ISIS

PROLOGUE

Le théâtre représente le Palais de la Renommée. Il est ouvert de tous 
côtés pour recevoir les nouvelles de ce qui se fait de considérable 
sur la Terre et de ce qui se passe de mémorable sur la Mer, que l'on 
découvre dans l'enfoncement. La divinité qui préside dans ce palais y 
paraist accompagnée de sa suite ordinaire: Les rumeurs et les Bruits 
qui portent comme elle une trompette à la main, y viennent en foule de 
divers endroits du monde.

Scène 1ère
La Renommée, et sa suite les Rumeurs et les Bruits.
Publions en tous lieux
Du plus grand des héros la valeur triomphante.
Que la Terre et les cieux 
Retentissent du bruit de sa gloire éclatante.

La renommée
C'est luy dont les Dieux ont fait choix 
Pour combler le bonheur de l'Empire François,
En vain pour le troubler, tout s'unit, tout conspire,
C'est en vain que l'Envie a ligué tant de roys.
Heureux l'Empire 
Qui suit ses lois!

Choeur
Heureux l'Empire 
Qui suit ses lois!

La renommée
Il faut que partout on l'admire
Parlons de ses vertus racontons ses exploits,
A peine y pourrons nous suffire
Avec toutes nos voix;

Choeur
Heureux l'Empire 
Qui suit ses lois!

La renommée
Il faut le dire cent-et-cent fois
Heureux l'empire qui suit ses lois.

Choeur
Il faut le dire cent-et-cent fois
Heureux l'empire qui suit ses lois.

Scène 2
La Renommée, Neptune et leur suite. Deux tritons chantants. Dieux 
marins jouant des instruments. Les tritons et les autres Dieux marins 
accompagnent Neptune sortant de la Mer qui entre dans le Palais de la 
Renommée.

Les deux tritons
C'est le Dieu des eaux qui va paraître
Rangeons nous près de notre Maître
Enchaînons les vents les plus terribles
Que le bruit des flots cède à nos chants.
Régnez Zéphirs paisibles,
Ramenez le doux printemps.

Neptune à la Renommée
Mon empire a servi de théâtre à la guerre,
Publiez des exploits nouveaux
C'est le même vainqueur
Si fameux sur la terre
Qui triomphe encor sur les eaux.

La renommée et Neptune
Célébrez son grand nom sur la terre et sur l'onde
Qu'il ne soit pas borné par les plus vastes mers
Qu'il vole jusqu'au bout du monde
Qu'il dure autant que l'univers.

Choeurs
Célébrez son grand nom sur la terre et sur l'onde
Qu'il ne soit pas borné par les plus vastes mers
Qu'il vole jusqu'au bout du monde
Qu'il dure autant que l'univers.

Scène 3
Neptune, la Renommée et leur suite, Apollon, les neufs Muses, 
les Arts libéraux.

Callyope
Cessez pour quelque temps bruit terrible des armes
Qui troublez le repos de cent climats divers 
Ne troublez point les charmes
De nos divins concerts.

Callyope, Thalie et Apollon
Ne troublez point les charmes
De nos divins concerts.

Callyope
Recommençons nos chants,
Allons les faire entendre

Melpomène
Dans une auguste Cour

Thalie
La Paix, la douce Paix 
N'ose encore descendre du céleste séjour.

Callyope
La Paix, la douce Paix 
N'ose encore descendre du céleste séjour.

Callyope, Thalie et Apollon
Près du Vainqueur allons attendre son bienheureux retour.

Apollon à la renommée
Ne parlons pas toujours de la guerre cruelle,
Parlons des plaisirs et des jeux.
Les Muses et les Arts 
Vont signaler leur zèle,
Je vais favoriser leurs voeux
Nous préparons une fête nouvelle
Pour le Héros qui les appelle
Dans cet asile heureux

Choeur
Ne parlons pas toujours de la guerre cruelle,
Parlons des plaisirs et des jeux.

La renommée
Hâtez-vous, Plaisirs, hâtez-vous
De montrer vos charmes les plus doux.

Apollon, Neptune et La renommée
Hâtez-vous, Plaisirs, hâtez-vous
De montrer vos charmes les plus doux.

Choeur (plus vite)
Hâtez-vous, Plaisirs, hâtez-vous
De montrer vos charmes les plus doux.

ACTE I
Le théâtre représente des prairies agréables où le Fleuve Inachus
serpente.

Scène 1

Hiérax
Cessons d'aimer une infidèle,
Evitons la honte cruelle
De servir, d'adorer qui ne nous aime plus.
Achevons de briser les noeuds qu'elle a rompus.
Dégageons nous, sortons d'un si funeste empire.
Hélas! malgré moi je soupire!
Ah! mon coeur quelle lâcheté!
Quel charme te retient dans un honteux martyre?
Tu n'as pas craint des fers qui nous ont tant couté
As-tu peur de ta liberté?
Revenez, revenez Liberté charmante
Vous n'êtes que trop diligente
Lorsqu'il faut dans un coeur faire place à l'Amour;
Mais que vous êtes lente
Lorsqu'un juste dépit presse votre retour.

Scène 2 

Pirante
C'est trop entretenir
Ces tristes rêveries;
Venez, tournez vos pas sur ces rives fleuries
Regardez ces flots argentés,
Qui dans ces vallons écartés, 
Font briller l'émail des prairies
Interrompez vos soupirs
Tout doit être ici;
Ce beau séjour est l'asile
Du repos et des plaisirs.

Hiérax
Depuis qu'une nymphe inconstante
A trahi mon amour et m'a manqué de foy
Ces lieux jadis si beaux n'ont plus rien qui m'enchante;
Ce que j'aime a changé, tout est changé pour moi.

Pirante
La fille d'Inachus hautement vous préfère
A mille autres amants de votre sort jaloux;
Vous avez l'aveu de son père
En faveur d'Argus votre frère,
La puissante Junon se déclare pour vous.

Hiérax
Si l'ingrate m'aimait, je serais son époux.
Cette nymphe légère
De jour en jour diffère
Un hymen qu'autrefois elle avait cru si doux.
L'inconstante n'a plus l'empressement extrême
De cet amour naissant qui répondait au mien.
Son changement paraît en dépit d'elle même
Je ne le connais que trop bien,
Sa bouche quelquefois dit encor qu'elle m'aime;
Mais son coeur ni ses yeux ne m'en disent plus rien.

