FLORENCE



C'est dans la ville des arts par excellence, que naquit Giovanni Battista Lulli en 1632.
Florence vit en effet à la fin du XVIème siècle l'émergence de l'opéra. Giovanni Bardi, comte de Vernio, organisa, à partir de 1576, des réunions entre artistes. La Camerata dei Bardi ou Camerata fiorentina rassemblait des poètes, philosophes et musiciens, dont le projet était de faire revivre la tragédie antique.
Ainsi, Vincenzo Galilei (le père de l'astronome) affirmait: «Les Anciens faisaient vibrer les passions les plus vives par le seul effet d'une voix soutenue par la lyre. Il faut renoncer au contrepoint et revenir à la simplicité du mot».
La Camerata considérait donc que le contrepoint, cher à la polyphonie franco-flamande, était un obstacle à l'expression des sentiments. Deux autres membres de la Camerata, Jacopo Corsi et Ottavio Rinuccini, s'adressèrent à Jacopo Peri afin d'écrire la pastorale "Dafne" vers 1595. Encouragé par le succès de cette oeuvre, Peri décida de composer une "Euridice", qui fut représentée le 6 octobre 1600, lors du mariage de Marie de Médicis avec Henri IV. Un autre membre de la Camerata : Caccini, virtuose du chant soliste, composa sur le même livret de Rinuccini un opéra qui fut édité avant l'opéra de Peri, mais ne fut jamais représenté. Cette oeuvre peut être considérée comme le premier opéra, même s'il est composé de nombreux récitatifs. Monteverdi allègera la formule avec son "Orfeo", quelques années plus tard.

Lorenzo Lulli appartenait à la petite bourgeoisie et non à la noblesse, comme le laissait penser l'acte de mariage de Baptiste. Ses revenus provenaient de l'exploitation d'un moulin à eau situé sur la rive droite de l'Arno, mais aussi de la production fruitière des châtaigniers dont il avait hérité de son père dans le village de Campestri.

Campestri



Située au nord-est de Florence, la région du Mugello a longtemps été choisie par les notables florentins comme lieu de villégiature. Le petit hameau de Campestri ne dérogea pas à la règle. La famille Roti Michelozzi construisit une superbe villa à flanc de colline au XIVème siècle. Le reste du hameau culmine à une altitude de 450 mètres au dessus du niveau de la mer. Le paysage mêle prairies vallonnées, vignes et oliviers.


L'église de Campestri

Mais la caractéristique de Campestri réside dans son parc, couvrant une surface d'environ 140 hectares, principalement boisé de châtaigniers. C'est précisément cette châtaigneraie qu'exploitait la famille Lulli.


Les châtaigniers de Campestri

Les bords de l'Arno


Moulins de San Niccolo sur la rive gauche de l'Arno Fin XVIIIème s.

Ce fleuve, long de 241 kilomètres, traverse la Toscane. Il prend naissance dans les Apennins sur le mont Falterona à 1358 mètres d'altitude et arrose Arezzo, Florence et Pise pour se jeter dans la mer Tyrrhénienne.


Vestige d'une des arches supportant les moulins des Ognissanti.

Le grand-père maternel de Lulli, Gabriello del Sera, possédait un des moulins situés sur la rive droite de l'Arno. Après le décès de son beau-père, Lorenzo Lulli reprit l'exploitation du ou des moulins. Les documents de l'époque le qualifient de "mugnaio del popolo di Santa Lucia" et de "mugnaio in Ognissanti". En réalité, les moulins en question ne se trouvaient qu'à un seul endroit : alignés à l'extrémité de la "pescaia Santa Lucia" sur la rive droite de l'Arno. De nombreuses gravures anciennes de Florence témoignent de la présence de moulins à cet endroit précis, depuis la Renaissance.


Les moulins à eau du quartier des Ognissanti au XVIIIème siècle.

Lorenzo Lulli résida vraisemblablement dans la maison de son beau-père, Gabriello del Sera, via di Borgo Ognissanti. C'est là que naquit et grandit Giovanni Battista.


Borgo di Ognissanti

Entre les deux paroisses Santa Lucia et Ognissanti, ce trouve le quartier où est né et a grandi Lulli : le Borgo di Ognissanti. La famille habitait à proximité du moulin, précisément dans la via di Ognissanti.


Via di Ognissanti
Sur les registres de cette paroisse, figurent l'acte de naissance du compositeur Giovanni Battista Lulli et l'acte de décès de son père Lorenzo.


