallas Vois, Cadmus, vois quel supplice A puni leur injustice. Cadmus Que vois-je! les géants armés Ne sont plus de corps animés. Pallas Je t'ai promis mon assistance, Je vais te préparer un superbe Palais: Je veux joindre aux douceurs d'un hymen pelin d'attraits, L'éclat, et la magnificence. Goûte en paix un sort glorieux. Va, n'écoute plus rien que l'amour qui t'anime; Hermione vient dans ces lieux. Cadmus Par quel remerciement faut-il que je m'exprime? Pallas (s'envolant) Protéger la vertu d'un prince magnanime, C'est le plus doux emploi des Dieux. Scène 6 Cadmus, Hermione, Suite d'Hermione et de Cadmus Cadmus Ma princesse! Hermione Cadmus! Cadmus Quel bonheur! Hermione Quelle gloire! Cadmus Je vous vois libre enfin! HErmione Je vous revois vainqueur? Hermione Quelle favorable victoire! Hermione Qu'elle a coûté cher à mon coeur! Cadmus Que c'est un charmant avantage Que de pouvoir sauver d'un cruel esclavage La beauté dont on est charmé. Hermione Que c'est un sort digne d'envie Que de recevoir le bonheur de sa vie, De la main d'un vainqueur aimé. Cadmus et Hermione (ensemble) Après des rigueurs inhumaines, Le ciel favorise nos voeux; Ah! que le souvenir des peines Est doux quand on devient heureux. Cadmus Dieux! je ne vois plus Hermione, Quel nuage épais l'environne! Un nuage s'élève de la Terre qui enveloppe Hermione. Scène 7 Junon, Camdus, Hermione: Suite Junon (sur un paon) Tu vois l'effet de mon courroux, Il faut combattre encore Junon et sa puissance: Le soin que prend pour toi mon infidèle époux Attire sur tes feux l'éclat de ma vengeance. Iris détruis l'espoir de cet Audacieux! Enlève sur ton Arc Hermione à ses yeux. Exécute à l'instant ce que Junon t'ordonne. Hermione (enlevée sur l'Arc en Ciel) O Ciel! Tous ensemble O Ciel, ô ciel! HErmione, Hermione. Acte V Scène 1 Le théâtre change, et représente le Palais que Pallas a préparé pour les noces de Cadmus et d'Hermione. Cadmus (seul) Belle Hermione, hélas, puis-je être heureux sans vous? Que sert dans ce palais la pompe qu'on prépare? Tout espoir est perdu pour nous? Le bonheur d'un Amour si fièdle et si rare, Jusques entre les Dieux a trouvé des jaloux. Belle Hermione, hélas, puis-je être heureux sans vous? Nous nous étions flattés que notre sort barbare Avoit épuisé son courroux: Quelle rigueur quand on sépare Deux coeurs prêts d'être unis par des Liens si doux? Belle Hermione, hélas, puis-je être heureux sans vous. Scène 2 Pallas, Cadmus Pallas (sur un nuage) Tes voeux vont être satisfaits; Jupiter et Junon ont fini leur querelle, L'Amour lui-même a fait leur paix, Ton Hermione enfin descend dans ce palais, Des Dieux s'avancent avec elle; Le Ciel veut que ce jour soit célébré à jamais. Scène 3 Les cieux s'ouvrent, et tous les dieux paroissent et s'avancent pour accompagner Hermione qui descen dans un trône à côté de Hyménée, qui donne la place à Cadmus, et se met au milieu des deux époux. La suite de cadmus et celle d'Hermione viennent prendre part à la réjouissance des dieux, et Jupiter commence à inviter les Cieux et la Terre à contribuer au bonheur de ces deux Amants. Jupiter Que ce qui suit les Loix du Maître du tonnerre Que les Cieux et la Terre S'accordent pour combler vos voeux. Après un sort si rigoureux, Après tant de peines cruelles, Amants fidèles, Vivez heureux. Tous les choeurs (répondent) Après un sort si rigoureux, Après tant de peines cruelles, Amants fidèles, Vivez heureux. L'Hymen L'Hymen veut vous offrir ses chaines les plus belles. Junon Junon en veut former les noeuds. Les Choeurs Amants fidèles, Vivez Heureux. Vénus Vénus vous donnera des douceurs éternelles. MArs J'écarterai de vous les fatales querelles, Et les ennemis dangereux. Les Choeurs Amants fidèles, Vivez Heureux. Pallas Attendez de Pallas mille faveurs nouvelles. L'Amour L'amour conservera toujours de si beaux feux. Les Choeurs Après un sort si rigoureux, Après tant de peines cruelles, Amants fidèles, Vivez Heureux. Juîter Hymen, prend soin ici des Danses et des Jeux. Les Choeurs Amants fidèles, Vivez Heureux. L'Hymen Venez, Dieu des festins, aimables jeux, venez Comblez de vos douceurs ces époux fortunés Tandis que tout le ciel prépare Les dons qu'il leur a destinés, La terre y doit méler ce qu'elle a de plus rare. Venez, Dieu des festins, aimables jeux, venez Comblez de vos douceurs ces époux fortunés. Quatre Hamadriades sortent de la terre avec des corbeilles pleines de fruit. Arbas et la Nourrice (ensemble) Serons-nous dans le silence Quand on rit, et quand on danse: Les chagrins ont eu leur temps, Pour jamais le ciel les chasse, Les plaisirs ont pris leur place; Lorsque deux coeurs sont constants Tôt ou tard ils sont contents. Qu'il est doux quand on soupire, De sortir d'un long martyre: Les chagrins ont eu leur temps, Pour jamais le Ciel les chasse, Les plaisirs ont pris leur place; Lorsque deux coeurs sont constants Tôt ou tard ils sont contents. Des Amours font descendre du Ciel sous un espèce de petit pavillon, les présents des Dieux, attachés à des chaînes galantes. Les hamadriades et les suivants de Comus les portent aux deux époux, et forment une danse, où Charite même une chanson. Charite Amants, aimez vos chaînes, Vos soins et vos soupirs; L'Amour suivant vos peines, Mesure vos plaisirs; Il cause des alarmes, Il vend bien cher ses charmes; Mais pour un si grand bien Tous les maux ne sont rien. Sans une aimable flamme La vie est sans appas; Qui peut toucher une âme Qu'Amour ne touche pas? Il cause des alarmes, Il vend bien cher ses charmes; Mais pour un si grand bien Tous les maux ne sont rien. Tous les Dieux du Ciel et de la Terre recommencent à chanter: les Hamadriades et les suivants de Comus continuent à danser; et ce mélangé de chants et de danses forme une réjouissance générale, qui achève la fête des noces de Cadmus et Hermione. Tous les choeurs Après un sort si rigoureux, Après tant de peines cruelles, Amants fidèles, Vivez heureux. |