Pirante
Se peut-il qu'elle dissimule!
Après de serments, ne la croyez-vous pas?

Hiérax 
Je ne les crus que trop, hélas! 
Ces serments qui trompent mon coeur tendre et crédule;
Ce fut dans ces vallons où par mille détours,
Inachus prens plaisir à prolonger son cours;
Ce fut sur son charment rivage,
Que sa fille volage
Me promit de m'aimer toujours.
Le Zéphir fut témoin, l'onde fut attentive
Quand la nymphe jura de ne changer jamais,
Mais le zéphir léger et l'onde fugitive
Ont enfin emporté les serments qu'elle a faits.
Je la vois, l'infidèle.

Pirante
Eclaircissez vous avec elle.

Scène 3

La nymphe Io
M'aimez vous? puis-je m'en flatter?

Hiérax
Cruelle, en voulez vous douter?
En vain votre inconstance éclate,
En vain elle m'anime à briser tous les noeuds
Je vous aime toujours ingrate,
Plus que vous ne voulez
Et plus que je ne veux
Je crains un funeste présage,
Un aigle dévorant
Vient de fondre à mes yeux,
Sur un oiseau qui dans ces lieux
M'entretenait d'un doux ramage
Différez votre hymen,
Suivons l'avis des Cieux.
Notre hymen me déplaît qu'à votre coeur volage:
Répondez moi de vous, je vous répond des Dieux.
Vous juriez autrefois
Que cette onde rebelle
Se ferait vers sa source une route nouvelle
Plutôt qu'on ne verrait votre coeur dégagé;
Voyez couler ces flots dans cette vaste plaine
C'est le même penchant qui toujours les entraîne.
Leurs cours ne change point et vous avez changé

Io
Laissez moi revenir de mes frayeurs secrètes;
J'attends de votre amour cet effort généreux.

Hiérax
Je veux ce qui vous plaît, cruelle que vous êtes,
Vous n'abusez que trop d'un amour malheureux!

Io
Non, je vous aime encor!

Hiérax
Quelle froideur extrême! 
Inconstante, est-ce ainsi qu'on doit dire qu'on aime.

Io
C'est à tort que vous m'accusez,
Vous avez vu toujours vos rivaux méprisés

Hiérax
Le mal de mes rivaux
N'égale point ma peine,
La douce illusion d'une espérance vaine
Ne les fait point tomber du faite du bonheur
Aucun d'eux comme moi n'a perdu votre coeur;
Je ne suis point accoutumé
Quel tourment de cesser de plaire
Lorsqu'on a fait l'essai du plaisir d'être aimé.
Je ne le sens que trop
Votre coeur se détache
Et je ne sais qui me l'arrache

Hiérax
Je cherche en vain l'heureux amant
Qui me dérobe un bien charmant
Où j'ai cru devoir seul prétendre
Je sentirais moins mon tourment
Si je trouvais à qui m'en prendre
Vous fuyez mes regards,
Vous ne me dites rien;
Il faut vous délivrer d'un fâcheux entretiens;
Ma présence vous blesse et c'est trop vous contraindre.

Io
Jaloux sombre et chagrin,
Partout où je vous vois,
Vous ne cessez de vous plaindre
Je voudrais vous aimer
Autant que je le dois,
Et vous me forcez à vous craindre.

Ensemble
Non, non, il ne tient qu'à vous
De rendre notre sort plus doux
Non, non, il ne tient qu'à vous
De rendre mon coeur plus tendre
Non, non, il ne tient qu'à vous
De rendre mon coeur moins jaloux.

Scène 4

Micène
Ce prince trop longtemps dans ses chagrins s'obstine
On pardonne au premier transport
D'un amour qui se plaint à tort
Et qui sans raison se mutine.
Mais à la fin on se chagrine
Contre un Amour chagrin.

Io
Je veux bien te parler enfin sans artifice
Ce prince infortuné s'allarme avec justice.
Le maître souverain de la terre et des cieux
Entreprend de plaire à mes yeux.
Du coeur de Jupiter l'amour m'offre l'empire.
Mercure est venu me le dire
Je le vois chaque jour descendre dans ces lieux.
Mon coeur autant qu'il peut 
Fait toujours résistance.
Et pour attaquer ma constance,
Il ne fallait pas moins que le plus grand des Dieux.

Micène
On écoute aisément Jupiter qui soupire.
C'est un amant qu'on ose mépriser.
Et du plus grand des coeurs
Ce glorieux empire 
Est difficile à mépriser.

Io
Lorsqu'on me presse de me rendre
Aux attraits d'un amour nouveau,
Plus le charme est puissant
Et plus il serait beau
De pouvoir m'en défendre.
Quoi! tu veux me quitter?
Doù vient ce soin pressant?

Micène
C'est pour vous seule ici que Mercure descend.

Scène 5
Isis, Mercure, Choeur des divinités et des échos

Mercure
Le Dieu puissant qui lance le tonnerre 
Et qui des cieux tient le sceptre en ses mains
A résolu de venir sur la terre
Chasser les maux qui troublent les humains.
Que la terre avec soin à cet honneur réponde
Echos retentissez dans ces lieux pleins d'appas,
Annoncez qu'aujourd'hui pour le bonheur du monde,
Jupiter descends ici-bas.

Choeur des divinités et des échos
Echos retentissez dans ces lieux pleins d'appas,
Annoncez qu'aujourd'hui pour le bonheur du monde,
Jupiter descends ici-bas.

Mercure
C'est ainsi que Mercure
Pour abuser les Dieux jaloux
Doit parler hautement à toute la nature.
Mais il doit s'expliquer
Autrement avec vous;
C'est pour vous voir,
C'est pour vous plaire,
Que Jupiter descend du céleste séjour.
Et les biens qu'ici bas sa présence va faire
Ne seront dûs qu'à son amour.

Isis
Pourquoi du haut des cieux, 
Ce Dieu veut-il descendre? 
Mes voeux sont engagés.
Mon coeur a fait un choix
L'amour tôt ou tard doit prétendre
Que tous les coeurs se rangent sous ses lois.
C'est un hommage qu'il faut rendre
Mais assez de le rendre une fois.