Eglise Santa Lucia


Edifice remanié au XVIIIème siècle.


Le Choeur

A gauche de l'église, le cloître est décoré de fresques de Giovanni da San Giovanni. Une imposante Cène de Domenico del Ghirlanedaio orne le réfectoire du couvent. Léonard de Vinci s'en serait inspiré pour peindre sa propre Cène.


Cloître jouxtant l'église des Ognissanti.

Eglise des Ognissanti


Les frères Humiliats construisirent l'église primitive en 1251. Les moines développèrent l'activité commerciale dans le quartier. Le Faubourg de Tous les Saints abrita d'illustres familles dont celles d'Amerigo Vespucci et de Sandro Boticelli. L'ordre des Humiliats s'éteignant avec le temps, les Franciscains de l'Observance prirent possession des lieux en 1651. Ils dédièrent l'église à Saint Sauveur de Tous les Saints et firent reconstruire l'édifice dans le style maniériste tout en gardant les fresques de l'église primitive peintes par Boticcelli et Domenico Ghirlandaio (XVème siècle). La façade de l'église fut refaite au XVIIIème siècle selon les dessins de Matteo Nigetti (1635-1637).
C'est dans cette église que se marièrent Caterina et Lorenzo Lulli, le 16 février 1620. Trois enfants naquirent de cette union : deux fils Verginio et Giambattista et une fille Margherita.

Son acte de baptême rédigé en la paroisse Santa Lucia nel Prato, en date du 29/11/1632, mentionne :

"Lunedi 29 Gio : Batt di Lorenzo di Maldo Lulli e di Catna di Gabriello del Sera ps. Lucia nel Prato n. A di 28 ho 16 1/2 C. Antonio di Jacopo Comparini C. Madalena di Giovanni Bellieri."

Le Baptistère


Le baptistère devant la cathédrale au XVIIIème siècle.

Ce baptistère roman a été édifié au XIème siècle à l'emplacement d'une ancienne construction romaine. Sur un plan octogonal, le baptistère est recouvert de marbres polychromes dans la pure tradition toscane. Jusqu'en 1128, le baptistère faisait office de cathédrale. Ses trois portes ont été ciselées par Andrea Pisano (Porte sud - XIVème siècle) et Ghiberti (Portes nord et est - XVème siècle). La plus exceptionnelle d'entre elles est située à l'est et doit son surnom à Michel-Ange : "la Porte du Paradis".


Baptême de Jésus par Saint Jean-Baptiste - Porte du sud.

Sur les murs intérieurs du Baptistère, des fresques aux motifs géométriques alternent avec des colonnes de style corynthien. La coupole est ornée d'une impressionnante mosaïque datant du XIIIème siècle. Elle représente le Jugement dernier, la Création et la vie de Saint Jean-Baptiste et rappelle le style byzantin.


Au centre du Baptistère, étaient situés les fonts baptimaux, sur lesquels les époux Lulli ont penché leur petit Giambattista le 29 novembre 1632. Ces fonts baptismaux hexagones ont été sculptés en 1371 par des artistes de l'école pisane.


Fonts baptismaux.

A sept ans, l'enfant se retouva fils unique de la famille en raison des décès consécutifs de son frère et de sa soeur. Il reçut, par conséquent, une éducation soignée. Giovanni Battista aurait bénéficié de l'enseignement des moines Cordeliers de la Congrégation de St Louis roi de France, grâce à l'engagement de sa famille au sein de la Compagnia del Teizo Ordine. Toujours est-il qu'il apprit à lire et écrire et surtout à jouer de la guitare et du violon.


L'Arno par Bernardo Bellotto.

Le fils Lulli vécut dans sa ville natale jusqu'à l'âge de 13 ans. Il quitta les lieux en 1646 pour ne plus jamais y revenir.

Fin février 1646: De retour d'une campagne contre les Turcs, le Chevalier de Guise, Roger de Lorraine fit une halte en Toscane, où il passa une partie de son enfance.
Profitant certainement de vieilles relations, il se mit en quête d'un jeune florentin pour converser avec sa nièce en langue italienne. Il est certain que Giovanni Battista jouissait déjà d'une bonne réputation à Florence, pour qu'il fut recommandé ainsi au Chevalier de Guise.


Cette plaque de marbre en hommage au "génie de la musique en France" fut apposée quai Amerigo Vespucci, il y a maintenant quelques années.