Charpentier, rival de Lully ? ![]() Cette légende, savamment entretenue par la Comédie Française, paraît aujourd'hui bien peu fondée.
Si les deux compositeurs eurent le privilège de collaborer avec Molière, ils n'en eurent pas moins deux parcours totalement différents.
Le jeune Charpentier, formé à Rome au contact de Carissimi, commença sa carrière au service de Mademoiselle de Guise. Il accéda à la Cour grâce à sa collaboration avec Molière seulement en 1672. Le Malade Imaginaire fut représenté à Versailles lors de la grande fête de 1674. Cependant, son rôle auprès de la Cour fut relativement discret. Ses compositions ne furent données qu'occasionnellement et principalement dans le domaine religieux. On lui commanda, par exemple, un requiem en 1683 pour la mort de la Reine Marie Thérèse. Lorsqu'en 1683 eut lieu le concours pour la charge de sous-maîtres de la Chapelle Royale, Marc Antoine Charpentier eut des problèmes de santé et ne put se mesurer aux élèves de Lully : Colasse, Desmarest, Rebel et autres De Lalande,Goupillet, Minoret, Danielis... Charpentier, dangeureux rival de Lully que ce dernier chercha à censurer? Assurément non. A la ville, il est certain que les restrictions imposées par Lully qui n'hésitait pas à faire valoir ses droits jusque devant les tribunaux limitèrent considérablement la production musicale de l'époque. Les manuscrits originaux de Charpentier témoignent des nombreuses modifications que le compositeur dut apporter à sa partition du Malade Imaginaire au fur et à mesure que le privilège de Lully limitait le nombre de musiciens permis dans les concerts donnés en ville. Cependant, Lully ne chercha pas à empêcher la représentation du Malade Imaginaire à la Cour en 1674. Si Lully a usé de manoeuvres pour éliminer des rivaux éventuels, il l'a fait à l'encontre de l'italien Lorenzani, mais certes pas à l'encontre de Charpentier, qui ne représentait pas un danger en soi. Aucune animosité ne sembla exister entre les deux hommes. Bien au contraire, nombreux sont ceux qui voient en Médée un hommage au style inventé par Lully : la tragédie en musique. Cette tragédie, composée sur un livret de Thomas Corneille (qui avait écrit le livret de Psyché dans sa version de 1678 pour Lully), décorée par le fidèle Jean Berain, chantée par la célèbre Le Rochois, ne rencontra pas le succès escompté et cessa d'être jouée au bout d'une dizaine de représentations. Cet échec inspira au compositeur des mots amers : "J'étais musicien, considéré bon parmi les bons et ignare parmi les ignares.
Et comme le nombre de ceux qui me méprisaient était beaucoup plus grand que le nombre de ceux qui me louaient, la musique me fut de peu d'honneur mais de grande charge." Après cela, il refusa de renouveler une expérience si douloureuse. A la mort de Mademoiselle de Guise, Marc-Antoine Charpentier entra au service du collège Louis-le-Grand et de l'église Saint-Louis tenus par les jésuites. Il écrivit plusieurs ballets et tragédies bibliques pour le collège et surtout une considérable oeuvre religieuse pour l'église. En 1698, il obtint le poste de maître de musique des enfants de la Saint-Chapelle du Palais. Lully et Charpentier n'avaient sans doute pas la même conception du métier. Lully, rôdé à la scène, mêlait les talents d'acteur, de danseur, de compositeur, de metteur en scène. Cette vision globale du spectacle avait tout pour séduire un monarque qui avait cherché à briller sur scène pendant la première partie de son règne. Il est certain que si Lully n'avait pas bénéficié de l'attachement et l'admiration de Louis XIV, il ne serait pas monté si haut. Charpentier, musicien appliqué et discret, s'attacha à faire de la musique plus savante mais incomprise par le public. |