Mercure
Ce serait en aimant une contrainte étrange
Qu'un coeur pour mieux choisir n'osât se dégager.
Quand c'est pour Jupiter qu'on change
Il n'est pas honteux de changer.
Que tout l'univers se pare
De ce qu'il a de plus rare
Que tout brille dans ces lieux.
Que la terre partage 
L'éclat et la gloire des cieux.
Que tout rende hommage 
Au plus grand des dieux.

Scène 6
Les divinités de la Terre, des eaux et des richesses souterraines
viennent magnifiquement parées pour recevoir Jupiter et pour lui
rendre hommage.

Jupiter
Les armes que je tiens protègent l'innocence.
L'effort n'en est fâcheux qu'à l'orgueil des titans.
Vous qui suivez les Loix,
Vivez sous ma puissance,
Toujours heureux, toujours contents.
Jupiter vient sur la terre.
Pour la combler de bienfaits,
Il est armé du tonnerre
Mais c'est pour donner la paix.

Choeurs
Jupiter vient sur la terre.
Pour la combler de bienfaits,
Il est armé du tonnerre
Mais c'est pour donner la paix.

ACTE II

Le théâtre devient obscurci par des nuages épais qui l'environnent de
tous côtés.

Scène 1

Io
Où suis-je? D'où vient ce nuage?
Les ondes de mon pètre et son charmant rivage
Ont disparu tout à coup à mes yeux!
Où puis-je trouver un passage?
La jalouse reine des Cieux
Me fait elle si tôt acheter l'avantage
De plaire au plus puissant des Dieux?
Que vois-je? Quel éclat se répand dans ces lieux.

Jupiter paraît et les nuages qui obscurcissent le théâtre, sont 
illuminés et peints des couleurs les plus brillantes et les plus 
agréables.

Scène 2

Jupiter
Vous voyez Jupiter; Que rien ne vous étonne.
C'est pour tromper Junon et ses regards jaloux
Qu'un nuage vous environne;
Belle nymphe, rassurez-vous
Je vous aime et pour vous le dire,
Je sors avec plaisir de mon suprême empire.
La foudre est dans mes mains,
Les Dieux me font la cour,
Je tiens tout l'Univers sous mon obéissance;
Mais si je prétends en ce jour
Engager votre coeur à m'aimer à son tour,
Je fonde moins mon espérance
Sur la grandeur de ma puissance
Que sur l'excès de mon amour.

Io
Que sert-il qu'ici-bas votre amour me choisisse?
L'honneur me vient trop tard, j'ai formé d'autres noeuds
Il fallait que ce bien pour combler tous nos voeux,
Ne me coûtat point d'injustice,
Et ne fit point de malheureux

Jupiter
C'est une assez grande gloire
Pour votre premier vainqueur,
D'être encore dans votre mémoire
Et de me disputer si longtemps votre coeur.

Io
La gloire doit forcer mon coeur à se défendre.
Si vous sortez du Ciel pour chercher les douceurs
D'une amour tendre,
Vous pouvez aisément attaquer d'autres coeurs
Qui feront gloire de se rendre.

Jupiter
Il n'est rien dans les Cieux il n'est rien ici-bas
De si charment que vos appas;
Rien ne peut me toucher d'une flamme si forte;
Belle Nymphe vous l'emportez
Sur les autres beautés,
Autant que Jupiter l'emporte
Sur les autres Divinités!
Verrez-vous tant d'amour avec indifférence?
Quel trouble vous saisit? Où tournez vous vos pas?

Io
Mon coeur en votre présence
Fait trop peu de résistance 
Contentez-vous, hélas!
D'étonner ma constance,
Et n'en triomphez pas.


Jupiter
Et pourquoi craignez vous Jupiter qui vous aime?

Io
Je crains tout, je me crains moi-même

Jupiter
Quoi! voulez vous me fuir

Io
C'est mon dernier espoir.

Jupiter
Ecoutez mon amour.

Io
Ecoutez mon devoir.

Jupiter
Vous avez un coeur libre et qui peut de défendre

Io
Non, vous ne laissez pas mon coeur en mon pouvoir

Jupiter
Quoi! vous ne voulez pas m'entendre

Io
Je n'ai que trop de peine à ne le pas vouloir.
Laissez-moi...

Jupiter
Quoi si tôt.

Io
Je devais moins attendre;
Que ne fuyais-je hélas!
Avant que de vous voir.

Jupiter
L'amour pour moi me sollicite
Et je vois que vous me quittez

Io
Le devoir veut que je vous quitte,
Et je sens que vous m'arrêtez

Jupiter
Vous me quittez.

Scène 3

Mercure
Iris est ici-bas et Junon elle-même 
Pourrait vous suivre dans ces lieux.

Jupiter
Pour la nymphe que j'aime
Je crains ses transports furieux.

Mercure
Sa vengeance serait funeste,
Si votre amour était surpris.

Jupiter
Va, prends soin d'arrêter Iris,
Mon amour prendra soin du reste.

Scène 4

Mercure
Arrêtez, belle Iris, différez un moment
D'accomplir en ces lieux ce que Junon désire.

Iris
Vous m'arrêtez vainement
Et vous n'aurez rien à me dire.

Mercure
Mais, si je vous disais que je veux vous choisir
Pour attacher mon coeur d'une éternelle chaîne?

Iris
Je vous écouterais peut-être avec plaisir,
Mais je vous croirais avec peine.

Mercure
Refusez vous d'unir votre coeur et le mien.

Iris
Jupiter et Junon nous occupent sans cesse
Nos soins sont assez grands sans que l'amour nous blesse,
Nous n'avons pas tous deux de loisir d'aimer bien.

Mercure 
Si je fais ma première affaire
De vous voir et de vous plaire.

Iris
Je ferai mon premier devoir
De vous plaire et de vous voir.

Mercure
Un coeur fidèle 
A pour moi de charmants appas:
Vous avez mille attraits,
Vous n'êtes que trop belle:
Mais je crains que vous n'ayez pas.
Un coeur fidèle.

Iris
Pourquoi craignez-vous tant
Que mon coeur se dégage
Je vous permets d'être inconstant
Sitôt que je serai volage

Mercure et Iris, ensemble
Promettez moi de constantes amours,
Je vous promets de vous aimer toujours.

Mercure
Que la feinte entre nous finisse

Iris
Parlons sans mystère en ce jour;
Le moindre artifice

Ensemble
Le moindre artifice
Offense l'amour.

Iris
Quel soin presse ici-bas Jupiter de descendre.

Mercure
Le seul bien des mortels lui fait quitter les cieux;
Mais quel soupçons nouveau Junon peut elle prendre?
Ne suivrait elle pas Jupiter en ces lieux.

Iris
Dans les jardins d'Hébé Junon vient de descendre

Mercure
Un nuage entrouvert
La découvre à mes yeux;
Iris parle ainsi sans mystère!
C'est ainsi que je puis me fier à ta foi.

Iris
Ne me reprochez pas que je suis peu sincère,
Vous ne l'êtes pas plus que moi.

(Junon paraît au milieu d'un nuage qui s'avance)

Ensemble
Gardez pour quelqu'autre
Votre amour trompeur,
Je reprends mon coeur, 
reprenez le vôtre.

Scène 5
Le nuage s'approche de terre et Junon descend.

Iris
J'ai cherché vainement la fille d'Inachus.

Junon
Ah! je n'ai pas besoin d'en savoir davantage,
Non, Isis, ne la cherchons plus.
Jupiter dans ces lieux m'a donné de l'ombrage,
J'ai traversé les airs, j'ai percé le nuage
Qu'il opposait à mes regards;
Mais en vain j'ai tourné les yeux de toutes parts,
Le Dieu pa son pouvoir suprême
M'a caché la nymphe qu'il aime,
Et ne m'a laisé voir que des troupeaux épars!
Non, non, je ne suis pas une incrédule épouse
Qu'un puisse tromper aisément;
Voyons qui feindra mieux de Jupiter amant
Ou de Junon jalouse.
Il est maître des Cieux, la terre suit sa loi;
Sous sa toute puissance, il faut que tout fléchisse;
Mais puisqu'il ne prétend s'armer que d'artifice
Tout Jupiter qu'il est, il est moins fort que moi.
Dans ces lieux écartés, vois que la terre est belle.

Iris
Elle honore son maître et brille sous ses pas.

Junon
L'amour cet amour infidèle,
Qui du plus haut des cieux l'appelle,
Fait que tout lui rit ici-bas.
Près d'une maîtresse nouvelle 
Dans le fond des déserts, on trouve des appas.
Et le ciel même ne plaît pas
Avec une épouse immortelle.

Scène 6

Jupiter
Dans les jardins d'Hébé vous deviez en ce jour 
D'une nouvelle nymphe 
Augmenter votre cour;
Quel dessein si pressant dans ces lieux vous amène.

Junon
Je ne vous suivrai pas plus loin. Je viens de votre amour
Attendre un nouveau soin:
Ne vous étonnez pas qu'on vous quitte avec peine,
Et que de Jupiter on ait toujours besoin.
Vous m'aimez, et j'en suis certaine.

Jupiter
Souhaitez, je promets que vos voeux seront satisfaits.

Junon
J'ai fait choix d'une nymphe et déjà la Déesse
De l'aimable Jeunesse
Se prépare à la recevoir;
Mais jen'ose, sans vous, disposer de personne.
Si j'ai quelque pouvoir,
Je n'en prétends avoir
Qu'autant que votre amour m'en donne
Ce don de votre main me sera précieux.

Jupiter
J'approuve vos désirs;
Que rien n'y soit contraire;
Mercure ayez soin de lui plaire,
Et portez à son gré, mes ordres en tous lieux;
Que tout suive les lois de la reine des cieux.

Iris et Mercure
Que tout suive les lois de la reine des Cieux.

Jupiter
Parlez, et qu'hautement votre choix se déclare.

Junon
La nymphe qui me palît ne vous déplaira pas,
Vous ne verrez pas ici-bas
De mérite plus grand ni beauté plus rare;
Les honneurs que je lui prépare
Ne lui sont que trop dûs,
Enfin, Junon choisit la fille d'Inachus.

Jupiter
La fille d'Inachus

Junon
Déclarez pour elle.
Peut-on voir à mas suite une nymphe plus belle,
Plus capable d'orner ma cour,
Et de marquer pour moi, 
Le soin de votre amour;
Vous me l'avez promise et je vous le demande.

Jupiter
Vous ne sauriez combler d'une gloire trop grande
La nymphe que vous choisissez;
Junon commande 
Allez, allez, Mercure obéissez.

Junon
Junon commande
Allez, allez, Mercure obéissez.

Scène 7
Le théâtre change et représente les jardins d'Hébé, déesse de la 
Jeunesse. Les jeux et les plaisirs s'avancent en dansant devant la 
déesse Hébé.

Hébé
Les plaisirs les plus doux
Sont faits pour la jeunesse.
Venez, venez jeux charmants, venez tous;
Cardez vous bien d'amener avec vous
La sévère Sagesse.
Fuyez, fuyez, sombre tristesse
Noirs chagrins, fuyez loin de nous
Vous êtes destinés pour l'affreuse vieillesse

Choeurs
Les plaisirs les plus doux
Sont faits pour la jeunesse.

Les jeux, les plaisirs et les nymphes de Junon se divertissent par des 
danses et par des chansons, en attendant la nouvelle nymphe dont Junon
vont faire choix.

Deux nymphes
Aimez, profitez du temps,
Jeunesse charmante
Rendez vos désirs contents.
Tout rit tout enchante
Dans les plus beaux ans:
L'amour vous éclaire
Marchez sur ses pas
Cherchez à vous faire
Des noeuds pleins d'appas.
Que vous sert de plaire,
Si vous n'aimez pas?

Choeurs
Que ces lieux ont d'attraits!
Goûtons-en bien les charmes,
L'Amour n'y fait jamais verser de tristes larmes
Les soins et les alarmes, 
N'en troublent point la paix.
Jouissons dans ces retraites
Des douceurs les plus parfaites;
Suivez-nous, charmants plaisirs,
Comblez tous nos désirs.

Scène 8

Mercure
Servez, Nymphe, servez
Avec un soin fidèle,
La puissante reine des Cieux.

Iris
Suivez dans ces aimables lieux
La jeunesse immortelle

Iris et Mercure, ensemble
Tout plaît et tout rit avec elle.
Suivez dans ces aimables lieux
La jeunesse immortelle

Hébé et les nymphes reçoivent Io.

Hébé
Que c'est un plaisir charmant 
D'être jeune et belle!
Triomphez à tout moment
D'une conquête nouvelle.

Choeurs
Que c'est un plaisir charmant 
D'être jeune et belle!
Triomphez à tout moment
D'une conquête nouvelle.

ACTE III
Le théâtre change et représente la solitude dont Argus fait sa demeure 
près d'un lac, au milieu d'une forêt.

Scène 1

Argus
Dans ce solitaire séjour
VOus êtes sous ma garde,
Junon vous y laisse:
Mes yeux veilleront tour à tour
Et vous observeront sans cesse.

Io
Est-ce là le bonheur que Junon m'a promis.
Argus apprenez-moi quel crime j'ai commis.

Argus
Vous êtes aimable
Vos yeux devaient moins charmer.
Vous êtes coupable
De faire trop aimer
Ne me déguisez rien, de quoi m'accuse-t-elle
Quelle offences à ses yeux me rend si criminelle?
Ne pourrai-je apaiser son funeste courroux.

Argus
C'est une offense cruelle
De paraître belle
A ses yeux jaloux
L'amour de Jupiter a trop paru pour vous

Io
Je suis perdue, ô ciel! si Junon est jalouse.

Argus
On ne plaît guère à l'pouse
Lorsqu'on plaît trop à l'époux.
Vous n'en serez pas mieux d'être ingrate et volage
Vous quittez un fidèle amant,
Pour recevoir un plus brillant hommage
Mais c'est un avantage
Que vous payerez chèrement.
J'ai l'ordre d'enfermer vos dangereux appas
La Déesse se défend que vous voyez personne

Io
Aux rigueurs de Junon Jupiter m'abandonne.
Non, non Jupiter ne m'aime pas.

Scène 2

Hiérax, voyant Io, qui entre dans la demeure d'Argus.
La perfide craint ma présence
Elle me fuit en vain et j'irair la chercher.

Argus
Non!

Hiérax
Laissez moi lui reprocher 
Sa cruelle inconstance

Argus
Non, non, on ne la doit point voir

Hiérax
Quoi! Junon me devient contraire?

Argus
L'ordre est exprès pour tous, perdez un vain espoir.

Hiérax
L'amitié fraternelle a si peur de pouvoir?

Argus
Non, je ne connais plus ni d'ami, ni de frère,
Je ne connais que mondevoir
Laissez la nymphe en paix,
Ce n'est plus vous qu'elle aime.

Hiérax
Quel est l'heureux amant qui s'en est fait aimer?
Nommez le moi.

Argus
Tremblez à l'entendre nommer. 
C'est un Dieu tout puissant, c'est Jupiter lui-même.

Hiérax
O Dieux!

Argus
Dégagez vous d'un amour si fatal
Sans balancer il faut vous y résoudre
C'est un redoutable rival
Qu'un amant qui lance la foudre.

Hiérax
Dieux tout puissants! ah! vous étiez jaloux
De la félicité que vous m'avez ravie,
Dieux tout puissants! ah! vous étiez jaloux
De me voir plus heureux que vous.
Vous n'avez pu souffrir le bonheur de la vie
Et je voyais vos grandeurs sans envie.
J'aimais, j'étais aimé. 
Mon sort était trop doux.

Argus
Heureux qui peut briser
Qui peut briser sa chaîne
Finissez une plainte vaine
Méritez l'infidélité;
Un coeur ingrat vaut-il la peine
D'être tant regretté

Duo
Heureux qui peut briser
Qui peut briser sa chaîne
Liberté, liberté

Scène 3
Argus, Hiérax une nymphe qui représente Syrinx, troupe de Nymphes en
habits de chasse, Syrinx.

Choeurs des Nymphes
Liberté, liberté!

Hiérax et Argus
Quelles danses! quels chants et quelle nouveauté!

Choeurs
S'il est quelque bien au monde
C'est la liberté.

Hiérax et Argus
Que voulez-vous?

Choeurs
Liberté, liberté

Hiérax et Argus
Que voulez-vous? il faut qu'on nous réponde.

Choeurs
S'il est quelque bien au monde
C'est la liberté.

Scène 4
Argus, Hiérax, Mercure, déguisé en berger, Troupe de Nymphes, de bergers
de satyres et de sylvains.

Choeurs
Liberté, liberté
S'il est quelque bien au monde
C'est la liberté.

Mercure, déguisé en berger parlant à Argus.
De la Nymphe Syrinx l'on chérit la mémoire,
Il en regrette encor la perte chaque jour;
Pour célébrer une fête à sa gloire
Ce Dieu lui même assemble ici sa cour
Il veut que du malheur de son fidèle amour.
Un spectacle touchant représente l'histoire

Argus
C'est un plaisir pour nous; poursuivez j'y consens
Je ne m'oppose point à ces jeux innocents.

Argus va prendre place sur un siège de gazon proche de l'endroit où 
Io est enfermée et fait planer Hiérax de l'autre côté.

Mercure (parlant à part à toute la troupe qu'il conduit)
Il donne dans le piège,
Achevez sans remise
Achevez de surprendre Argus et tous ses yeux.
Si vous tentez une grande entreprise,
Mercure vous conduit, l'amour vous favorise
Et vous servez le plus puissant des Dieux.

Scène 5

Nymphes
Liberté, liberté
S'il est quelque bien au monde
C'est la liberté.

Syrinx
L'empire de l'Amour n'est pas moins agité
Que l'empire de l'onde
Ne cherchons point d'autre félicité
Qu'un doux loisir dans une paix profonde
S'il est quelque bien au monde 
C'est la liberté.
Liberté, liberté!

Dans le temps qu'une partie des Nymphes chante, le reste de la Troupe
danse.

Scène 6
Les Bergers et les Sylvains dansants et chantants ciennent offrir des 
présents de fleurs et de fruits à la nymphe Syrinx et tâchent de leur
persuader de n'aller point à la chasse et de l'engger sous les lois de
l'Amour.

Deux bergers
Quel bien devez-vous attendre
Beautés qui chassez dans ces lieux
Que pouvez-vous prendre
Qui vaille un coeur tendre
Soumis à vos lois?
Ce n'est qu'en aimant
Qu'on trouve un sort charmant
Aimez enfin à votre tour
Il faut que tout cède à l'amour.
Il sait frapper d'un coup certain
Le cerf léger qui fuit en vain 
Jusque dans les antres secrets
Au fond des forêts tout doit sentir ses traits.

Pan
Je vous aime Nymphe charmante;
Un amant, un mortel cherche à plaire à vos yeux 

Syrinx
Pan est un Dieu puissant, je révère les Dieux;
Mais le nom d'amour m'épouvante

Pan
Pour vous faire retrouver le nom d'amant plus doux.
J'y joindrai le titre d'époux.
Je n'aurai pas de peine 
A m'engager dans une aimable chaine
Pour ne jamais changer.
Aimez un Dieu qui vous adore.

Syrinx
Un époux doit être encore
Plus à craindre qu'un amant

Pan
Dissipez de vaines alarmes,
Eprouvez l'amour et ses charmes
Connaissez les plus doux appas.
Non, ce ne peut être 
que faute de la connaître
Qu'il ne vous plait pas.

Syrinx
Les maux d'autrui me rendront sage.
Ah! quel malheur de laisset engager son coeur!
Pourquoi faut-il le plus beau de son age
Dans une mortelle langueur?
Ah quel malheur! Pouquoi n'avoir pas le courage
De s'affranchir de la rigueur
D'un funeste esclavage?
Ah! Quel malheur
De laisser engager son coeur.

Pan
Ah! quel dommage
Que vous ne sachiez pas aimer!
Que vous sert-il d'avoir tant d'attraits en partage?

Double choeur

Nymphes

Silvains, Satyres et bergers
Aimons sans cesse

Nymphes
N'aimons jamais

Silvains, Satyres et bergers
Cédons à l'Amour qui nous presse
Pour vivre heureux
Aimons sans cesse

Nymphes
Pour vivre en paix
n'aimons jamais

Silvains, Satyres et bergers
Aimons sans cesse

Nymphes
N'aimons jamais

Syrinx 
La chagrin suit toujours les coeurs que l'amour blesse

Pan
La tranquille sagesse
N'a que des plaisirs imparfaits.

Silvains, Satyres et bergers
Aimons sans cesse

Nymphes
N'aimons jamais

Syrinx
On ne peut aimer sans faiblesse

Pan
Que cette faiblesse a d'attraits.

Silvains, Satyres et bergers
Aimons sans cesse

Nymphes
N'aimons jamais

Syrinx
Faut-il qu'en vain discours un si beau jour se passe?
Mes compagnes courons dans le fond des forêts.
Voyons qui d'entre nous se sert mieux de ses traits
Courons à la chasse.

Double choeurs
Courons à la chasse.
A la chasse!

Syrinx
Pourquoi me suivre de si près.

Pan
Pourquoi fuit qui vous aime

Syrinx
Un amant m'embarasse.

Double choeur
Courons à la chasse.

Pan
Je ne puis vous quitter;
Mon coeur s'attacher à vous
Par des noeuds trop forts et trop deux.

Syrinx
Mes compagnes, venez...
C'est en vain que j'appelle.

Pan
Ecoutez, ingrate, écoutez un Dieu charmé de vos beautés;
Qui vous jure un amour fidèle.

Syrinx
Je déclare à l'Amour une guerre immortelle.

Troupe de Sylvains et de satyres qui arrêtent Syrinx.
Cruelle, arrêtez!
Arrêtez cruelle.

Syrinx
On me retient de tous côtés

Troupe de Sylvains et de satyres qui arrêtent Syrinx.
Cruelle, arrêtez!

Syrinx
Dieux, protecteurs de l'innocence, Nayades, Nymphes des eaux.
J'implore ici votre assistance.

(Elle se jette dans les eaux.)

Pan
Où vous exposez-vous? Quels prodiges nouveaux
La nymphe est changée en roseaux.
Hélas! hélas! Quel bruit! Qu'entends-je! Ah! Quelle voix nouvelle!
La Nymphe tâche encor d'exprimer ses regrets.
Que son murmure est doux! que sa plainte a d'attraits.
Ne cessons point de nous plaindre avec elle.

(Pan donne des roseaux aux bergers, aux satyres et aux sylvians qui
en forment un concert de flûtes.

Pan
Les yeux qui m'ont charmé
Ne verront plus le jour
Etait ce ainsi, cruelle amour,
Qu'il fallait te venger d'une beauté rebelle
N'aurait-il pas suffi de t'en rendre vainqueur 
Et de voir dans les fers son insensible coeur,
Bruler avec le mien d'une ardeur éternelle?
Que tout ressente mes tourments.

(Deux bergers se joignent à Pan).

Deux bergers
Ranimons les restes charmants 
D'une Nymphe qui fut si belle.
Elle répond encore à nos gémissements.
Ne cessons point de nous plaindre avec elle.

Pan
Que ces roseaux plaintifs soient à jamais aimés.

Mercure (déguisé en berger, s'approche de lui et achève de l'endormir
en le touchant de son caducée)
Il suffit Argus dort, tous ses yeux sont fermés,
Allons, que rien ne nous retarde
Délivrons la nymphe qu'il garde.

Scène7

Mercure
Reconnaissez Mercure et fuyez avec nous;
Eloignez vous d'Argus, 
avant qu'il se réveille.

Hiérax
Argus avec cent yeux sommeille;
Mais croyez vous endormir un amant jaloux?
Demeurez!

Mercure
Malheureux! d'où te vient cette audace?

Hiérax
J'ai tout perdu j'attends le trépas sans effroi.
Un coup de foudre est une grâce 
Pour un malheureux comme moi.
Eveillez vous, Argus, Eveillez vous vous vous laissez surprendre

Hiérax et Argus
Puissante reine des cieux Junon venez nous défendre,

Mercure (Il frappe Argus et Hiérax de son caducée)
Commencez d'éprouver la colère des Dieux.

Choeurs
Fuyons, fuyons, fuyons!

Io
Vous me quittez
Quel secours puis-je attendre!

Choeurs
Fuyons, fuyons!
Junon vient dans ces lieux.

Scène 8
Junon, Io, Argus, Erinnis, La Furie

Junon (sur son char)
Revoys le jour, Argus que ta figure change.
Et vous Nymphe apprenez comment Junon se venge.
Sors, barbare Erinnis, sors du fond des Enfer;
Viens, prends de servir ma vengeance fatale
Et d'en montrer l'horreur en cent climats divers
Epouvante tout l'univers
Par les tourments de ma rivale
Viens la punir au gré de mon courroux;
Redoutable ta rage infernale
Et fais s'il se peut qu'elle égale
La fureur de mon coeur jamoux.
( La Furie sort des Enfers, elle poursuit Io et l'enlève; 
Junon remonte dans le Ciel.)

Io
O Dieux! o Dieux! où me réduisez vous?

ACTE IV

Le théâtre change et représente l'endroit le plus glacé de la Scythie.

Scène 1
Des peuples paraissent transis de froid.

Choeur
L'hiver qui nous tourmente
S'obstine à nous geler
Nnous ne saurions parler
Qu'avec une voix tremblante
La neige et les glaçons
Nous donnent de mortels frissons
Les frimats se répandent sur nos corps languissants;
Le froid transit nos sens
Les plus durs rochers se fendent.

Scène 2
La Furie, les Peuples des climats glacés.

Io
Laisso moi, cruelle Furie, 
Cruelle, laisse moi respirer un moment
Ah! Barbare, plus je te prie,
Et plus tu prends plaisir d'augmenter mon tourment.

La Furie
Soupire, gémis, pleure,
Crie je me fais de tes peines un spectacle charmant.

Io
Laisse moi, cruelle Furie
Cruelle laisse moi respirer un moment
Quel horrible séjour quel froid insupportable!
Tes serpents animés par ta rage implacable.
Ne sont-ils pas d'assez cruels bourreaux? 
Pour punir un coeur misérable
Viens-tu chercher si loin des supplices nouveaux?

La Furie
Malheureux habitants d'une demeure affreuse, 
Connaissez de Junon le funeste courroux:
Par sa vengeance rigoureuse
Vous voyez une malheureuse
Qui souffre cent fois plus que vous.

Io et la Furie, ensemble
Vous voyez une malheureuse
Qui souffre cent fois plus que vous.

Choeur
Ah! quelle peine 
De trembler de languir dans l'horreur des frimats.

Io
Ah! ah! quelle peine
D'éprouver tant de maux,
Sans trouver le trépas
Ah! quelle vengeance inhumaine!

La Furie
Viens changer de tourments, 
Passe en d'autres climats.

Io
Ah! quelle peine!

Choeur
Ah! quelle peine 
De trembler de languir dans l'horreur des frimats.

Scène 3
Le théâtre change et représente des deux côtés les forges des Chalyhes
qui travaillent à forger l'acier; la mer paraît dans l'enfoncement.

Choeur des Chabyles
Tôt tôt tôt tôt tôt tôt 
Que chacun avec soin l'embrase
Forgez, forgez 
Qu'on travaille sans cesse
Qu'on prépare tout ce qu'il faut 
Tôt tôt tôt tôt tôt tôt

(Dans le temps que plusieurs Chalybes travaillent dans les forges, 
quelques autres vont et viennent avec empressement pour apporter
l'acier des mines et pour disposer ce qui est nécessaire au travail
qui se fait.)

Que le feu des forges s'allume
Travaillons d'un effort nouveau; 
Qu'on fasse retentir l'enclume
Sous les coups pesants du marteau.

(Entrée des forgerons)

Scène 4
Io, La Furie, les conducteurs des Chalybes et leur suite au milieu
des feux qui sortent des forges.

Io
Quel déluge de feux
Vient sur moi se répandre.

Les chalybes passent auprès d'Io avec des morceaux d'épées, de lances
et de haches à demi forgées.

Choeur
Tôt tôt tôt tôt tôt
Le Ciel ne peut t'entendre, tu ne te plains pas assez haut.
Tôt tôt tôt tôt tôt

Io
Junon serait moins inhumaine. 
Tu me fais trop souffrir, 
Tu sers trop bien ta haine.

La Furie
Au gré de son dépit jaloux
Les maux les plus cruels seront encore trop doux.

Io
Hélas! hélas! Quelle rigueur estrême
C'est en vain que Jupiter m'aime
La Haine de Junon jouit de mon tourment
Que vous haîssez fortement,
Grand Dieux! qu'il s'en faut bien que vous aimiez de même!

Choeur
Qu'on prépare tout ce qu'il faut 
Tôt tôt tôt tôt tôt

(Les feux des forges redoublent et les Chabyles environnent Io avec
des morceaux d'acier et brulants.)

Io
Ne pourrai-je cesse de vivre?
Cherchons le trépas dans les flots.

(Io fuit et monte au haut d'un rocher d'où elle se précipite dans la 
mer. La Furie s'y jette après la Nymphe.)

La Furie
Partout ma rage doit te suivre
N'attends ni secours ni repos.

Choeur
Qu'on prépare tout ce qu'il faut 
Tôt tôt tôt tôt tôt

Scène 5
Le théâtre change et représente l'antre des Parques. Suite des Parques:
la guerre, les fureurs de la guerre, les maladies violentes et 
languissantes, la famine, l'incendie, l'inondation etc... chantans et
dansants.

Choeur de la suite des Parques
Exécutons l'arrêt du sort
Suivons ses lois les plus cruelles.
Présentons sans cesse à la Mort
Des victimes nouvelles

La famine 
Que la faim

La guerre 
       Que le fer

L'incendie
Que les feux

L'inondation 
       Que les eaux

Tous ensembles
Que tout serve à creuser
Mille et mille tombeaux


Scène 6

Io (partant à la suite des Parques)
C'est contre moi qu'il faut tourner
Votre rigueur la plus funeste,
D'une vie odieuxe arrachez moi le reste
Hâtez vous de la terminer.

Suite des Parques
C'est aux Parques de l'ordonner

Io
favorisez mes voeux
Déesse souveraine
Qui réglez du Destin
Les misérables lois,
Finissez mes jours et mes peines, 
Ne me condamnez pas à mourir mille fois.

Scène 7

Les trois Parques
Le fil de la vie  de tous les humains
Suivant notre envie
Tourne dans nos mains.
Suivant notre envie.

Io
Tranchez mon triste sort
D'un coup qui me délivre des tourments 
Que Junon me contraint à souffrir;
Chacun vous fait des voeux pour vivre
Et je vous en fais pour mourir.

La Furie
Jupiter l'a soumise aux lois de son épouse
Elle a rendu Junon jalouse
L'amour d'un Dieu puissant a trop su la charmer
Elle est trop punie encore.

Io
Est ce si grand crime d'aimer
Ce que tout l'Univers adore.

Les Parques
Nymphe, apaise Junon
Si tu veux la fin 
De ton sort déplorable
C'est l'arrêt du Destin 
Il est irrévocable.

Io
Hélas! comment fléchir 
Une haine implacable!

Les Parques, La Furie, le choeur de la suite des Parques
C'est l'arrêt du Destin 
Il est irrévocable.

ACTE V

Le théâtre change et représente les rivages du Nil et l'un des 
embranchements par où ce fleuve entre dans la mer.

Scène 1

Io (sortant de la mer, doù elle est tirée par la Furie.)
Terminez mes tourments, Puissant maître du monde,
Sans vous, sans votre amour hélas!
Je ne souffrirais pas
Réduite au désespoir, Mourante, vagabonde,
J'ai porté mon supplice en mille affreux climats;
Une horrible Furie attachée à mes pas,
M'a suivie au travers du vaste sein de l'onde;
Voyez de quels maux ici bas
Votre épouse punit mes malheureux appas
Délivrez moi de ma douleur profonde
Ouvrez-moi pas pitié, les portes du trépas.
Terminez mes tourments...
C'est Jupiter qui m'aime Eh qui le pourrait croire?
Je ne suis plus dans sa mémoire,
Il n'entend point mes cris, Il ne voit point mes pleurs
Après m'avoir livré aux plus cruels malheurs, 
Il est tranquille au comble de la gloire
Il m'abandonne au milieu des douleurs.
A la fin je succombe heureuse si je meurs.

Scène 2
La tombe accablée de ses tourments: Jupiter, touché de pitié, descend
du Ciel.

Jupiter
Il ne m'est pas permis de finir votre peine
Et ma puissance souveraine
Doit suivre du Destin l'irrévocable loi:
C'est tout ce que je puis par un amour extrême
Que de quitter le Ciel et ma gloire siprême
Pour prendre part aux maux que vous souffrez pour moi.

Io
Ah! mon suppplice augmente encore!
Tout le feu des Enfers me brûle et me dévore;
Mourrai-je tant de fois,
sans voir finir mon sort?

Jupiter
Ma tendresse pour vous rend Junon inflexible
Elle voit mon amour il lui paraît trop fort;
Son courroux se redouble et devient invincible.

Io
N'importe en ma faveur soyez toujours sensible.

Jupiter
C'est trop vous exposer à son jaloux transport,
J'irrite en vous aimant sa vengeance terrible.

Io
Aimez moi, s'il vous est possible
Assre pour la forcer à me donner la mort.

(Junon descend sur la terre)

Scène 3

Jupiter
Venez, venez Déesse impitoyable 
Venez, voyez, reconnaissez
Cette Nymphe mourante. Autrefois trop aimable.
C'est assez la punir, C'est vous venger assez;
L'éclat de sa beauté ne la rend plus coupable, 
Par la cruelle horreur du tourment qui l'accable,
Son crime et ses appas sont ensemble effacés.
Sans jalousie et sans alarmes
Voyez ses yeus noyes de larmes
Que l'ombre de la mort
Commence de couvrir.

Junon
Ils n'ont encor que trop de charmes
Puisqu'ils savent attendrir.

Jupiter
Une juste pitié peut elle vous aigrir?
Votre courroux fatal ne doit-il pas s'éteindre?

Junon
Ah! vous la plaignez trop, elle n'est pas à plaindre 
Non elle ne peut trop souffrir.
Je sais que c'est de vous que son sort doit dépendre.
Ce n'est qu'à vos bontés qu'elle doit recourir.
Il n'est rien que de moi vous ne deviez attendre,
Si je puis obliger votre haine à se rendre.

Io
Ah! laissez moi mourir.

Junon
Prenez soin de la secourir

Io 
Vous l'aimez d'un amour trop tendre
Non elle ne peut trop souffrir.
Quoi! Le coeur de Junon 
Quelques grand qu'il puisse être 
Ne saurait triompher d'une injuste fureur

Junon
De la terre et du Ciel Jupiter est le maître
Et Jupiter n'est pas le maître de son coeur.

Io
Hé bien! il faut que je commence
A me vaincre en ce jour.

Junon
Vous m'apprendrez à me vaincre à mon tour.

Io
Abandonnez votre vengeance
Je vous rends mon amour .

Junon 
J'abandonnerai ma vengeance, 
Rendez moi votre amour.

Jupiter
Noires Ondes du Styx, s'est par vous que je jure;
Fleuve affreux écoutez le serment que je fais:
Si cette Nymphe, enfin, reprend tous ses attraits,
Si Junon fait cesser les tourments qu'elle endure,
Je jure que ses yeux ne troubleront jamais
De nos coeurs réunis la bienheureuse paix.

Junon 
Nymphe, je veux finir votre peine éternelle
Que la Furie emporte aux Enfers avec elle
Le trouble et les horeurs dont vos sens sont saisis!

(La Furie s'enfonce dans les Enfers et Io se trouve délivrée 
de ses peines.)

Junon
Après un rigoureux supplice 
Goutez les biens parfaits que les Dieux ont choisis: 
Et sous le nouveau nom d'Isis
Jouissez d'un bonheur qui jamais ne finisse.

Junon et Jupiter
Dieux, recevez Isis au rang des immortels!
Au rang des immortels. 
Peuples voisins du Nil, dressez lui des Autels,

(Les divinités du Ciel descendent pour recevoir Isis; Les peuples
d'Egypte lui dressent un Autel et la reconnaissent pour la Divinité
qui les doit protéger.)

Divinités qui descendent du Ciel dans la gloire: Peuples d'Egypte
chantants, quatre egyptiens chantants, peuples d'Egypte dansants.
Venez, venez, Divinités nouvelle,
Isis, Isis, Tournez sur nous vos yeux
Voyez l'ardeur de notre zèle.
La céleste Cour vous appelle
Tout vous révère dans ces lieux
Isis, Isis est immortelle
Isis va briller dans ces lieux.
Isis jouit avec les Dieux 
D'une gloire éternelle.
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